- Le Groupe africain des négociateurs, mandaté par la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (AMCEN), soutient l’idée de la création d’un protocole juridiquement contraignant sur la sécheresse, mais cette position n’a pas été acceptée par les pays occidentaux, y compris ceux de l’Amérique latine.
- Les parties ont plutôt adopté un document annexe de suivi des cadres politiques et des questions thématiques sur la sécheresse, remettant les discussions à la COP17, prévue en Mongolie, en 2026.
- Selon le président du Groupe africain des négociateurs pour la COP17, l’Ivoirien Jean Kouakou Kouadio, l’Afrique ne baisse pas les bras, elle va de nouveau soumettre sa requête aux négociations, dans deux ans.
RIYAD, Arabie Saoudite – Très peu de ressortissants africains étaient présents à la plénière de clôture de la 16e Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD), présidée par Abdulrahman Alfadley, ministre saoudien de l’Environnement, de l’eau et de l’agriculture. Une absence qui illustre la déception des mandataires du Groupe africain des négociateurs, qui ont échoué à faire adopter un protocole d’accord juridiquement contraignant de lutte contre la sécheresse, au sortir de cette conférence.
À la place, les parties ont plutôt adopté un document annexe de suivi des cadres politiques et des questions thématiques sur la sécheresse, remettant le processus de discussions sur un cadre mondial (soutenu par les pays occidentaux) ou un protocole (soutenu par le groupe africain), juridiquement contraignant ou non à la COP17 prévue en Mongolie, en 2026, avec pour objectif de parvenir à une résolution finale à la COP18, dans quatre ans.
Le Secrétaire exécutif de la CNULD, Ibrahim Thiaw, dont le mandat s’achève à la tête de cet organisme onusien en 2025, a déclaré dans son discours de clôture : « Alors que les Parties ont besoin de plus de temps pour s’entendre sur la meilleure façon de faire face au problème crucial de la sécheresse, je suis rempli d’espoir avec le lancement du Partenariat mondial de Riyad pour la résilience à la sécheresse, une initiative historique visant à relever l’un des défis les plus urgents de notre époque ».
Les signaux semblaient pourtant verts pour l’Afrique jusqu’à la veille de la clôture de cette 16e Conférence des parties de Riyad. Tout laissait croire que l’idée du protocole juridiquement contraignant sur la sécheresse serait adoptée comme cadre de politique mondiale sur la sécheresse. Mais, à quelques heures de la clôture des travaux, les négociations entre les parties ont achoppé, selon Jean Kouakou Kouadio, Président du Groupe africain des négociateurs pour la COP17.
« Les groupes (occidentaux et d’Amérique latine) étaient foncièrement contre le protocole, et, à un moment donné, ils nous ont laissé espérer que nous allions avoir un accord juridiquement contraignant, qui allait s’apparenter au protocole, mais malheureusement, avant d’aller à la plénière, on nous a annoncé qu’il n’y aura pas d’accord malgré la détermination du pays hôte (Arabie Saoudite) pour que nous puissions tomber sur un accord », a confié Kouadio, par ailleurs Point focal de la CNULD pour la Côte d’Ivoire .
L’adoption du protocole de l’Afrique par les parties aurait érigé le document en accord juridiquement contraignant, dont la mise en œuvre se serait imposée à l’ensemble des pays membres de la CNULD.
Ledit protocole considère la sécheresse comme une menace climatique globale à laquelle il faut apporter des solutions, à travers la mobilisation de financements conséquents. Ceci reviendrait à établir les responsabilités sur les causes de la sécheresse, et les pays occidentaux, déjà pointés du doigt comme responsables de la perte de la biodiversité et du réchauffement de la planète, se verraient encore au banc des accusés et contraints de pourvoir aux financements en faveur des pays en développement, pour lutter contre la sécheresse.
Les Occidentaux soutiennent plutôt l’idée d’un cadre mondial non contraignant aux États-parties, arguant que de nombreuses actions climatiques financées dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC), prennent déjà en compte la lutte contre la sécheresse.
Au demeurant, l’Afrique entend soutenir sa position jusqu’au bout, à l’occasion des prochaines COP sur la désertification. « Nous n’allons pas baisser les bras. Nous savons que c’est une lutte de longue haleine. À la prochaine COP, nous allons mettre encore sur la table notre requête », précise Kouadio à Mongabay.
Un caucus des peuples autochtones et des promesses de financements
Au bout d’une longue nuit, marquée par d’interminables négociations et devant un petit auditoire, les travaux de Riyad se sont tout de même conclus avec quelques innovations, au rang desquelles l’adoption d’un caucus des peuples autochtones et un caucus des communautés locales. Ces maillons pourront désormais prendre part aux discussions de haut niveau de la CNULD, et soumettre des propositions pour le fonctionnement des activités de la Convention lors des prochaines COP sur la désertification.
Il s’agit d’une décision « historique », a dit Hindou Oumarou Ibrahim, Présidente de l’Association des femmes peules et des peuples autochtones du Tchad, dans une interview à Mongabay. Elle explique : « Cette décision changera la manière de participer des peuples autochtones. On n’ira plus à la COP comme de simples membres de la société civile, mais en tant que membres reconnus des peuples autochtones à part entière ».
« Nous pourrions nous réunir entre nous, discuter entre nous, proposer des recommandations pour des décisions à prendre au sein de la Convention ; on pourra parler avec les États de ce que nous faisons ; on pourra faire des déclarations officielles dans les plénières en tant que peuples autochtones. C’est un grand changement et une grande avancée », a dit Hindou Oumarou, qui a conduit le groupe de travail des peuples autochtones durant cette COP16.
Cette décision consacre ainsi le rôle reconnu à ces peuples en tant que gardiens des terres, qui, de par leurs connaissances ancestrales, contribuent à la restauration des terres dégradées, à leur protection contre les effets du changement climatique.
Il importe de relever également qu’en guise de retombées pour la participation de l’Afrique à cette COP16 sur la désertification, le Global Mechanism, un instrument de mobilisation des ressources financières de la CNULD, a obtenu des accords de financements d’une enveloppe globale de USD 14,8 millions avec les gouvernements d’Italie (USD 11,5 millions) et d’Autriche (USD 3,7 millions), pour financer des projets de l’Initiative de la Grande Muraille Verte (GMV) au Bénin, au Burkina Faso, au Niger, au Ghana, au Sénégal et au Mali.
Ces financements ne sont pas comptabilisés dans la cagnotte de USD 19 milliards, promise par certains partenaires financiers lors du One Planet Summit, tenu en janvier 2021, pour la mise en œuvre de la GMV sur la période 2021-2025.
Dans le registre de la mobilisation des ressources financières, l’Arabie Saoudite et les dix membres du Groupe de coordination arabe ont également promis un appui financier de USD 12,15 milliards pour lutter contre la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse dans le monde, avec une attention particulière portée vers les pays les plus vulnérables.
Peu avant le début de cette COP16, un rapport, co-produit par la CNULD et le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), a révélé que 15 millions de km² de terres sont dégradées dans le monde, et que des investissements de USD 2600 milliards dans la restauration de ces terres sont nécessaires pour lutter de façon efficiente et durable contre la dégradation des terres à l’horizon 2030.
Image de bannière: Photo de famille à la clôture de la 16e Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD). Image de UNCCD via Flickr.
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