- Des sols appauvris sont restaurés grâce à la production du coton biologique à Banikoara et environs, au nord-est du Bénin.
- Les producteurs font usage de méthodes agro-écologiques pour ré-fertiliser les sols.
- La production du coton-bio impacte positivement la santé des producteurs et leur environnement.
- Leurs productions font l’objet d’une certification par un organisme international, dont l’antenne régionale est basée au Burkina Faso. Cependant, dans cette transition agricole, les organisations paysannes font face à des contraintes.
Fin octobre 2024, Dèmè Sanni-Bou a commencé la récolte de son coton biologique. Nous sommes à Banikoara, une des communes productrices de coton au Bénin, au nord-est. Des champs de sorgho verdoyants, de maïs à maturité jaunis ou d’étendues de végétation, s’observent entre les concessions. Au milieu des habitations, de grandes cours d’où fusent des cris d’enfants et d’animaux domestiques. Des femmes s’activent à étaler au soleil des produits vivriers ou à faire le ménage. C’est toute contente, que de retour du champ cet après-midi, Sanni-Bou nous fait découvrir son stock de coton-bio en compagnie des assistantes techniques de l’Association des femmes vaillantes et actives, qui assure le suivi des producteurs dans la localité (AFVA-ONG).
A son domicile, Azouma Sabi-Gani, cette mère de deux enfants, la quarantaine révolue, productrice du coton-bio depuis 2012, partage ses expériences avec Mongabay. Secrétaire de la coopérative du village de Wagou, dans la commune de Banikoara, elle exploite environ un hectare de terre pour son coton-bio. « Cette année, si tu fais le sorgho, l’année suivante tu fais l’arachide, après le coton-bio. Je fais la rotation. On nous a montré aussi comment faire le compost pour enrichir nos terres. Si tu suis bien les instructions, la production est bonne. Avec un peu d’efforts, tes terres seront fertiles. Au départ, mes terres étaient un peu appauvries. Si tu as amélioré, l’année suivante tu vas ailleurs. Quand tu fais une culture à l’endroit où tu as fait du coton-bio, ça donne très bien », dit en français Sabi-Gani.
Agé de 23 ans environ, Dominique Sabi-Mayé, est également producteur de coton-bio. A son domicile, à Banikoara, il relate à Mongabay, sa transition vers le coton-bio, pour fertiliser ses terres. « J’ai eu de bonnes expériences grâce à la culture du coton bio, mais aussi des avantages comparés à la production du coton conventionnel », dit-il en bariba, la langue la plus parlée au nord-est du Bénin. Il a commencé en 2022, après avoir observé les rendements de sa mère, productrice aussi de coton-bio, confie-t-il.
« Pour refertiliser le sol, je fais d’abord la culture d’arachide sur la parcelle. Après la récolte, les feuilles sont laissées sur la parcelle. Après, je cherche les bouses de vache et les déjections de cabri avec ma brouette (montrant du doigt l’engin entreposé dans sa cour), et je vais les épandre sur la parcelle. Après les premières pluies, je fais le labour », dit Sabi-Mayé.
« Je fais la rotation, soja, arachide, et coton-bio. Parce que, je sais que la culture du coton-bio à des normes à respecter pour ne pas contaminer le sol », ajoute-t-il.
De ses expériences concluantes avec le coton-bio, il a étendu la méthode sur toutes ses parcelles pour refertiliser le sol, ayant remarqué que ses terres s’étaient appauvries.
« Pour fertiliser mes sols, où je fais du sorgho, de l’arachide, du café, du niébé et du maïs, j’utilise des cultures de rotation et des plantes fertilisantes comme le pois d’Angole (Cajanus cajan). Leurs feuilles qui tombent permettent de fertiliser le sol. L’année passée, j’ai eu à cultiver aussi le mucuna, une légumineuse », dit Sabi-Mayé.
Un suivi technique pour allier refertilisation des sols et rendement
Depuis 2008, AFVA-ONG, intervient dans la commune de Banikoara pour la promotion des cultures biologiques, ainsi qu’à Gogounou, Kandi et Kouandé, avec l’appui de différents partenaires. Afin de refertiliser les sols appauvris, des méthodes sont utilisées d’une localité à une autre.
« Dans le bio, on a plusieurs manières de refertiliser nos sols. Il y a le parcage direct des bovins ; il y a la semence de pois d’Angole ou de mucuna, et le compost que les producteurs fabriquent. Le compostage se fait avec les bouses de vache, la cendre, la paille du riz et de l’eau. On utilise 50 kilogrammes de compost pour 0,50 hectare pour les sols un peu fertile. Pour un sol qui n’est plus fertile, on utilise 50 kg pour 0,25 hectare. Et il faut chaque année apporter de composte, c’est comme l’engrais », dit Sakiratou Ore Fassassi, agent d’appui technique de AFVA-ONG à Kandi, au nord du pays.
« Les producteurs font l’épandage des bouses de vache pendant la sècheresse. Après la première pluie, on fait le labour. Dès la levée des plants, on met le compost au poquet pour les terres qui sont très appauvries », dit Zoubératou Ibrahim, agent d’appui technique à Banikoara.
Outre l’apport de compost à base de déjections animales, « Si la terre est trop appauvrie, on peut faire la jachère pendant deux à trois ans avant de commencer la culture biologique », dit Bion Yô Santime, agent d’appui technique à Kouandé, au nord-ouest.
Selon une étude dirigée par Dr Ghislain B. D. Aihounton, Assistant de recherche au Laboratoire d’Analyse et de recherches sur les dynamiques économiques et sociales (LARDES), du Département d’Economie et de sociologie rurale, de la Faculté d’Agronomie de l’université de Parakou (Bénin), publiée dans la Revue Africaine d’Environnement et d’Agriculture, plusieurs méthodes sont utilisées pour l’apport d’engrais organiques dans les communes visitées, dont Banikoara.
L’étude a montré que la production du coton biologique intègre la rotation et l’assolement cultural. Pour ce qui est des rotations culturales, les producteurs du coton biologique font la rotation avec des cultures purement biologiques, c’est-à-dire sans utilisation d’intrants chimiques. Il est noté que le producteur qui commence la production du coton biologique extrapole cela à toutes ses productions, qui présentent la facilité de rotation.
« Si on doit fertiliser le sol, à l’hectare on a besoin d’au moins 6 tonnes d’engrais. Ce qui est trop. Ce pourquoi ceux du conventionnel utilisent 6 à 8 sacs d’engrais. Dans le bio, comme on a le souci de protéger le sol, et qu’on n’utilise pas la synthèse chimique, les études ont prouvé qu’il faut au moins 5 charrettes de déjections d’animaux, à répandre sur la parcelle à l’hectare. Ou 24 sacs de ciment. Ce qui est contraignant pour les producteurs», dit Baké Antoinette Garadima, superviseure d’AFVA-ONG.
«C’est pourquoi, après les récoltes, on fait la gestion des résidus de récolte pour retourner au sol ce qu’on a pris. Zéro résidu de récolte brulé. Il faut laisser les animaux brouter et faire leurs déjections sur la parcelle, et se décomposer. La dernière étape, nous recueillons les bouses de vache, les déjections d’animaux domestiques et nous fabriquons du compost. Après les semis, les producteurs le mettent au poquet, comme si on mettait de l’engrais », précise-t-elle.
De la restauration des sols aux impacts sur la santé des producteurs
Outre les sols refertilisés, les producteurs de coton-bio relèvent des impacts sur leur santé. Pour lutter contre les ravageurs, ils font usage de bio-pesticides. Sabi-Mayé qui a commencé le coton-bio à la Campagne 2022-2023 se souvient des malaises qu’il ressentait quand il faisait le traitement du coton conventionnel contre les ravageurs. « L’utilisation des pesticides biologiques a des avantages sur la santé. De mon côte, quand je fais la pulvérisation, je suis en forme. Or, auparavant, quand je faisais la pulvérisation, j’avais des acnés sur mon corps. Je peux dire que le bio est avantageux », dit Sabi-Mayé.
« Avec le coton-bio, les femmes elles-mêmes peuvent faire le traitement. Sans se protéger, on n’a rien. On peut également manger sans se laver les mains. Mais, si c’est le coton conventionnel, ce sont les hommes qui le font, et tu dois te protéger. Après le traitement, si tu n’as pas lavé les mains avec du savon avant de manger, tu auras les maux de ventre sur place, et tu peux en mourir », dit Sabi-Gani.
Des producteurs ont affirmé, à Mongabay, qu’ils reçoivent une formation sur la fabrication de bio-pesticide ou en achètent, et défrichent manuellement leurs champs sans usage de produits chimiques. « Le traitement habituel réalisé par les producteurs eux-mêmes est fait à base de graines de neem pilées, mélangées avec de l’eau, l’ail, le piment et le savon bariba (Kôtô), et la préparation est faite deux jours avant l’application. Il existe également le traitement à base de son de maïs (Zea mays), de l’eau et du sucre. Ce traitement permet la lutte biologique, attire les bons insectes qui se chargent de détruire les mauvais insectes », révèle l’étude conduite par Aihounton.
La production du coton-bio à Banikoara, après refertilisation des sols, passe par une étape de certification. Celle-ci est effectuée par un organisme international dont l’antenne régionale est basée au Burkina Faso. Non certifiée, la production est juste considérée comme agro-écologique et ne peut être vendue que dans le lot du coton conventionnel, ce qui crée un manque à gagner aux producteurs.
Selon les données d’AFVA-ONG, plus de 1000 hectares de terres sont converties au bio sous son impulsion, avec plus de 1100 producteurs. La production de coton-bio représente à peine 5 % dans sa localité d’intervention, avec 468 tonnes produites, la campagne écoulée (2022-2023).
A ses débuts, AFVA-ONG, avait une vision féminine, créée pour corriger une injustice sociale. Les femmes avaient des difficultés à rentrer en possession des semences et intrants et devaient attendre que leurs époux aillent en chercher, finissent leur exploitation avant qu’elles ne jouissent du reste.
Aujourd’hui, le bio étant une production recherchée, beaucoup d’hommes ont intégré le réseau au point où leur effectif domine celui des femmes.
Convaincu que, tôt ou tard, le besoin de reconvertir les sols, pour s’adapter à une alimentation saine, va s’impose à travers le bio : « Quelle terre nous ont laissé nos parents, et quelle terre laisserons nous à nos enfants ? », s’interroge Garadima.
Image de bannière : Récolte de coton biologique dans un champ à Banikoara, au nord-est du Bénin. Image de Ange Banouwin pour Mongabay.
Citation:
Aihounton, G. B. D., Edja, A. H., & Yabi, J. A. (2022). Caractérisation et perspectives de durabilité des systèmes de production de coton conventionnel et biologique au Bénin. Revue Africaine d’Environnement et d’Agriculture. DOI : hal-03753922
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