- Au Rwanda, les principes de l’agriculture de conservation reposent essentiellement sur des pratiques adaptées localement.
- Les pratiques d’une agriculture de conservation s’avèrent indispensables pour améliorer le rendement des cultures et assurer la sécurité alimentaire pour des communautés les plus vulnérables.
- Les agriculteurs, en Afrique centrale comme ailleurs, peuvent obtenir davantage de bénéfices en termes de biodiversité et de sécurité alimentaire une fois qu’ils utilisent plusieurs pratiques de diversification.
- Malgré les preuves de plus en plus convaincantes que ces stratégies fonctionnent, la transition effective vers des systèmes agricoles plus diversifiés nécessitera un soutien financier en Afrique.
Pendant la courte saison des pluies d’octobre à décembre, Apollo Vuningoma, un producteur de pomme de terre (Solanum tuberosum) se levait tôt, pour inspecter l’état des cultures de sa ferme à Nyaruguru, un district sud du Rwanda.
Bien que ce quadragénaire ait été récompensé, à plusieurs reprises, en tant que modèle dans la production de pomme de terre de haute qualité dans cette région montagneuse, il a travaillé dur pour continuer à étendre ses terres agricoles, afin de pouvoir vendre de grandes quantités de pomme de terre directement aux marchés locaux, pour générer plus de revenus.
Pourtant, ce quadragénaire, père de quatre enfants, continue de cultiver des pommes de terre, mais il a ajouté des légumes et du maïs avec des arbres fruitiers aux cultures de sa ferme, ce qui lui permet désormais de générer plus de revenus et de maintenir le rythme de sa productivité agricole.
«L’adoption des techniques modernes comme la diversification des cultures m’a permis d’augmenter les rendements et de maximiser les revenus », a-t- dit à Mongabay.
Une étude, publiée en avril 2024 par des chercheurs de plusieurs institutions universitaires en Afrique et ailleurs dans le monde (Europe, Etats-Unis, Canada et Amérique latine), a montré déjà que l’agriculture diversifiée est une voie prometteuse pour une production alimentaire plus durable dans la sous-région.
Les chercheurs ont constaté que les agriculteurs en Afrique centrale comme ailleurs obtiennent davantage de bénéfices en termes de biodiversité et de sécurité alimentaire lorsqu’ils utilisent plusieurs pratiques de diversification agricole ensemble plutôt qu’une seule.
Cette étude, publiée dans la revue « Science », a analysé les données de 24 autres travaux similaires menées dans 6 pays en Afrique subsaharienne qui partagent les mêmes réalités agricoles que le Rwanda.
Professeur Laura Vang Rasmussen, enseignant au Département des géosciences et de la gestion des ressources naturelles à l’université de Copenhague au Danemark, auteure principale de cette étude, a confié à Mongabay, qu’il y a un besoin d’examiner comment différentes pratiques de diversification peuvent être intégrées dans les systèmes agricoles existant dans les divers pays.
Le Rwanda, mise désormais sur le renforcement de son système alimentaire et s’emploient à l’intégrer à la conservation de la biodiversité.
Les principes de l’agriculture de conservation dans ce pays reposent essentiellement sur l’adoption des pratiques visant la gestion durable du sol, la limitation des intrants externes notamment.
Face à une menace liée à l’insécurité alimentaire, l’agroéconomie apparaît aux yeux des responsables rwandais du secteur agricole comme une solution appropriée pour promouvoir des systèmes alimentaires résilients.
Grâce aux connaissances acquises sur les bonnes pratiques agricoles, Vuningoma confie à Mongabay avoir appris comment adapter plusieurs types de cultures à la même parcelle et les techniques visant à limiter l’utilisation des intrants chimiques.
Amélioration du rendement des cultures
En effet, l’utilisation des produits agrochimiques sont appliquées dans les fermes reculées du pays, selon des modalités et des quantités qui n’interfèrent pas avec les processus biologiques du sol.
Certains chercheurs dans le domaine agricole à l’université du Rwanda estiment que ces pratiques s’avèrent également indispensables pour améliorer le rendement des cultures et assurer la sécurité alimentaire pour les communautés les plus vulnérables.
D’après Dr Nathan Kanuma Taremwa, enseignant et chercheur au Collège d’agriculture, de zootechnie et de médecine vétérinaire de l’université du Rwanda, certaines pratiques agricoles, telles que les rotations, l’entretien de la biodiversité ont prouvé leur efficacité pour maintenir une préservation des ressources naturelles.
« Avec la diversification, l’expérience du Rwanda a montré que les petits exploitants agricoles ont encore besoin, non seulement d’acquérir certaines compétences qui leur permettent d’enrichir leur métier, mais aussi de gérer la complexité qui en découle », dit Taremwa à Mongabay.
Toutefois, l’aspect le plus positif de l’une de ces approches agricoles a conduit à l’amélioration des conditions de travail des petits agriculteurs comme Vuningoma à travers l’utilisation équilibrée des sols avec la conservation de l’environnement.
« Grâce à cette initiative, la production agricole et les revenus ont augmenté comme jamais auparavant (…). Je suis maintenant en mesure de payer les frais de scolarité et l’assurance mutuelle de mes enfants », a dit Vuningoma.
Selon les statistiques officielles au Rwanda, le secteur agricole reste un élément dominant de l’économie, représentant environ 80 % du marché d’emploi et contribuant à hauteur de 25 % du Produit intérieur brut (PIB), avec également des retombées dans la sous-région.
Dr Alexandre Rutikanga, Conseiller technique en chef au ministère rwandais de l’Agriculture et des ressources animales, affirme que l’agriculture diversifiée reste également une autre voie prometteuse pour parvenir à une production alimentaire plus durable.
« Une agriculture diversifiée sans pesticides ni engrais de synthèse, plus respectueuse des sols et de la biodiversité, reste une solution durable pour améliorer les conditions de vie des exploitants agricoles et maintenir la conservation de la biodiversité », a-t-il dit à Mongabay.
Les récentes estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent qu’il y a encore la possibilité pour la plupart des pays en Afrique de promouvoir et de protéger la biodiversité et assurer ainsi la productivité des futurs systèmes agroalimentaires.
Selon la FAO, la forte croissance de la production agricole sur le continent s’explique principalement par l’expansion des surfaces cultivées et par l’intensification des systèmes de culture, et non par une amélioration à grande échelle des rendements.
Plaidoyer pour une transition efficace
De nombreux pays en Afrique centrale comme ailleurs à travers le continent se sont plutôt focalisées sur les techniques d’une agriculture simplifiée, fortement axée sur la production de cultures de base telles que le blé, le maïs et le riz.
Professeur Rasmussen affirme que le plus grand défi consiste désormais à transformer ces systèmes simplifiés en systèmes capables de fournir un approvisionnement annuel en aliments nutritifs, sans nuire à la biodiversité.
Comme l’ont souligné les chercheurs dans leur étude, les pays ont besoin de mobiliser des investissements dans des services de vulgarisation efficaces en impliquant tous les acteurs des secteurs publics et privés et la société civile, en vue de pérenniser ce programme d’apprentissage sur la manière de mener la transition vers une agriculture diversifiée et sur les avantages de cette approche.
Rasmussen reste aussi persuadée que malgré les preuves de plus en plus convaincantes que ces stratégies fonctionnent, la transition effective vers des systèmes agricoles plus diversifiés nécessitera un soutien financier en Afrique, notamment.
« Dans certains pays, cette pratique de diversification s’est avérée efficace pour améliorer le cycle des nutriments et la séquestration du carbone – et les arbres de la ferme restent indispensables pour la conservation de la biodiversité dans la sous-région », a-t-elle dit.
Dans le but de pérenniser ces efforts, le Rwanda, en collaboration avec les différents acteurs dans le domaine de la conservation, a lancé depuis le mois de juillet 2019, l’Institut rwandais pour l’agriculture de conservation (RICA, sigle en anglais), avec comme mission principale de former une nouvelle génération d’entrepreneurs dans le domaine de l’agriculture durable.
Cette prise de conscience de la dimension environnementale et de la conservation dans le secteur de l’agriculture vise à encourager les exploitants agricoles à entamer une transition vers une agriculture plus diversifiée, selon Dr Ron Rosati, Vice-chancelier de RICA, qui s’exprimait en septembre dernier, lors d’une cérémonie de remise de grades pour la deuxième promotion des diplômés de RICA en agriculture de conservation au Rwanda.
Image de bannière : Dans certaines régions isolées au Rwanda, les principes de l’agriculture de conservation reposent également sur des pratiques adaptées localement comme ici à Muhanga (Sud), où l’on encourage un enchaînement d’une diversité de cultures sélectionnées, cultivées sur un même champ pour chaque saison. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
Citations:
Rasmussen, V. L. 1 al. (2024). Joint environmental and social benefits from diversified agriculture. Science, Vol 384, 87-93. DOI: 10.1126/science.adj1914.
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