- Un projet ambitionne de lutter contre la malnutrition, améliorer la sécurité alimentaire tout en atténuant les effets des changements climatiques sur les populations.
- Au total, 252,8 milliards francs CFA de promesses de financement ont été obtenus en faveur de cette initiative du Bénin en matière de nutrition et de sécurité alimentaire, sur fond d’adaptation aux effets des changements climatiques.
L’initiative du Bénin pour lutter contre la malnutrition des enfants pendant les 1000 premiers jours et assurer la sécurité alimentaire, vient de recevoir des promesses de financement de l’ordre de 252,8 milliards francs CFA (445 890 315 USD). Ce projet du gouvernement béninois a mobilisé ce financement à la table-ronde des partenaires, organisée au lendemain de la conférence internationale sur la nutrition, qui s’est tenue le samedi 27 septembre 2025, à Cotonou.
L’ambition définie vise à consolider les solutions pour la lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire tout en atténuant les effets du changement climatique sur les populations.
Pour le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Ousmane Diagana, « investir dans la nutrition n’est pas seulement une question de santé publique », mais « un impératif économique ». « Nous devons agir maintenant. Pas demain. Chaque hésitation condamne des millions d’enfants à perdre leur chance », affirme-t-il.
En effet, le Bénin subit, comme d’autres pays, les effets néfastes des changements climatiques sur la nutrition des enfants et la sécurité alimentaire. Selon les données sur la sécurité alimentaire publiées par les services du ministère béninois de l’agriculture, entre excès d’eau au Nord et déficit hydrique au Sud, le mois d’août 2025, a mis à rude épreuve les équilibres climatiques et agricoles du pays : fortes pluies et inondations dans les bassins du Niger et de l’Ouémé, sécheresse persistante dans plusieurs zones méridionales. Cette situation crée une dynamique contrastée dans la campagne agricole 2025-2026, entre bonnes perspectives au Nord et inquiétudes dans les zones méridionales.
Les dernières données indiquent que la pluviométrie du mois d’août a oscillé entre extrêmes : à Matéri, dans l’Atacora, on a enregistré jusqu’à 228,7 mm d’eau en quatre jours, tandis qu’à Ouidah, dans l’Atlantique, les précipitations n’ont pas dépassé 1,5 mm. Ces écarts illustrent le déséquilibre climatique entre les zones agroécologiques.
Les cumuls pluviométriques décadaires révèlent un excédent dans le Nord et le Centre, notamment à Parakou, Kandi et Savè, mais un déficit persistant à Cotonou, Bohicon et Natitingou. Les effets de ces fluctuations climatiques sont déjà visibles : alors que les champs du Nord profitent d’une croissance vigoureuse, les cultures du Sud montrent des signes de stress hydrique.

Appuyer les producteurs face au changement climatique
Les analyses indiquent que les longues séquences sèches, parfois supérieures à vingt jours, ont aggravé la situation au Sud, ralentissant le développement du maïs, de l’arachide et du niébé.
À l’inverse, dans le Nord, la persistance des pluies a entraîné des crues alarmantes dans les bassins du Niger et de l’Ouémé. Les communes de Malanville, Karimama, Parakou, Pèrèrè et Zagnanando figurent parmi les plus touchées. Le niveau du fleuve Niger a atteint 938 cm à Malanville dans le septentrion, soit 88 cm au-dessus du seuil d’alerte. Dans le Zou au centre du pays, à Zagnanando, le fleuve Ouémé a débordé à 885 cm, dépassant également le seuil critique.
Les dégâts sont considérables : des hectares de manioc, de riz et de cultures maraîchères ont été engloutis, des habitations envahies, et des familles déplacées. Les autorités locales, appuyées par le ministère de l’Intérieur, ont enclenché un dispositif de veille et d’assistance, tandis que les mairies procèdent au recensement des sinistrés.
Ces épisodes traduisent la fragilité croissante du système agro-climatique. Entre déficit hydrique au Sud et excès d’eau au Nord, les agriculteurs font face à des défis multiples. Les experts du climat préconisent un renforcement des dispositifs de prévention, la promotion de cultures tolérantes aux excès d’eau et la mise en œuvre d’un appui d’urgence aux producteurs sinistrés.
La Banque mondiale estime que d’ici à la fin de la décennie, les évènements météorologiques extrêmes pourraient à eux seuls faire plonger 132 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, exacerbant ainsi les problèmes actuels et imminents en matière d’alimentation et de nutrition.
Dr Banda N’Diaye, conseiller spécial en charge de la survie de l’enfant à Nutrition international, chef de file de la lutte mondiale contre la malnutrition, explique que (…) les changements climatiques ont des impacts sur la disponibilité des aliments, « la base de l’alimentation ».

Selon l’expert sénégalais, les changements climatiques sur l’alimentation « vont induire des changements importants dans l’épidémiologie de façon générale », entraînant ainsi la survenue de nouvelles maladies parasitaires et microbiennes ou à leur propagation beaucoup plus vaste ; une source non de dénutrition, mais d’utilisation excessive des micronutriments par l’organisme. « Cela veut dire que les besoins de l’organisme vont augmenter. D’un côté à cause des changements climatiques qui induisent des changements sur le profit épidémiologique, mais aussi les changements climatiques vont avoir un impact sur la disponibilité des aliments, avoir aussi un impact sur la qualité des aliments. Cela crée une situation où l’un entre en synergie avec l’autre ; ce qui va un peu exaspérer les problèmes de nutrition, en particulier chez les femmes enceintes et les enfants », souligne N’Diaye.
Ce diagnostic est partagé par Jacques Berger, professeur de nutrition à l’université de Montpellier en France et chercheur en nutrition publique depuis une quarantaine d’années, notamment sur les problèmes de malnutrition dans les pays du Sud. « Les effets des changements climatiques sont évidents et nombreux… Les changements climatiques peuvent faire en sorte qu’il y ait certains aliments qu’on trouvait par le passé qu’on ne trouvera plus aujourd’hui », dit Berger.

Revoir les pratiques agricoles et alimentaires
En dehors de la mobilisation de ressources financières, il s’impose de revoir les pratiques agricoles et alimentaires. « Nous devons faire une agriculture adaptée aux changements climatiques. Il faut qu’on repense notre agriculture et surtout la production de nos aliments traditionnels. Il faut qu’on retourne à nos aliments traditionnels », dit Dr Banda N’Diaye.
L’expert estime également que « les gouvernements doivent appuyer la recherche dans la production de produits alimentaires locaux plus résistants aux changements climatiques ».
Il cite l’exemple du Sénégal, où la farine de mil commence à remplacer progressivement le blé pour la fabrication du pain.
Au Bénin et au Togo, le projet. Catalyzing Strengthened Action for Healthy Diets and Resilience (CASCADE) mis en œuvre par Care international, une organisation humanitaire mondiale basée à Genève, en Suisse, permet d’améliorer l’état nutritionnel de la population dans certaines zones du pays en prenant en compte les facteurs liés aux changements climatiques.
Edmond Zinzindohoué, gestionnaire du projet insiste sur la nécessité pour les producteurs de maitriser les aléas de la météo. « Les producteurs savent que le temps a changé, les saisons ont changé et ils voient cela à travers les débuts des saisons, les irrégularités de pluie, les températures qui sont plus élevées, les montées des eaux qui se manifestent à des mois où ils ne sont pas habitués à les voir et tout ça. Ils savent que le temps a changé et ces temps qui ont changé entraînent souvent des échecs de leur activité agricole en matière de production et en matière de transformation. Mais, ils ont quelques difficultés à s’y adapter », explique-t-il.
Il a souligné que les services météo se déploient désormais pour mettre à la disposition des producteurs des informations précises pour leur faciliter la prise de décision. La mise en œuvre d’actions convergentes pour mieux maîtriser les changements climatiques et garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle doit se consolider.
Image de bannière : Le fleuve Niger, frontière naturelle entre le Bénin et le Niger, déborde et détruit les cultures de la région de l’Alibori. Image de via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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