- Le barrage hydroélectrique de Lagdo, principale source de production d’énergie au nord du Cameroun, affiche un potentiel très limité, en raison d’une très une faible hydrologie.
- La solution du solaire permet tout de même de renforcer le réseau d’électrification à partir des centrales photovoltaïques construites dans cette partie du pays.
- Les consommateurs témoignent d’une relative amélioration du service électrique au cours des derniers mois, grâce au mix hydroélectricité-solaire.
- L’entreprise Electricity development corporation (EDC), qui conseille l’État du Cameroun sur les questions d’énergie, est engagée dans le développement de nouvelles centrales hydroélectriques, pour faire face au déficit énergétique dans le nord du pays.
À Guider, une ville située dans le nord du Cameroun, Alioum, jeune chaudronnier d’une trentaine d’années, a, de moins en moins, recours à son groupe électrogène alimenté à l’essence, pour suppléer aux multiples coupures d’électricité qui prévalaient il y a quelques mois encore dans sa ville. Il rassure sur la disponibilité de l’énergie électrique dans cette localité d’un demi-million d’habitants, début octobre 2025, période coïncidant avec la saison des pluies au Cameroun.
« Depuis que les pluies sont de retour, on ne coupe plus trop la lumière. C’est surtout en saison sèche qu’il y a plus de coupures, mais là aussi, ça ne dure plus comme par le passé », raconte Alioum, à Mongabay.
Le jeune homme pense que la légère embellie observée ces derniers mois résulte de l’entrée en service des centrales solaires photovoltaïques, construites un peu partout au nord du pays, mais aussi à la pluviométrie qui a reboosté le barrage hydroélectrique de Lagdo, principale source de production d’énergie dans cette partie du pays.
La ville de Guider abrite d’ailleurs l’une de ces centrales solaires, entrée en service en septembre 2023, tout comme celle de Maroua, située à une centaine de kilomètres au nord de Guider. Ces centrales disposent d’une capacité de 18 mégawatts-crêtes (MWc) chacune, et l’énergie produite est injectée dans le Réseau interconnecté Nord (RIN), qui alimente les trois régions septentrionales (Adamaoua, Nord et Extrême-nord).
Selon Abdouraman Saïdou, l’un des adjoints au maire de la commune de Guider, l’impact des deux centrales solaires est considérable dans l’approvisionnement de l’énergie dans la région. « Dès les premières sorties de l’énergie de cette centrale, nous avons remarqué l’amélioration de la fourniture de l’énergie dans notre département. On ne subissait plus de délestages comme avant. On avait souvent de l’électricité seulement pendant cinq heures sur 24 heures. Ça a vraiment changé le quotidien des citoyens, y compris sur le plan économique », a-t-il dit, dans un entretien avec Mongabay.
Les centrales de Guider et de Maroua sont au cœur d’un projet d’extension lancé en septembre 2025, avec pour finalité de produire 28,6 MWc d’énergie supplémentaire courant 2026.
Saïdou se veut optimiste et pense que l’extension de ces centrales permettra de « résoudre définitivement » les problèmes de fourniture d’électricité dans les régions septentrionales. Il emboite ainsi le pas au ministre camerounais de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, qui a indiqué lors de la cérémonie de lancement du projet d’extension de ces centrales le 15 septembre dernier, à Maroua, que celles-ci « contribueront davantage à l’amélioration du service public de l’électricité » dans la partie nord du pays.

Le solaire, alternative d’urgence pour les ménages
Le solaire, classé parmi les énergies renouvelables, est une alternative aux sources d’énergie thermiques et hydroélectriques, avec des bénéfices environnementaux indéniables. L’entreprise Energy of Cameroon (Eneo), le concessionnaire du service public en charge de la distribution de l’électricité au Cameroun, qui assure la maitrise d’ouvrage des projets d’extension de Guider et de Maroua, soutient d’ailleurs, dans une note d’information publiée sur son site internet, que la mise en service des centrales permettra d’éviter les émissions d’environ 37 000 tonnes de CO2 par an, et qu’elles contribueront significativement à lutter contre le changement climatique dans le nord du pays, en proie à de longues périodes de sécheresse et à une forte aridification.
L’ingénieur en énergies renouvelables, Enok Louayakba, pense que ces solutions sont adaptées pour ces régions septentrionales très ensoleillées. « L’irradiation du soleil dans le nord du pays est très importante pour développer des centrales solaires ». « La source énergétique primaire est très disponible, et les installations qu’on fait dans le Nord coûtent beaucoup moins cher que celles qu’on fait dans le Sud du pays, car avec un peu de panneaux, on arrive à créer un bon système solaire avec un bon rendement, alors que de l’autre côté, il faut étendre les panneaux, avec un ensoleillement très capricieux », explique-t-il à Mongabay.
Louayakba est promoteur d’une entreprise de sous-traitance basée à Garoua, qui propose depuis presqu’une décennie déjà, des solutions à l’énergie solaire photovoltaïque, pour lutter contre le déficit énergétique dans le nord du pays. La société réalise des installations solaires pour les communes d’arrondissement de la région et connecte également les ménages, afin de rendre autonome leur consommation d’énergie.
Ce dernier explique aussi que le solaire n’est qu’une source d’énergie alternative adaptée pour les charges légères sollicitée pour assurer le relais des systèmes électriques classiques. Par conséquent, il n’est pas en mesure de répondre à des besoins énergétiques plus importants.
Au demeurant, Louayakba note qu’avec l’entrée en service deux des plus grandes centrales solaires du nord du pays (Guider et Maroua), « l’offre s’est vraiment améliorée ». Le spécialiste en énergie solaire photovoltaïque explique : « en saison sèche, lorsque le débit d’eau dans le barrage de Lagdo diminue, entre février, avril et mai, le barrage utilise un seul alternateur et Eneo est obligé de délester certaines villes par moment. Mais, ces deux centrales, qui disposent d’une capacité cumulée de 30MW, et qui fonctionnent seulement en journée, injecte leur signal sur le RIN, et ça aide beaucoup ».

À Guider comme à Garoua, à Maroua ou à Ngaoundéré, les grandes métropoles du nord du Cameroun, les ménages subissent aussi moins les coupures d’électricité depuis le retour des pluies en juin dernier, comme l’a indiqué Alioum.
Construit et mis en service dans les années 1980, le barrage hydroélectrique de Lagdo, d’une capacité initiale de 72 MW, est la principale source de production d’énergie dans cette partie du pays. Mais l’infrastructure est régulièrement confrontée à un déficit d’hydrologie, résultant des menaces climatiques caractérisées par l’ensablement du lit du fleuve et la très longue saison sèche, qui dure entre sept et huit mois dans tout le septentrion. L’ensemble de ces aléas contribue à réduire sa capacité de production de moitié, lorsqu’il fonctionne à son optimum, et beaucoup moins quand la saison sèche se prolonge.
L’hydroélectricité et le déficit en eau
En plus du barrage de Lagdo et des centrales solaires de Maroua et de Guider, le nord du Cameroun abrite également plusieurs installations de production d’énergie électrique, à l’instar des centrales thermiques de Djamboutou et de Ngaoundéré, des centrales isolées de Poli ou de Tcholliré. Mais, l’ensemble de ce mix hydroélectricité-thermique-solaire ne parvient pas à stabiliser définitivement la fourniture d’énergie dans les trois régions du nord, où l’offre énergétique dépasse à peine les 100 MW, alors que les besoins de consommation des habitants, y compris celles des industries telles que la Société de développement de coton (Sodecoton) et des cimenteries locales, avoisine les 200 à 250 MW, selon les données de la société Electricity development corporation (EDC), le conseiller de l’État du Cameroun sur les questions d’énergie.
Pour arriver à combler le déficit estimé à environ 150 MW dans le nord, l’État mise davantage sur l’hydroélectricité. EDC est engagée dans le développement de plusieurs ouvrages sur le site du barrage réservoir de Mbakaou, situé dans l’Adamaoua et construit sur le fleuve Djerem, où le débit est plus stable avec un apport en eau d’environ 12 milliards de m3/an, et moins contraint aux aléas climatiques. Ces ouvrages sont : une petite centrale hydroélectrique de 54 MW en amont du site, une grande centrale de 234 MW en aval, une centrale solaire de 111 MW, et un poste de transformation à Tibati, pour assurer la jonction entre le RIN et le RIS (Réseau interconnecté Sud).

Le chef de la division Communication, relations publiques et coopération à EDC, Ibrahim Haman Tizi, a expliqué à Mongabay au téléphone : « Nous avons réalisé des études pour d’autres barrages qu’on peut envisager de construire dans le Grand Nord en plus de Lagdo et de Mbakaou. Mais, on fait face à beaucoup de difficultés liées à l’eau. La saison sèche est tellement intense ». « Ce que nous préconisons au nord, c’est de s’engager sur un site qui a beaucoup d’apport en eau comme à Tibati, puis nous construisons à côté une centrale solaire, parce que le nord a un très bon taux d’ensoleillement. Donc, on fait le mix hydroélectricité-solaire, pour éviter le mix hydroélectricité-thermique ».
Ces projets de la société EDC, dont les travaux seront lancés en 2026, pourraient augurer d’une stabilité trouvée dans la fourniture électrique dans le nord du pays, où les ressources en eau sont très peu disponibles et ne favorisent pas un développement optimal de l’hydroélectricité.
EDC assure par ailleurs que la réalisation de ses nouvelles centrales ne sera pas très contraignante au plan socio-environnemental, car elles seront construites sur un site acquis, où il existe déjà un barrage réservoir.
« Ça ne devrait pas vraiment affecter l’environnement, mais il y aura néanmoins un Plan de gestion environnemental et social (PGES). Ce qu’il y a surtout à faire, c’est un plan de développement local, pour appuyer les communautés en matière d’infrastructures. Il n’y a pas de populations à déplacer, car on est dans une zone qui bénéficie déjà d’un décret de classement », souligne Ibrahim Haman.
Image de bannière : Une mini-centrale solaire installée dans le nord Cameroun par la Société Sahel Energy. Image publiée avec l’aimable autorisation du promoteur de Sahel Energy.
FEEDBACK : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.