- Les énergies vertes contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique. Cependant, leur développement nécessite l’extraction de « minéraux critiques », ainsi que des minéraux comme matériaux de construction essentiels aux technologies comme les éoliennes et les panneaux solaires.
- Une récente étude révèle que ces extractions provoquent des impacts socio-environnementaux considérables, ce qui génère des conflits et des injustices sociales pour les communautés les plus vulnérables.
- Pour réduire l’empreinte écologique et sociale des minéraux de transition, il faut établir des stratégies globales intervenant à la fois au niveau de l’offre et de la demande, selon les auteurs de l’étude.
Alors que les puissances mondiales se lancent dans une course à la transition énergétique, les scientifiques s’inquiètent des impacts que cela pourrait avoir sur la biodiversité et les communautés les plus vulnérables.
En effet, si les énergies vertes peuvent contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, les technologies de transition nécessitent des exploitations minières massives et destructrices. Dans ces conditions, comment assurer une transition énergétique profitable aux écosystèmes et aux communautés locales ?
En réponse à la crise climatique et de la biodiversité, les pays se sont engagés dans différents accords, notamment l’Accord de Paris, adopté en 2015, qui vise à limiter le réchauffement climatique, et le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (CMB). Afin d’atteindre ces objectifs tout en visant une croissance de l’autonomie énergétique, la transition vers les énergies renouvelables s’accélère, en particulier au niveau des pays développés.
Des pays comme l’Islande sont, par exemple, parvenus à assurer la totalité de leurs besoins énergétiques en utilisant uniquement l’énergie verte. De leur côté, les grandes puissances comme la Chine se lancent dans la construction de gigantesques parcs solaires pouvant alimenter une mégapole entière. Elle ambitionne également de devenir le premier pays à exploiter l’énergie solaire spatiale.
Cependant, malgré les avantages attendus en matière de décarbonation, cette course effrénée à la transition énergétique a un coût. En effet, les technologies comme les panneaux solaires et les éoliennes utilisent des minéraux dits « stratégiques » ou « critiques » tels que le nickel, le cobalt, le lithium et les terres rares. L’extraction de ces minerais a des impacts considérables sur la biodiversité et les communautés vivant à proximité.
Des demandes en minéraux multipliées par six d’ici à 2040
Bien que la transition vers les énergies vertes nécessiterait globalement moins d’exploitation minière que le système énergétique actuel (qui est dominé par les combustibles fossiles), la rapidité de développement des technologies vertes pourrait encore plus exacerber les défis en matière de biodiversité et de justice sociale.
« Si cette situation n’est pas bien gérée, elle risque d’avoir des conséquences importantes sur la biodiversité et les communautés locales », explique dans un courriel à Mongabay, Andy Symington, chercheur à l’Institut australien des droits de l’homme de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. « De nombreux minéraux ayant été exploités au cours de l’histoire, ceux qui subsistent se trouvent souvent dans des régions reculées, souvent sur des territoires autochtones, ou dans des zones difficiles d’accès comme les fonds marins », a-t-il indiqué.

Les projections indiquent, que les demandes en minéraux liés à la transition énergétique, devraient être multipliées par six entre 2020 et 2040.
Cependant, malgré les recherches croissantes, d’importantes lacunes subsistent quant à l’évaluation des impacts sur la biodiversité et les communautés locales. Les recherches se sont principalement concentrées sur les minéraux critiques, ces derniers dominant les discours politiques. Or, les technologies vertes nécessitent également l’installation de nouvelles infrastructures et donc de matériaux de construction, dont les matières premières sont, elles aussi, issues d’exploitations minières.
Une meilleure compréhension des besoins en minéraux et des risques associés est essentielle pour mettre en place des stratégies de transition énergétique efficaces, socialement et écologiquement responsables.
Une nouvelle étude de l’université du Queensland, en Australie et de l’université d’Alicante, en Espagne, comble les lacunes de recherche en examinant en détail les minéraux nécessaires aux technologies et infrastructures d’énergie renouvelable, et la manière dont ils influent sur la biodiversité et les communautés locales.
Minéraux de construction : des impacts sous-estimés
D’après l’étude, publiée le 11 septembre dans la revue Nature Reviews Biodiversity, l’exploitation minière liée aux minéraux de transition affecte à la fois la biodiversité à l’échelle des sites d’exploitation et du paysage.
Les impacts, au niveau du site, se traduisent par la déforestation et la destruction des sols et des sources d’eau potables, par les sédiments d’excavation et les produits chimiques toxiques utilisés pour les extractions. Les impacts plus larges se traduisent par l’accès accru à l’urbanisation et la fragmentation des habitats écologiques. « Ces impacts directs et indirects, notamment la perte et la fragmentation des habitats, les changements hydrologiques, la sédimentation et la contamination par les métaux lourds, le drainage acide et les particules, réduisent la condition physique des individus, diminuent l’abondance des populations et érodent la richesse et les interactions des espèces au sein des communautés », a expliqué à Mongabay, Bora Aska, chercheur au Centre mondial pour la sécurité minière de l’université du Queensland et auteur principal de l’étude.
D’autre part, il est essentiel de savoir que l’importance des impacts de l’extraction de minéraux critiques s’explique en partie par le fait que beaucoup sont notoirement difficiles à extraire.
Par exemple, les terres rares, en petites quantités dans le sol, ne sont pas concentrées dans des gisements compacts. Leur extraction nécessite l’excavation de 10 à plus de 1000 tonnes de roches pour seulement 1 kilogramme de produit purifié, sans compter les produits chimiques toxiques pour les isoler des roches.
D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 13 581 espèces sont aujourd’hui menacées par l’exploitation minière. Un exemple frappant est le site d’extraction d’ilménite de Rio Tinto QMM, dans le sud-est de Madagascar, qui empiète sur l’un des derniers fragments restants de la forêt côtière de la région, un type de forêt unique abritant 64 espèces de flore endémique.
Et, en analysant les données concernant les matériaux de construction, l’équipe d’Aska a constaté qu’ils occupent une place nettement plus importante en termes d’impacts que les minéraux critiques. Le béton représente par exemple 70 % de la demande en matériaux pour la transition énergétique, selon l’étude. Cela laisse présager des impacts conséquents, car le béton nécessite de grandes quantités de matières premières comme le sable, le gravier et le calcaire.

Des communautés locales presque toujours désavantagées
La destruction des sols, des forêts et des sources d’eau potable entraîne inévitablement la fragilisation des communautés locales. Cela inclut, par exemple, les risques sanitaires liés à l’exposition aux métaux lourds ou la pollution radioactive dans le cas de l’extraction des terres rares. Cela conduit au déplacement des populations et à la restriction de l’utilisation des terres pour leur subsistance.
Mais la destruction des lieux d’importance culturelle ou des sites sacrés est beaucoup moins abordée. Cet aspect figure, par exemple, parmi les motivations des vives contestations et de mobilisations sociales, dont fait l’objet le projet d’exploitation d’ilménite (entre autres minéraux) Base Toliara dans le sud-ouest de Madagascar. Le site empiète sur d’importantes zones de biodiversité et culturelles, ainsi que sur la forêt des Mikea, l’une des dernières communautés autochtones de l’île.
D’après Aska et son équipe, en analysant les cas tirés de l’Atlas mondial de la justice environnementale, ce type de mobilisation peut parfois faire l’objet de répressions violentes, les communautés locales finissant presque toujours par être désavantagées. « Les résultats, documentés, montrent que si les projets sont parfois suspendus, les annulations complètes, les retraits des entreprises et les restaurations écologiques efficaces sont beaucoup moins fréquents », indique l’expert.
En outre, les procédures d’autorisation sont souvent accélérées pour satisfaire les demandes toujours croissantes, augmentant davantage les risques de conflit et d’injustice sociale. « À mon avis, le principal problème réside dans le fait que, dans l’état actuel des choses, les impacts négatifs majeurs seront ressentis par les communautés et les environnements locaux du Sud, tandis que les bénéfices de la transition et des technologies se feront principalement sentir dans le Nord », dit Symington.

Des stratégies d’atténuation appliquées à la fois au niveau de l’offre et de la demande
D’après l’équipe d’Aska, pour réduire l’empreinte écologique de l’exploitation minière liée aux minéraux de transition, il faut adopter une approche globale allant au-delà des mesures d’atténuation au niveau des sites. « Si les mesures de protection de l’environnement, l’amélioration des pratiques de restauration et le renforcement des réglementations sur les sites miniers sont importants, ils ne suffisent pas à eux seuls, surtout compte tenu de l’ampleur et de l’urgence des défis auxquels nous sommes confrontés », explique, à Mongabay, Aurora Torres, chercheuse au Département d’écologie de l’université d’Alicante et co-auteure de l’étude.
Pour ce faire, les mesures doivent être appliquées, non seulement au niveau de l’offre, mais également au niveau de la demande. Du côté de l’offre, il est essentiel de renforcer les mesures de protection environnementale et sociales en s’appuyant sur la science (en utilisant par exemple des techniques d’extraction de métaux par le biais de l’agriculture) et l’inclusion des communautés locales.
« Une transition énergétique, véritablement juste, doit aligner l’action climatique sur la conservation et l’équité sociale », explique Torres. Pour cela, « il est absolument nécessaire d’améliorer considérablement la gestion des enjeux environnementaux et sociaux liés à l’exploitation de ces minéraux. La meilleure façon d’y parvenir est d’impliquer pleinement et véritablement les communautés dans les évaluations environnementales et la planification de ces mines », indique Symington.
Bien que les conflits sociaux suggèrent qu’il s’agit d’objectifs contradictoires, il est tout à fait possible de les concilier, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). « L’AIE considère la sécurité d’approvisionnement et les garanties environnementales et sociales comme des objectifs complémentaires et non concurrents – la sécurité d’approvisionnement dépend de la licence sociale et du respect de l’environnement », expliquent les responsables dans un courriel à Mongabay.
Il est encourageant de noter que si les gouvernements ont tendance à assouplir les réglementations pour attirer davantage d’investissements étrangers, la tendance est en train de s’inverser petit à petit, selon Symington.
En effet, les grandes entreprises minières sont de plus en plus réticentes à adhérer à des réglementations, qui n’offrent pas suffisamment de protections sociales et environnementales, en raison des risques pour l’aboutissement des projets et leur réputation.
Du côté de la demande, il est essentiel d’établir une économie circulaire à l’aide, par exemple, du recyclage ou réduire les demandes en améliorant l’efficacité et la durée de vie des technologies. Il existe actuellement des technologies permettant de recycler des panneaux solaires ou des batteries de véhicules électriques en fin de vie, ainsi que des méthodes améliorant l’efficacité des cellules des panneaux solaires. « Mais nous ne le faisons pas, car ce n’est pas rentable », souligne Symington. « Les gouvernements doivent encourager cette pratique », conclut-il.
Image de bannière : Des camions dans le site minier de Shabara chargés de sacs de minerais. Image de Electronics Watch via Flickr (CC BY-NC 2.0).
Citations :
Aska, B., Sonter, L.J., zu Ermgassen, S.O.S.E. et al. Mining, biodiversity and social conflict in the renewable energy transition. Nat. Rev. Biodivers. 1, 597–614 (2025). https://doi.org/10.1038/s44358-025-00076-3
International Energy Agency. The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions (IEA, 2021).
Antoine van der Ent et al. Environ. Sci. Technol. 2015, 49, 8, 4773–4780. https://doi.org/10.1021/es506031u
Nijnens, Joey et al. Energy transition will require substantially less mining than the current fossil system. Joule, Volume 7, Issue 11, 2408 – 2413. DOI : 10.1016/j.joule.2023.10.005
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