- Le changement climatique met en péril l’avenir du football professionnel comme amateur, en exposant les terrains et les joueurs à des risques accrus (chaleur extrême, inondations, sécheresses, tempêtes), d’après les conclusions d’un nouveau rapport.
- Les terrains de proximité, berceau des futurs talents, sont déjà au-delà des seuils de sécurité et devraient connaître d’ici à 2050 une explosion des jours impraticables, surtout dans le Sud global.
- Les auteurs du rapport et les spécialistes du football préconisent de moderniser les infrastructures, d’intégrer la durabilité dans les réglementations de l’organisation des matchs et d’utiliser le football comme levier pour accélérer la transition écologique mondiale.
- Les joueurs, les fans et les présidents de clubs, les responsables d’équipes de football sont appelés à agir, par leur prise de parole et par des actions en faveur de la nature.
Si des mesures urgentes ne sont pas prises, la pratique du football professionnel comme amateur dans les prochaines années, risque d’être compromise, en raison du changement climatique.
C’est ce que révèle une étude réalisée par Football for Future et Common Goal, en collaboration avec Jupiter Intelligence.
Intitulée « Pitches in Peril : how climate change is threatening football », l’étude précise que la Coupe du monde 2026 pourra être la dernière du genre sans mesures climatiques urgentes.
Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs de l’étude dont Elliot Arthur-Worsop, expert climat, et directeur fondateur de Football For Future, une organisation à but non lucratif spécialisée dans le football ainsi que dans la sensibilisation au climat, ont analysé l’impact de plusieurs risques climatiques — chaleur, sécheresse, inondations, fortes pluies, tempêtes et vents — sur un échantillon de 36 terrains de football à travers le monde. Ces phénomènes affectent déjà le jeu et leur intensité s’accentuera dans les années à venir.
« Nous nous sommes concentrés sur les 16 stades qui accueilleront la prochaine Coupe du Monde masculine aux États-Unis, au Canada et au Mexique l’année prochaine, y compris deux stades susceptibles d’accueillir les finales de la Coupe du Monde 2030 et 2034 en Espagne et en Arabie Saoudite », a dit à Mongabay, Jérémy Houssin, Ingénieur en science du vivant, responsable Environnement et durabilité chez Common Goal, et co-auteur du rapport.
« À côté de ces 18 stades, nous avons inclus 18 sites amateurs, afin d’analyser des lieux où de célèbres joueurs de football, comme Cristiano Ronaldo, Messi, Mo Salah, William Troost-Ekong ont commencé leur parcours. Ces terrains amateurs sont situés sur tous les continents, aussi bien dans le Sud que dans le Nord global », ajoute-t-il.
De plus, avec l’expertise de Jupiter Intelligence, une société spécialisée dans l’intelligence sur les risques climatiques, des projections de l’évolution du climat pour 2050 et 2100, ont été effectuées, afin de voir les conséquences futures du climat sur les stades et les aires de jeu. « Le football contribue à révéler les enjeux de la crise climatique. Les analyses et les informations de Jupiter sur les risques climatiques mettent en évidence les menaces croissantes que le changement climatique fait peser sur les propriétaires, les joueurs, les supporters et les stades », a dit Rich Sorkin, PDG et cofondateur de Jupiter Intelligence.

Le football amateur en péril sous le climat
Le rapport indique que le football amateur est le plus vulnérable selon l’évolution actuelle et future du climat. Il indique que tous les terrains de football amateur analysés ont déjà dépassé les seuils de sécurité pour accueillir des matchs, en raison de multiples risques climatiques notamment la chaleur, la sécheresse, les inondations, les fortes pluies.
« Le football amateur est beaucoup plus vulnérable que le football professionnel. Il a une empreinte carbone plus faible, mais subit le plus. D’ici à 2050, les terrains amateurs du Sud global devraient connaître sept fois plus de jours impraticables que ceux du Nord global. Tous les sites étudiés connaîtront des conditions climatiques extrêmes et plus de jours impraticables d’ici à 2050 », a dit Elliot, co-auteur du rapport.
Au Togo, les manifestations du changement climatique sont aussi ressenties par les acteurs du football, qui évoquent des impacts sur la qualité du jeu et l’émergence des talents. « Nos aires de jeux de football sont vulnérables au changement climatique. Les joueurs comme les supporters sont exposés à des risques, notamment la forte chaleur, et les autres intempéries lors des matchs. On ne peut pas dans ces conditions pratiquer du bon football », a dit Essoklnam Pedessi, Président de Jeunes Verts Académie football de Lomé.

Comme impacts, d’autres acteurs soulignent la perturbation des agendas de l’organisation des compétitions amateurs, et des répercussions financières négatives. « Actuellement, notre équipe Anges FC de Danyi, participe au championnat de 3ème division régionale. Lors de la 3ème journée de la phase aller, nous avons dû reporter par deux fois, suite à une très grosse pluie, un match qu’on devrait jouer sur notre propre terrain. Finalement, on l’a joué sur un autre terrain à des kilomètres, ce qui nous a engendré des pertes et des dépenses supplémentaires en termes d’organisation de matchs, et même, pour le club visiteur, qui a dû passer plus de jours et faire un plus long voyage. Tout ceci pourrait être évité si nous avions des capacités d’adaptation en commençant par l’infrastructure », confie Claude Daké, consultant sportif et chargé de communication de Anges FC de Danyi, un club amateur situé à environ 200 kilomètres au nord-ouest de Lomé.
Le rapport montre également que les terrains qui ont formé de grandes figures du football, sont aujourd’hui menacés. Par exemple, en Egypte, le terrain de Mo Salah est confronté à plus d’un mois par an de chaleur insupportable, pendant qu’au Nigéria, le terrain où William Troost-Ekong a grandi pourrait connaître 338 jours de chaleur extrême par an.
L’urgence de l’action en faveur du foot
Face aux impacts du changement climatique compromettant la pratique du football à l’avenir, les auteurs de l’étude appellent à faire de cette discipline sportive un levier de transition vers un développement durable. « Le football est l’événement culturel le plus puissant, unissant les gens à travers le monde. La Coupe du Monde est l’événement le plus regardé au monde. C’est une plateforme pour sensibiliser et servir de microphone pour les discussions sur le climat », ont suggéré les auteurs du rapport.
« Ils indiquent que si rien n’est fait, l’émergence des futures stars sera compromise. C’est sur les terrains de football amateurs que les Messi, Ronaldo et Rapinoe de demain font leurs premiers pas. Si la hausse des températures et les inondations rendent ces espaces dangereux, non seulement nous perdons des terrains, mais nous mettons également en péril les fondements mêmes de l’avenir du football. Il faudra agir sans remettre à demain », a dit Elliot.

Vidjannagni Olusegun, Co-Fondateur de l’ONG FORAM Initiatives, qui depuis 3 ans, pilote le projet « éco-supporters pour le net zéro dans le football » au Bénin, plaide en ce sens, pour une transformation écologique du football. « Pour rendre le football plus durable, il est crucial de moderniser les stades : installer des ombrages, favoriser la ventilation naturelle, utiliser des gazons résistants à la chaleur et adopter des systèmes d’irrigation éco-efficients. Les installations amateures doivent également évoluer grâce à des solutions locales à faible coût, comme la récolte d’eau de pluie et l’éclairage solaire », a dit Olusegun, à Mongabay.
Ce dernier précise aussi qu’il est impérieux de mettre en place des programmes d’éducation climatique destinés aux joueurs, entraîneurs, arbitres et supporters, afin de renforcer la sensibilisation à l’impact environnemental du football. « Les fans peuvent former des groupes sur la durabilité pour discuter et promouvoir des pratiques écologiques. Les joueurs peuvent suivre des formations pour défendre le climat au sein des clubs et associations », dit, pour sa part, Houssin.
À l’endroit des instances de football comme la FIFA (Fédération internationale de football association) ou la CAF (Confédération Africaine de Football), Elliot recommande l’intégration de la durabilité dans les critères de licences et d’organisation de tournois. « Les organisateurs de tournois doivent considérer l’héritage environnemental et inclure la durabilité dans les critères d’attribution », précise-t-il.
Ces organismes devraient aussi s’engager à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040 et publier des plans de décarbonisation crédibles, en accord avec les ambitions des principales institutions du football et les objectifs climatiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Le rapport vise à traduire la science climatique dans un langage accessible à la communauté footballistique, à fournir aux dirigeants des outils et informations pour s’adapter, à encourager des engagements politiques ambitieux en matière de résilience et de neutralité carbone, et à catalyser un mouvement global qui transforme le football en moteur de changements structurels durables.
Image de bannière : Premier match de la Coupe du Monde de la FIFA 2010 en Afrique du Sud, entre l’Afrique du Sud contre le Mexique, soldé le score de 1-1. Image de 2010 World Cup – Shine 2010 va Flickr (CC BY 2.0).
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