- La société pétrolière franco-briatnnique Perenco viole les droits environnementaux et économiques des populations dans l’ouest de la République démocratique du Congo.
- Dans un rapport, trois ONG congolaises dénoncent le déploiement des militaires dans une zone agricole.
- Pris de peur, les agriculteurs ne peuvent aisément vaquer à leurs activités agricoles.
L’exploitation du pétrole ne profite pas aux populations de Kinkazi, une localité du Territoire de Muanda, dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo (RDC). C’est ce qu’indique le rapport intitulé : « Kinkazi, village sacrifié », publié en août 2025, à Kinshasa. Ses auteurs, trois ONG congolaises spécialisées dans les ressources naturelles, et organisées à travers la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (CORAP), Cadre d’Acteurs et d’Actions pour le Développement Durable (CAAD) et Initiative pour le Développement Local (IDEL), accusent la société Perenco-Rep.
Filiale de la Franco-britannique Perenco, Perenco-Rep porte régulièrement atteinte aux droits humains et économiques des populations environnantes à l’instar du village de Kinkazi, centre majeur de ses activités, notamment pour le stockage de ses produits pétroliers.
D’après le rapport de ces ONG, les entreprises qui se sont succédé depuis le début dans l’exploitation du pétrole à Kinkazi, comme aujourd’hui Perenco-Rep, « ont mené leurs activités sans véritable respect des droits humains, ni des normes environnementales. La population de Kinkazi subit aujourd’hui de multiples violations : pollution des eaux et des terres, réfaction de la biodiversité, atteintes à la santé, marginalisation économique, militarisation des terres forestières ».
Bien plus, indique encore ce rapport, « le chômage reste structurellement élevé, plus de 95 %, malgré la richesse locale en hydrocarbures ». Les habitants accusent l’entreprise d’employer des personnes venues d’ailleurs et pas du village.

Les terres ne produisent plus à Kinkazi
Les accusations portées dans le rapport des trois organisations congolaises soulignent que la situation sur le terrain n’a pas beaucoup évolué depuis plus d’une décennie. En 2014, le rapport « Pétrole à Muanda : la justice au rabais » de l’association française spécialisée dans la lutte contre la faim, CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), dénonçait pratiquement les mêmes faits.
Il relève des pollutions diverses de l’air, de l’eau, notamment par des fuites des déchets ou produits toxiques, le torchage, et les atteintes aux droits économiques des populations. Ces perturbations ont entraîné, explique le même rapport, la raréfaction des poissons dans les cours d’eau, ainsi que la baisse des récoltes.
À Kinkazi, explique à ce propos, Djo Mambuku, habitant du village, les terres ne produisent plus comme en 2000. Il soupçonne Perenco de dégrader les sols en raison des pollutions. « Nous avons presque tout perdu : notre espace et nos récoltes », explique-t-il au téléphone à Mongabay.
Il assure, en outre, que les poissons aussi se raréfient dans les rivières du village, du fait de la pollution. « Perenco a déversé [en 2014] du brut dans la rivière Mbudi [qui coule plus loin vers l’océan Atlantique, Ndlr]. Et, nous sommes depuis ce temps-là, privés de la pêche. Aujourd’hui, il faut se rendre au village Tshikada, dans les environs, pour pêcher », explique Mambuku.
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Comme CCFD-Terre Solidaire en 2013, CORAP, CAAD et IDEL montrent qu’au lieu d’améliorer les conditions de vie des populations, la présence de Perenco les détériore. C’est l’une « des conséquences de l’obsolescence du droit national et international pour encadrer les activités des entreprises multinationales », souligne le rapport « Pétrole à Muanda : la justice au rabais ».

La production quotidienne de Perenco Rep a atteint 8 499 barils par jour, d’après le rapport 2022, de l’Initiative pour la transparence dans l’industrie extractive (ITIE). Les ONG CORAP, CAAD et IDEL l’évaluent par contre à 25 000 barils lorsque, dans son rapport de novembre 2013, CCFD-Terre Solidaire avançait déjà le chiffre de plus de 28 000, soit plus de 7 % de la production quotidienne totale du groupe et une valeur de 801 millions USD. Ces variations, CCFD-Terre Solidaire l’expliquent par le manque de données publiques de la part de l’entreprise et de l’Etat sur le nombre de puits on-shore, qui varieraient entre 232 et 800, d’après les estimations de diverses sources.
Actes de sabotage contre Perenco Rep et déploiement des militaires
Mongabay n’a pas obtenu de réponses de Perenco Rep, même après avoir dûment transmis la demande d’interview par courriel, comme demandé par un service interne ayant répondu au téléphone ne pas pouvoir répondre.
Mais, d’après les personnes contactées par Mongabay, y compris l’Administrateur du Territoire adjoint chargé de la politique et de l’administration de Muanda, Nicolas Kindwelo, Perenco accuse les villageois de saboter ses installations, ce qui a justifié le déploiement des militaires, pour assurer la sécurité des infrastructures de l’entreprise pétrolière. « Il y a eu des abus. Ils ont volé du câble. Vous savez jusqu’à aujourd’hui, on vole du câble électrique pour aller vendre du cuivre. Mais, c’est un manque à gagner pour l’État », explique Kindwelo.
Pour Alphonse Khonde, secrétaire exécutif de l’ONG CAAD co-productrice du rapport « Kinkazi, village sacrifié », ces actes proviennent des personnes frustrées, qui ne seraient pas forcément des habitants de Kinkazi.
Kinkazi est l’épicentre des activités de Perenco-Rep, explique Khonde, abritant des réservoirs des produits pétroliers bruts et chimiques, des sites de valorisation de traitement des déchets, des puits de pétrole et d’autres sites stratégiques encore. « Parmi les auteurs de ces actes de vandalisme, il y a aussi des techniciens tels que les électriciens. Ce sont eux qui connaissent les câbles sans électricité et qui viennent les couper nuitamment », explique pour sa part, Djo Mambuku, habitant de Kinkanzi.
Mambuku ajoute encore : « Le sabotage a commencé lorsque l’entreprise a commencé à engager les gens comme des journaliers. Et, quand on ne vous prend pas, ceux qui ne sont pas pris sont fâchés. Surtout quand l’entreprise recrute des gens qui sont à des localités lointaines » et qu’ils se trouvent après en rupture de contrat de travail, explique la Mambuku.

Difficile accès aux champs
Pour les ONG congolaises CORAP, CAAD et IDEL le contraste entre la pauvreté croissante dans la région et l’extraction des ressources pétrolières est source de conflits. « La militarisation » du gardiennage des champs pétroliers et autres infrastructures de Perenco Rep amplifie la situation. Pour l’administrateur du territoire adjoint de Muanda, il faut dédramatiser la situation. Les militaires assurent un gardiennage et les femmes peuvent aisément aller dans leurs champs.
« Nous, les femmes, on s’occupe de l’agriculture. Mais il est devenu difficile de travailler. Récemment, après avoir bu du vin de palme dans le village, des militaires ont commencé à se battre entre eux dans une maison du village. L’un d’eux a même tiré à balle réelle. Il n’y a ni enquête ni sanction depuis cet incident », témoigne, qui a préféré garder l’anonymat pour des raisons de sécurité.
D’après Mambuku, pris de peur, les paysans se trouvent obligés de quitter leurs champs avant 18 heures. « Les militaires ne veulent pas seulement se limiter là où ils sont en train de fonctionner. Ils sont encore entrés dans la vie privée de villageois. Avec leur présence, il est difficile de faire la chasse et d’aller à la pêche le soir. Or, nous vivons au village de la pêche et de l’agriculture », explique Mambulu.
Notre source anonyme explique, en plus, que la présence des militaires dans la brousse empêche aussi les hommes de vaquer librement à leurs activités dans leurs palmeraies, où ils extraient le vin de palme. Or, cette activité permet aux ménages de gagner de l’argent, d’après le rapport « Kinkazi, village sacrifié ».
Cette informatrice soupçonne aussi les effets de pollutions qui font que jadis, explique-t-il, « un seul palmier donnait jusqu’à 20 litres de vin par jour. Aujourd’hui, c’est parfois 1 ou 2 litres. L’école primaire est gratuite, mais pas l’école secondaire », dit-elle. Pour elle, à cause de la pollution, il n’est plus facile de produire et de se suffire au sein des ménages.
À ce propos, le gouverneur de la Province du Kongo Central Nkuanga n’a pas répondu aux sollicitations de Mongabay. Mais, pour sa part, l’administrateur adjoint, Nicolas Kindwelo, assure que les militaires ont été déployés pour sécuriser seulement le site industriel. Dans ses sensibilisations, il rappelle que « celui qui sera appréhendé en train de faire ce qui n’est pas conforme à la déontologie, même des militaires, sera arrêté et puni. Il faut dialoguer avec la population. Il faut expliquer à la population pourquoi ils sont là et comment ils sont là », explique-t-il au téléphone, à Mongabay.
Image de bannière : Une famille cultivant son champ dans les environs de la ville de Kalemie, dans la province du Katanga, en RDC. Image de MONUSCO/ Myriam Asmani via Wikimedia Commons (BY-SA 2.0).
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