- L’exploration et l’exploitation du pétrole sont irréversibles, a annoncé le ministre des hydrocarbures de la République démocratique du Congo (RDC).
- Même si le gouvernement a annoncé la mise à l’écart des blocs pétroliers estimés dangereux pour les écosystèmes, des défenseurs de l’environnement restent inquiets.
- Il est cependant possible d’exploiter le pétrole, à condition d’adopter une gouvernance rigoureuse et transparente des ressources pétrolières, selon les spécialistes.
Le pétrole pourrait bien supplanter, voire dépasser le cuivre, le cobalt, le diamant, l’or et le coltan, précieuses ressources minérales qui ont longtemps pesé sur l’économie de la République démocratique du Congo (RDC).
Mais l’expérience des mines est souvent évoquée pour rappeler des faiblesses constatées dans l’industrie minière, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement et le bien-être économique des populations.
Plusieurs des 52 blocs pétroliers concernés par les explorations pétrolières à venir abritent d’importants écosystèmes. C’est le cas des forêts primaires, des tourbières qui comptent parmi les plus importantes du monde, et du Couloir vert créé par le président Félix Tshisekedi en 2025, à des fins écologiques et économiques.
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« C’est la première chose qui a été prise en compte, à savoir détoxifier nos blocs de tous les espaces qui gênaient les ONG et qui, selon eux, allaient en contresens de la protection de l’environnement », assure le ministre des hydrocarbures, Aimé Sakombi, dans une interview au magazine Jeune Afrique basé à Paris.
Mais Sakombi insiste : « Maintenant, la politique du gouvernement, c’est d’explorer et de produire. (…) Le gouvernement ne reculera plus ».

Les mines et les hydrocarbures en RDC
D’après le rapport, de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) de l’année 2022, les revenus du secteur extractif collectés par l’État auprès des entreprises extractives ont atteint 7,3 milliards USD, contre 3,6 USD en 2021, soit une hausse de 99,12 %.
Le secteur pétrolier a généré précisément 328,76 millions USD de revenus pour le Trésor public, indique le même rapport. Cela représente 4,46 % des revenus extractifs du pays qui se sont élevés à 7,04 millions USD, faisant des hydrocarbures un secteur d’avenir.
Mais, l’essentiel du pétrole congolais est exporté brut à partir de Muanda, dans le sud-ouest du pays, où il est extrait principalement par la société franco-britannique Perenco.
Mais, de l’avis de John Toli Lufukaribou, directeur exécutif de l’ONG congolaise Forum des engagés pour le développement durable (FORED), « le résultat est catastrophique. La cité de Muanda (où se trouve l’exploitation, ndlr) est connue comme étant la cité (pétrolière, ndlr) la plus pauvre du monde. Alors que, au contraire, l’extraction du pétrole devrait booster le développement du pays. La cité de Muanda devrait être Qatar, la cité de Muanda devrait être Doha ou Dubaï de la RDC. Mais ce n’est pas le cas ».

Ce paradoxe est déjà bien connu des Congolais, particulièrement dans les zones minières telles que le Katanga, dans le sud-est du pays. Il est désigné parfois par la formule « la malédiction des ressources naturelles », pour rappeler que le pays dispose de vastes ressources naturelles, mais il reste pauvre.
Mais la cause de cette situation est bien connue des Congolais, depuis l’indépendance du pays : gouvernance opaque des ressources naturelles, comme l’a pu montrer le rapport 2022 de l’Inspection générale des finances (IGF), rattachée à la présidence de la RDC.
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Ce rapport indique par exemple qu’entre 2012 et 2020, la Gécamines, la société publique de cuivre et cobalt, n’a perçu que 1,6 % (564 millions USD) de redevances des sociétés privées, dont elle est soit actionnaire, soit locataire de l’exploitation des gisements, sur un chiffre d’affaires de 35 milliards USD réalisés par ses partenaires.

Une gouvernance environnementale et stratégique rigoureuse
Le pétrole changera-t-il la donne, en améliorant le bien-être économique et social des Congolais comme promis par le gouvernement ? Il faut, au départ, tirer des leçons de l’exploitation minière, pense Pepito Sakasaka, responsable de Focus Hydrocarbures, une plateforme consacrée à la promotion du secteur énergétique et aux analyses sur les défis environnementaux majeurs en RDC.
Pour sa part, Sarah Ngomba, ingénieure en raffinage et pétrochimie et chercheuse à l’université de Kinshasa, le Congo peut atténuer l’impact de l’exploitation du pétrole.
Elle propose de mixer innovation technologique, rigueur dans l’application des normes environnementales et volonté politique. « Cela demande une volonté politique forte, des ressources et une gestion rigoureuse ». Il faut, pour cela, explique-t-elle, une entreprise nationale de raffinage, ou le renforcement de la société publique pétrolière SONAHYDROC.
En plus, « des Études d’impact environnemental (EIE) indépendantes et obligatoires, avant tout forage [et] l’installation des systèmes de surveillance, pour détecter rapidement les fuites ou pollutions » sont nécessaires, explique Ngomba à Mongabay.
Cette procédure de prévention de dommages environnementaux implique par ailleurs de définir des zones tampons et périmètres de sécurité autour des installations, selon Ngomba.
Pour cette dernière, il faudra aussi, la consultation préalable des communautés locales, avec le droit à la compensation et les sanctions fermes en cas de violation des normes environnementales, ajoute-t-elle.
La protection de l’environnement et des populations ne doit pas être une option, mais une exigence réglementaire.
Pour Pepito Sakasaka, ingénieur en pétrochimie lui aussi contacté par Mongabay, les enjeux énergétiques mondiaux obligent la RDC à exploiter ses ressources.
Mais la dépendance des investissements privés risque de piéger le secteur pétrolier, comme c’est le cas pour les mines. « Nous devons mieux nous préparer face à la transition énergétique, dont le train a déjà quitté la gare, en améliorant notre cadre légal, en rendant plus compétitive la SONAHYDROC, en soutenant la formation et en explorant suffisamment nos potentiels pétro-gaziers ».
Image de bannière : Vue aérienne de la rivière Monboyo et de la forêt tourbeuse du Parc national de la Salonga, au sud-est de Mbandaka, en RDC. Image de Daniel Beltrá/Greenpeace.
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