- Profitant de l’absence partielle ou totale du contrôle de différentes aires protégées, des hommes armés exploitent les ressources de ces espaces, hypothéquant les efforts de conservation consentis depuis des années.
- La semaine dernière a été très mouvementée diplomatiquement, selon de nombreux analystes qui suivent de très près le conflit dans l’Est de la RDC, estimant que peut être le bout du tunnel approche.
- Les rebelles du M23 et les autorités de Kinshasa ont signé un accord de trêve pouvant aboutir à un cessez-le-feu définitif dans le cadre des pourparlers de Doha, au Qatar.
- Les autorités rwandaises et congolaises ont signé aux USA, une « déclaration de principe » visant à travailler en symbiose pour la paix et pour le développement de la région.
Goma, RDC – Alors que les combats se poursuivent dans certaines régions de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), et que les efforts diplomatiques battent leur plein ces derniers jours pour trouver une solution au conflit, l’environnement continue d’en payer le lourd tribut dans cette partie de l’Afrique.
Le Parc national de Kahuzi-Biega a annoncé la suspension de ses activités, suite aux combats qui s’y déroulent. Au même moment, certains hommes armés sont accusés de « déboisement » à grande échelle, profitant de l’absence des services étatiques et non étatiques, impliqués dans la lutte contre la destruction des écosystèmes dans les aires protégées du pays.
La dénonciation émane de l’organisation dénommée « Les écologistes RDC », un groupe de travail qui réunit des experts et acteurs environnementaux congolais basée à Goma, capitale du Nord-Kivu, ville encore sous contrôle des rebelles de l’AFC-M23.
Dans un communiqué de presse, Prince Kihangi Kyamwami, coordonnateur de l’organisation, tire la sonnette d’alarme sur ce qu’il qualifie de « risque de survie » auquel est exposé le Parc national de Kahuzi-Biega, très connu pour ses forêts tropicales primaires. Il accuse les jeunes armés non identifiés d’être responsables de cette déforestation au niveau du village Biega Kasirusiru. « Ces jeunes armés utilisent des tronçonneuses pour produire des planches et de la braise qu’ils écoulent sur les marchés environnants », dit-il, dans le communiqué envoyé à Mongabay.
Ce dernier appelle chaque partie à prendre ses responsabilités en vue de protéger cette aire protégée, dont la grande partie est située en province du Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC. « Cette menace devait être prise au sérieux et attirer l’attention de tout écologiste, du gouvernement de la République et surtout de la MWAMI KAZI (la cheffe coutumière) du groupement Kalonge, afin de prendre les dispositions qui s’imposent pour protéger la biodiversité du Parc National de Kahuzi Biega », dit Kihangi.

Crée en 1970, le Parc national de Kahuzi Biega est classé, depuis 1997, sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
De nombreux activistes estiment qu’il joue un rôle important dans la régulation écologique dans l’Est de la RDC, notamment en termes de séquestration de carbone.
Contactés, les responsables du parc ont confirmé la déforestation, sans apporter d’autres détails pour des raisons de sécurité.
Centenaire mitigé du Parc national des Virunga
Au moment où cette alerte a été lancée par « Les écologistes RDC », le Parc national des Virunga a soufflé, le 21 avril 2025, son centenaire. Fondé le 21 avril 1925, ce parc est le plus ancien parc africain et le plus riche en diversité biologique en Afrique.
Ses responsables ont peint un tableau sombre, 100 ans après sa création. Selon eux, plus de 220 éco-gardes ont été tués depuis 2000, dans l’exercice de leurs fonctions. Aujourd’hui encore, environ 50 % du parc est sous occupation de plusieurs groupes armés, dont le M23, les milices locales dites Maï-Maï et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda FDLR).
Ils ont également fait savoir qu’environ 1 500 éléments armés sont actifs autour de la réserve et que les groupes armés impliqués dans le trafic des ressources naturelles du parc, gagnent au moins 30 millions USD par an.

En dépit de tout cela, le parc demeure toujours la 1ère destination touristique de la RDC. De nombreux progrès ont été enregistrés : des milliers d’emplois ont été créés, des milliers de personnes ont accès à l’électricité et de nombreuses entreprises ont été créées, soulignent les responsables du parc.
Les familles des rangers tués dans l’exercice de leurs fonctions bénéficient du soutien du parc, mais celles-ci affirment mener une vie « difficile », après le décès de leurs époux. « Après la mort de mon époux, les funérailles avaient été organisées par le Parc des Virunga et durant les six mois qui ont suivi sa mort, son salaire m’était versé. Et après, on m’avait embauchée au poste de technicienne de laboratoire et Virunga m’a offert un contrat de travail dans mon domaine », dit à Mongabay, au téléphone, une veuve de deux enfants, dont le mari a été tué, en avril 2020.
Cette dernière salue cet accompagnement et encourage le parc à doubler ses efforts, afin que les familles des rangers morts puissent mener une vie « modeste » à la hauteur des sacrifices consentis par leur époux pour protéger le parc. « Les initiatives menées par le parc et ses partenaires ne sont pas suffisantes pour compenser les efforts de nos époux pour protéger le parc. Je connais encore d’énormes difficultés pour prendre en charge mes deux enfants. Pas facile de payer leur scolarité », dit-elle.

Deux accords importants conclus pour tenter de mettre fin à la guerre
La semaine dernière aura été mouvementée sur le plan diplomatique, selon de nombreux observateurs indépendants sur le conflit dans la partie orientale de la RDC. Sous les auspices du Qatar, les rebelles du M23 et le gouvernement congolais ont abouti, le 23 avril 2025, à un accord de trêve, réaffirmant leur engagement envers la cessation des hostilités.
Deux jours plus tard, Kinshasa et Kigali ont signé à Washington aux USA, une « déclaration de principe » pour mettre fin au conflit entre les deux pays. Ceux-ci se sont mutuellement engagés à œuvrer pour la coopération économique, au renforcement de la transparence dans les chaînes d’approvisionnement et à exploiter les ressources naturelles de la région, grâce à des partenariats, entre autres.
Pour le chef du Département d’État américain Marco Rubio, selon plusieurs médias, la signature d’un accord de principe entre Kigali et Kinshasa « contribuera à protéger les intérêts stratégiques dans les minerais essentiels au développement du secteur technologique des USA » et d’apporter à la région la paix et la stabilité dont elle a tant besoin.

Dady Saleh, professeur en économie basé à Kinshasa, en RDC, accuse l’administration Trump d’avoir une « voracité » pour les minerais critiques et stratégiques dans le monde; ceux de la RDC n’étant pas en reste, dit-il à Mongabay, au téléphone.
Il estime que l’implication des USA dans la recherche de la solution au conflit dans l’Est congolais est un « couteau à double tranchant ».
« Le président Donald Trump est avide des minerais critiques qui sont en Afrique. Il ne cache pas d’ailleurs ses ambitions, disant qu’il y avait un deal des minerais stratégiques entre son pays et la RDC. Les autres auraient aimé que ça se fasse tout bas, mais lui, l’a dit tout haut. C’est pour ce faire qu’il aimerait que la guerre cesse entre le Rwanda et la RDC, mais pas nécessairement au bénéfice de la RDC », conclut Dady Saleh.
Image de bannière : Photo du groupe Cimanuka, gorille des plaines de l’Est, prise lors d’une autre journée de randonnée dans le parc national de Kahuzi-Biega. Image de Joe McKenna via Wikimédia Commons (CC BY 2.0).
RDC : Les défenseurs de la nature fustigent les combats dans le Parc national de Kahuzi-Biega
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