- La noix de cajou est cultivée dans beaucoup de pays africains et est parfois promue dans des projets de reforestation ou de restauration des terres dégradées.
- Dr Alex Etchike Dong explique que le cajou est plus adapté à l’agroforesterie et peut être cultivé avec d’autres arbres fruitiers tels que le manguier et l’oranger.
- Il explique également que, contrairement aux idées reçues sur la monoculture, celle du cajou ne pose pas de problème en soi, tant qu’elle n’empiète pas sur des écosystèmes naturels.
La production de noix de cajou en Afrique soulève un débat complexe entre ses bénéfices environnementaux et ses impacts économiques. Dans cette interview accordée à Mongabay, Alex Etchike Dong, titulaire d’un PhD en agroécologie et agroforesterie tropicale, enseignant à l’université de Dschang au Cameroun et consultant en pratique agroforestière, explique que la culture du cajou, même en monoculture, peut être positive pour l’environnement et les communautés rurales, si elle est bien intégrée dans une logique agroforestière durable.
Mongabay: Les monocultures de noix de cajou participent-elles plus à la destruction ou à la préservation des forêts ?
Alex Etchike Dong : C’est une espèce qui est régulièrement cultivée dans les zones sahéliennes du nord du Cameroun et dans d’autres pays d’Afrique. Plusieurs projets ont encouragé l’expansion des parcelles avec cette espèce dans la perspective de reforester les zones dégradées.
Dès qu’une pratique est déjà intensive, même si c’est de l’arboriculture, c’est toujours bénéfique dans la perspective de la reforestation et de la lutte contre les changements climatiques. Et comme l’espèce est ligneuse, c’est un arbuste, alors une culture intensive de cette espèce ligneuse serait donc plus bénéfique à la reforestation des milieux ou à la lutte contre les changements climatiques.

Mongabay : Pourtant, lorsqu’on parle de monoculture intensive, c’est souvent en termes négatifs, le cas du palmier à huile par exemple. Est-ce que le résultat varie en fonction de la spéculation ?
Alex Etchike Dong : Le palmier fait beaucoup d’ombrage et il ne cohabite pas avec d’autres espèces en général. Alors, les espèces qui sont généralement exigeantes en lumière ne peuvent pas prospérer dans le sous-bois des palmiers, parce que les palmiers vont très haut et font beaucoup d’ombrage pour certaines espèces qui sont parfois un peu plus basses. Donc, il y a déjà deux aspects pour lesquels l’intensification du palmier à huile ne peut pas être vraiment considérée comme une pratique de culture biologique. Premièrement, elle n’a pas une certaine résilience avec d’autres espèces. Généralement, elle produit assez d’ombrage dans lequel plusieurs espèces intelligentes dans la lumière ne peuvent pas évoluer ou n’évoluent pas normalement. Par contre, la noix de cajou peut être mixée à d’autres espèces. Dans certaines exploitations dans la zone sahélienne du Cameroun, elle est régulièrement associée au manguier ou à l’oranger. De plus, la noix de cajou est assez tolérante par rapport à l’ombrage et est favorable à une pratique agroforestière. Elle a une bonne coexistence avec d’autres espèces de son gabarit.

Mongabay : Et en monoculture ?
Alex Etchike Dong : La culture de la noix de cajou est positive en monoculture intensive. Si la personne ayant le verger d’anacardier veut insérer d’autres cultures pour optimiser la diversité de ses rendements, elle n’aura pas de soucis, il n’y aura pas de problèmes. Dans ce cas, la pratique sera salutaire pour lutter contre les réchauffements climatiques ou sera encouragée dans le sens de la reforestation.
Mongabay : Et donc, vous direz que la production de noix de cajou en monoculture contribue plus à la dégradation des terres et à la sécurité alimentaire en Afrique ou à la dégradation des terres ?
Alex Etchike Dong : Elle ne contribue pas à la dégradation. C’est une pratique qui est positive et il y a beaucoup de recherches et de littérature qui confirment ces propos. Elle est positive tant qu’elle n’empiète pas sur des espaces naturels.
Mongabay: Quels sont, par exemple, les éléments de positivité ?
Alex Etchike Dong :Si tu as un verger, même d’une vingtaine ou d’un millier de pieds, ça va toujours aider. Premièrement, d’abord dans l’amélioration de la fertilité des sols. C’est une espèce ayant certaines propriétés reconnues par rapport à la fertilité. Deuxièmement, elle va apporter un changement dans le microclimat local. La noix de cajou a des feuilles assez robustes qui se dégradent difficilement. Elle ne perd pas toutes ses feuilles, même pendant la saison sèche extrême. Donc, ça veut dire que, quelque part, elle va toujours absorber de la lumière solaire et rejeter de l’oxygène qui va aider justement dans l’apaisement du climat dans les zones chaudes. Donc, elle va contribuer à l’amélioration du microclimat local. Ce qui veut dire que plus la culture de la noix de cajou sera intensive, plus son feuillage sera aussi intensif et va donc permettre d’améliorer un peu le climat local.

Mongabay : Et en termes de sécurité alimentaire, vu que la noix de cajou ne se consomme pas beaucoup localement et est généralement cultivée pour l’exportation, est-ce que le fait d’avoir ces monocultures-là ne contribue pas un peu à l’insécurité alimentaire ?
Alex Etchike Dong : C’est un fruit qui est périodique comme la mangue ou l’avocat. Il y a des périodes où elle produit et, pendant cette période où elle produit, il y a le besoin alimentaire qui est là. Pendant la période de production, les paysans peuvent véritablement profiter de la commercialisation de ces fruits et améliorer par exemple leur économie, même quand la saison sera passée. Il ne s’agit pas juste d’une satisfaction ponctuelle durant la période de production, on peut faire bien des choses avec les revenus obtenus et être en sécurité alimentaire. Si les producteurs sont de bons gestionnaires, ils pourront gérer l’argent obtenu de la vente de noix de cajou pour acheter ce qu’ils veulent manger. C’est seulement une question de sensibilisation et de bonne gestion.
Image de bannière : Alex Etchike Dong, titulaire d’un PhD en agroécologie et agroforesterie tropicale, enseignant à l’université de Dschang au Cameroun.
La noix de cajou, la joyeuse culture qui inquiète en Afrique
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