- Selon Michel Pimbert, professeur à l’université de Coventry en Grande-Bretagne, il existe des opportunités évidentes, mais souvent ignorées, pour financer la transition agroécologique, des opportunités qu’il appelle « l'éléphant dans la salle ».
- Il propose de taxer les profits exceptionnels réalisés par les entreprises agroalimentaires, notamment pendant les crises comme la pandémie de COVID-19 ou les conflits armés.
- Il suggère aussi d'imposer des taxes sur les transactions financières des marchés spéculatifs, d’imposer annuellement la richesse des individus les plus fortunés et même l'annulation de la dette des pays africains combinée à des réparations pour traite négrière transatlantique.
Les taxes sur les bénéfices exceptionnels des entreprises agroalimentaires, les taxes sur les transactions financières des marchés spéculatifs, un impôt mondial sur la fortune des milliardaires, la fermeture des paradis fiscaux, ainsi que l’annulation de la dette combinée à des réparations pour l’esclavage transatlantique dans les pays d’Afrique : telles sont les solutions proposées par Michel Pimbert, professeur d’agroécologie et de politique alimentaire à l’université de Coventry en Grande-Bretagne, pour financer la transition agroécologique.
Pimbert a fait ces propositions au cours d’une conférence organisée à Nairobi, au Kenya, du 6 au 8 mars 2025, par Biodiversity and Biosafety Association (BIBA) Kenya, en partenariat avec l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), sur le thème « Reprendre le pouvoir financier pour l’agroécologie et la souveraineté alimentaire ».
La conférence a réuni des membres de l’AFSA, des activistes, des universitaires, des agriculteurs et des décideurs politiques, qui ont discuté, entre autres, de l’élaboration d’une feuille de route pour une campagne continentale visant à limiter les flux financiers destinés à l’agriculture industrielle et à promouvoir le financement de l’agroécologie en Afrique.

Plusieurs experts présents à la rencontre s’accordent à dire que la transition agroécologique est un passage des pratiques agricoles intensives et dépendantes des intrants chimiques vers des systèmes agricoles plus durables et respectueux de l’environnement.
Seulement, il faut de l’argent pour effectuer cette transition. Pendant que beaucoup pensent que les fonds sont difficiles à trouver, Pimbert affirme qu’il y a des opportunités évidentes, mais souvent ignorées ou non abordées dans les discussions sur le financement de la transformation agroécologique, et appelle ces opportunités « l’éléphant dans la salle ».
Il s’agit, selon lui « de grandes réserves de capitaux ou des sources de financement potentielles qui pourraient être mobilisées pour soutenir des systèmes alimentaires plus durables et équitables, mais qui ne sont pas prises en compte par les décideurs politiques ».
Pimbert propose l’introduction de taxes sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises agroalimentaires, notamment pendant des périodes de crise comme la pandémie de COVID-19 ou les conflits armés. « Ces profits pourraient être taxés pour générer des fonds substantiels destinés à la lutte contre le changement climatique et à la promotion de pratiques agricoles durables », a-t-il dit lors de sa communication par vidéoconférence, au cours de rencontre.
Ce dernier suggère également d’imposer des taxes sur les transactions financières des marchés spéculatifs, « pouvant potentiellement rapporter 2 400 milliards de dollars sur une décennie ».
L’expert explique que cette mesure vise à réduire la spéculation financière tout en générant des revenus importants pour financer des projets de réparation climatique et de développement durable. Les marchés spéculatifs, a-t-il expliqué, sont ceux où les investisseurs achètent et vendent des actifs financiers dans l’espoir de réaliser des profits à court terme, en misant sur les fluctuations de prix, plutôt que d’investir à long terme.

Mettre fin aux paradis fiscaux
La troisième proposition consiste à imputer un impôt mondial sur la fortune des milliardaires, avec une taxe annuelle de 2 % sur la richesse des individus les plus fortunés. En ciblant les ultra-riches, cette taxe pourrait contribuer à réduire les disparités économiques, tout en fournissant les ressources nécessaires pour des transformations agroécologiques à grande échelle. « Selon l’EU Tax Observatory, cette mesure pourrait générer 250 milliards de dollars par an, offrant ainsi une source de financement stable pour les efforts de lutte contre le changement climatique et les inégalités mondiales », dit Pimbert.
La fermeture des paradis fiscaux, qui détiennent 10 % du PIB mondial, est une autre mesure préconisée par Pimbert, pour libérer des fonds importants pour le financement de la transition agroécologique.
Selon lui, les paradis fiscaux permettent aux entreprises et aux individus fortunés d’échapper à l’impôt, privant ainsi les gouvernements de revenus essentiels. En mettant fin à ces pratiques, les gouvernements pourraient récupérer des sommes considérables pour investir dans des systèmes alimentaires durables et équitables. Cette mesure contribuerait, a-t-il dit, également à renforcer la justice fiscale à l’échelle mondiale.
Enfin, Pimbert plaide pour l’annulation de la dette des pays africains combinée à des réparations pour l’esclavage transatlantique. Cette initiative vise à reconnaître et à réparer les injustices historiques tout en libérant des ressources financières pour les pays qui en ont le plus besoin. Les réparations pourraient générer des fonds substantiels, pour des actions climatiques et d’autres priorités urgentes, dans les pays ayant subi une longue histoire d’exploitation coloniale et de violations des droits humains.
Cette approche intégrerait la justice sociale et économique, dans les efforts de transformation agroécologique. « La société civile doit faire preuve d’audace en réclamant ces ressources financières inexploitées, plutôt que de se concentrer uniquement sur les subventions et les budgets de recherche et développement », conclut Pimbert.
Image de bannière : Restitution des travaux des groupes de discussion lors de la conférence de l’AFSA à Nairobi au Kenya, le 7 mars 2025. Les participants schématisent les effets du financement de l’agriculture industrielle. Image de Bob Dixon/AFSA avec son aimable autorisation.
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