- Une campagne met l’accent sur la protection et la conservation des espèces d’arbres centenaires.
- La mobilisation communautaire s’avère essentielle pour que ces arbres soient protégés.
- Ces arbres centenaires abritent également une multitude d'insectes et d'autres petits organismes, qui contribuent à la santé des sols et à l’équilibre des écosystèmes.
- La conservation des arbres centenaires pourrait aider à lutter contre la crise climatique au Rwanda.
Silas Habyarimana, un fermier originaire de Nkotsi, un petit village situé à Musanze, un district montagneux au nord du Rwanda, se souvient que la destruction anarchique des arbres géants de la petite forêt avoisinante de Buhanga, un des symboles connus de cette région, a commencé lorsque les communautés locales venaient d’envahir des zones autrefois protégées, notamment pour leur valeur culturelle et historique.
« À l’époque, cette zone était constituée par une vaste forêt sacrée avec plusieurs espèces d’arbres figurant parmi les plus vieux et symbolisant les anciennes habitations des monarques », explique ce septuagénaire autrefois engagé comme guide touristique dans cette région.
Habyarimana affirme que ces types d’arbres géants à ficus qu’on retrouve souvent aux alentours des anciens palais royaux au Rwanda, ont été là depuis des générations, leurs racines étant étroitement liées à l’histoire de ce pays d’Afrique centrale.

D’après une analyse réalisée par les responsables du Parc national des Volcans au nord du Rwanda, une partie importante de la couverture originelle de cette petite forêt constituée en grande partie par les arbres centenaires très grands et très vieux, connus sous l’appellation d’ibigabiro (Ficus thonningii), a été détruite ou dégradée.
Localement appelée « Igihondohondo » (jaune) pour illustrer la couleur qui caractérise sa végétation, cette petite forêt, avec aujourd’hui 31 hectares, soit environ 38 terrains de football restants, a vu plusieurs de ces rares espèces d’arbres géants dont certains datent de plus de 300 ans, détruites par les populations locales à la recherche de bois de chauffage, de terres cultivables et de pâturages.
« Cette zone présentait à l’époque un paysage spectaculaire avec ses arbres les plus emblématiques les plus longs et les plus vieux, mais les activités humaines ont contribué à sa destruction », affirme Habyarimana à Mongabay.

En se basant sur les données et analyses les plus récentes pour révéler les dernières tendances en matière de perte de forêts et de déforestation à l’échelle nationale, l’Observatoire forestier mondial (GFW, sigle en anglais) montre que jusqu’en 2020, le Rwanda comptait 189 hectares de forêts naturelles, s’étendant sur 7,5 % de sa superficie. En 2023, il a perdu 758 hectares de forêts naturelles, soit l’équivalent de 5,37 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone.
En vue de remédier à la destruction anarchique qui cible en grande partie des arbres indigènes, une équipe de chercheurs dans le domaine de la conservation vient de se lancer dans une nouvelle campagne, mettant l’accent sur la protection et la conservation des espèces d’arbres centenaires.
Pour la première fois, les chercheurs au Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles de l’université du Rwanda, ont montré les effets positifs de ces espèces d’arbres, notamment pour leurs effets positifs dans le stockage de carbone.
«La protection de ces espèces d’arbres [centenaires] s’avère essentielle pour préserver la biodiversité au Rwanda », affirme Prof. Beth Kaplin, chercheuse principale et initiatrice de cette campagne.

Héritage à sauvegarder
D’après Prof. Kaplin, les pays comme le Rwanda ont besoin, non seulement d’une politique qui sauvegarde ces espèces d’arbres, notamment dans la construction des infrastructures routières, mais aussi la mobilisation communautaire s’avère essentielle pour que ces arbres soient protégés.
Selon elle, le Rwanda a besoin de promouvoir l’importance culturelle des coutumes ancestrales envers la nature pour préserver sa biodiversité.
« Valoriser ces espèces d’arbres comme patrimoine culturel reste indispensable pour la conservation de la biodiversité au Rwanda », affirme-t-elle à Mongabay.
Prof. Kaplin est convaincue que la prise en compte de la survie des arbres centenaires reste cruciale pour prévoir les émissions de gaz à effet de serre et planifier les efforts de conservation.
« Ces espèces d’arbres jouent un rôle central dans l’absorption du dioxyde de carbone et leur protection reste essentielle dans les stratégies de conservation au Rwanda », dit-elle.

Capacité d’absorption en CO2
En se basant sur des banques de données recueillies sur plusieurs sites au Rwanda, les chercheurs ont extrait les informations sur l’âge, la taille, l’état de maturité et la production de graines des arbres, concluant qu’un arbre centenaire peut absorber environ 22 kilogrammes de dioxyde de carbone chaque année.
Avec une analyse multivariée, les chercheurs ont conclu que ces arbres centenaires abritent également une multitude d’insectes et d’autres petits organismes, qui contribuent à la santé des sols et à l’équilibre des écosystèmes.
Selon les chiffres de l’Autorité forestière du Rwanda (RFA, sigle en anglais), le pays compte environ 400 arbres indigènes dont des espèces centenaires.
Dr. Concorde Nsengumuremyi, Directeur général de RFA, reste persuadé que la conservation des arbres centenaires pourrait aider à lutter contre la crise climatique dans le pays. « La gestion forestière communautaire reste indispensable pour le succès de cette campagne », affirme-t-il.
La campagne de plantation d’arbres a débuté en 2011, avec l’objectif de restaurer deux millions d’hectares de terres d’ici à 2030 dans le cadre du Défi de Bonn.
D’après les estimations de RFA, les forêts au Rwanda couvrent actuellement 30,4 % de la superficie nationale, soit 724 695 hectares, soit 878 418 terrains de football.
Image de bannière : Les arbres centenaires sont localisés partout au Rwanda, notamment autour des anciennes résidences de la famille royale comme ici à Nyamasheke, un district au sud-ouest du pays. Les experts affirment que ces arbres abritent également une multitude d’insectes et d’autres petits organismes, qui contribuent à la santé des sols et à l’équilibre des écosystèmes. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
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