- De fortes crues, provoquées par deux passages cycloniques, ont, en janvier, dévasté un centre de conservation des tortues terrestres endémiques dans le Sud de Madagascar.
- Le drame a provoqué la mort de moins d’un millier de ces reptiles en danger critique.
- Des solutions provisoires ont dû être appliquées pour le soin des animaux rescapés, en attendant la reconstruction qui ne sera possible que vers le milieu d’année.
- Créé en 2017, le site de conservation affecté n’a jamais connu une telle catastrophe écologique et climatique que cette année.
ANTANANARIVO, Madagascar — L’équipe de Turtle Survival Alliance (TSA), qui œuvre depuis des années pour la conservation des espèces de tortues terrestres endémiques de Madagascar, toutes en danger critique, s’évertue à mieux gérer l’avenir face aux imprévus, dus notamment au changement climatique. L’organisation se penche sur les mesures d’atténuation après des chocs subis en janvier dernier.
Le mois passé, deux passages cycloniques ont provoqué de fortes crues, qui ont durement affecté le centre dédié aux tortues en soin ou saisies géré par la TSA Madagascar, appelé Lavavolo Tortoise Center (LTC), à proximité du village d’Itampolo, sur le littoral sud-ouest malgache, dans le district d’Ampanihy.
Des pluies torrentielles se sont soudainement abattues sur la région, d’habitude sujette à de faibles précipitations annuelles, en tuant plus de 800 tortues et en endommageant les infrastructures. Les dégâts matériels ont été estimés à plus de 150 000 dollars.
« Il y pleuvait auparavant. Mais la hauteur des torrents atteignait à peine la cheville. Cette année, des eaux, jusqu’à 180 centimètres de profondeur, ont en 24 heures, englouti la moitié de l’enclos », a confié à Mongabay Hery Razafimamonjiraibe, directeur pays de TSA Madagascar, joint au téléphone. Les habitations des membres du personnel, les accès et des installations diverses se concentrent dans les secteurs submergés.
Pour la plupart, les victimes sont mortes par suffocation. « Les tortues, qui se sont mises à l’abri sous des ombrages dans l’enclos, y ont été coincées. D’autres animaux ont été mal en point pour avoir été saisis quelques jours seulement avant les intempéries dévastatrices. Ils sont encore fatigués au moment des premiers flux », a corroboré Dr Tsanta Fiderana Rakotonanahary, cheffe de Veterinary Support chez TSA Madagascar, jointe au téléphone elle aussi.

L’effet de saturation aurait constitué une circonstance aggravante. D’une superficie totale de 4,5 hectares, soit sept fois et demi d’un terrain de foot, le site de conservation abrite environ 13 000 tortues. La gestion de l’imprévu est des plus compliquées en pareille circonstance.
« Il a fallu établir un ordre de priorité. La sûreté et la sécurité des employés sont passées avant tout. Par la suite, le sauvetage des animaux s’est organisé avec le même esprit en mobilisant les ressources disponibles pour sauver le maximum possible d’animaux », a affirmé la vétérinaire.
Les ombrages ont été démontés en urgence, afin de les laisser flotter à la surface pour y mettre les animaux secourus. Ceci étant, les rescapés – plus de 10 000 tortues – ont été transportés à des endroits surélevés. « Les petits et les juvéniles l’ont été les premiers, car ils pouvaient être facilement emportés par les courants. De ce fait aussi, les secouristes ont pu porter un plus grand nombre d’animaux à la fois », a-t-elle ajouté.
L’emplacement du LTC est dominé par une falaise calcaire bordant le Plateau de Mahafaly, qui donne sur l’océan Indien. Le site à gestion privée est situé en bas, sur une plaine intercalée entre la falaise et la mer. Il aurait été un endroit idéal pour les tortues qui circulent dans leur habitat naturel. « Beaucoup de tortues sauvages vivent aux alentours du refuge et en haut de la falaise », a précisé l’informatrice.
La communauté, les forces de l’ordre et bien d’autres personnes de bonne volonté, ont contribué au sauvetage de janvier. Une fois les tortues naufragées en sécurité, et au début de la décrue, la priorité a été accordée à leur alimentation. « Les villageois nous ont beaucoup aidés pour cette tâche. Entre 2 000 et 2 500 kilos de plantes fraîches par jour ont été fournies », a dit Rakotonanahary.
« En aucun cas, leurs aliments ne pouvaient pas être négligés, car ils ont assuré un prompt rétablissement des tortues après le grand stress qu’elles venaient de connaître », a insisté l’experte. Parallèlement, une équipe de vétérinaires a été déployée pour vérifier s’il y a eu encore des animaux oubliés dans les secteurs de l’enclos et ausculter, une à une, les survivantes de la noyade.

Reconstruction pas avant le milieu de l’année
Pour TSA Madagascar, l’heure devrait être à la reconstruction des infrastructures endommagées. Mais l’exécution de tous gros travaux sur le site du LTC s’avère hasardeuse avant la fin de la saison des pluies en avril-mai, c’est-à-dire vers le milieu d’année. Il n’est donc pas question pour l’organisation de retourner les rescapées aux zones submersibles de l’enclos jusqu’à la fin de la saison des pluies.
Des endroits sur le Plateau de Mahafaly ont été identifiés pour maintenir les reptiles en sécurité provisoirement. Ils ont été aménagés pour être adaptés à eux. « Les plus petits seront délocalisés au centre de conservation des tortues sous notre responsabilité à Tsihombe Androy (un district à l’est d’Ampanihy, Ndlr) », a dit Razafimamonjiraibe.
La relocation a pour but d’alléger la densité des tortues au LTC à Itampolo. La réintroduction des animaux dans la nature sera toujours de rigueur. Leur comptage avec l’appui du ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD), sera impératif entre-temps. Ce dernier, représenté par son directeur de la communication, Luciano Razafimahefa, tient à apporter toute facilitation administrative nécessaire.

Des ingénieurs sont quand même envoyés sur le terrain pour étudier la possibilité de faire évacuer les eaux inondant les zones basses du centre de conservation qui restent inaccessibles et isolées jusqu’à maintenant. Les infrastructures présentes sur le site seront reconstruites pour mieux résister aux conditions climatiques futures.
Pour la première fois, un centre de triage a existé à Lavavolo Itampolo en 2017. Celui-ci est devenu un centre de réhabilitation pour tortues une année plus tard, consécutivement à une prise de plus de 10 000 tortues en contrebande, à Toliara, la capitale de la région Atsimo Andrefana, dans le Sud-Ouest.
Les tortues radiées (Astrochelys radiata) et les tortues araignées (Pyxis arachnoides), toutes natives des régions du Sud de l’île, font l’objet de trafic international intense. Le fléau se poursuit malgré les diverses dispositions de lutte. Mais ces reptiles sont aujourd’hui en danger critique, selon la Liste Rouge de l’UICN. Elles comptent aussi désormais parmi les victimes potentielles du changement climatique.
Image de bannière : Opération de sauvetage au Lavavolo Tortoise Center subitement inondé le 16 janvier dernier à cause des fortes précipitations dans la région du littoral sud-ouest malgache. Image de Dr Tsanta Fiderana avec son aimable autorisation.
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