- Un rapport scientifique publié à la faveur de la 16e Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification à Riyad,en Arabie Saoudite, révèle que 15 millions de km² de terres sont dégradées dans le monde.
- L’Afrique est durement concernée par cette crise, avec 1,6 millions de km² de terres dégradées entre 2015 et 2019, pire que dans les autres régions du monde.
- Les communautés, les organisations de défense de l’environnement, les scientifiques et les officiels, explorent à l’occasion de cette conférence, les solutions pour faire face à la dégradation des terres, à la sécheresse et à la désertification.
- Ibrahim Thiaw, le secrétaire exécutif de l’UNCCD, appelle à un relèvement de 22 % des investissements en faveur de la lutte contre la dégradation des terres.
RIYAD, Arabie Saoudite – A l’occasion de la 16ème Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD en anglais), qui se tient en ce moment (2-13 décembre 2024), à Riyad, en Arabie Saoudite, sous le thème « Notre terre. Notre avenir », l’UNCCD et le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), alertent sur la crise mondiale de la dégradation des terres.
Dans un rapport rédigé à partir de la synthèse de recherches et évaluations existantes sur la dégradation des terres, ces deux organismes pointent du doigt un certain nombre de dysfonctionnements qui affecte l’environnement.
D’abord, le rapport révèle que sept des neuf frontières planétaires sont affectées négativement par l’utilisation non durable des terres. Le PIK indique aussi que l’agriculture, en tant que premier facteur de dégradation des terres, contribue à 23 % des émissions de gaz à effet de serre, à 80 % de la déforestation, et à 70 % de la consommation d’eau douce. Enfin, l’institut souligne que la perte des forêts et l’appauvrissement des sols alimentent la faim, les migrations et les conflits dans le monde tandis que la dégradation des terres compromet la capacité de la planète à soutenir l’humanité.
A cela, il ajoute que la planète compte environ 15 millions de km² de terres dégradées, soit plus de la superficie de l’Antarctique, avec une augmentation annuelle de 1 million de km².
« Notre planète est rendue malade par la dégradation des terres. Le rythme est effrayant. Son immunité baisse. Les virus comme la tempête, la pénurie d’eau, la sècheresse, l’impactent sérieusement ». C’est en ces termes qu’Ibrahim Thiaw, Secrétaire exécutif de l’UNCCD, a résumé cette situation préoccupante, lors l’ouverture des travaux de la COP16, le 2 décembre 2024 à Riyad.

Au cours de cette conférence, les participants (environ 20 000), vont axer leurs réflexions autour de diverses thématiques, notamment la dégradation des terres qui menace la sécurité alimentaire, la biodiversité et la résilience climatique. La question des systèmes alimentaires durables pour favoriser les sols sains, la gouvernance foncière responsable et inclusive pour promouvoir les droits de l’homme et la réduction de la dégradation des terres pour favoriser un développement équitable seront également discutés.
Il est prévu une journée des peuples, pour mettre en lumière le rôle essentiel des acteurs non étatiques (jeunes, femmes, gouvernements locaux, agriculteurs et organisations de la société civile) dans la lutte contre la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse.
La journée de la science, de la technologie et de l’innovation pour promouvoir des solutions scientifiques et technologiques est dédiée aux réflexions pour trouver des solutions à même de soutenir la santé des terres et la résilience des communautés.
Enfin, la journée des finances, consacrée aux besoins cruciaux de financements innovants et durables pour lutter contre la dégradation des terres, la désertification et la sécheresse.
Le mal-être des terres africaines et des solutions endogènes
L’Afrique est la région du monde la plus impactée par la dégradation des terres. D’après le rapport du PIK, elle a perdu 1,6 millions de km² de ses terres entre 2015 et 2019 (soit un peu plus de la superficie du Niger), notamment ses zones arides, ses savanes, ses forêts et ses zones humides. Le continent est très dépendant des moyens de subsistance basés sur l’exploitation des terres, comme l’agriculture et la sylviculture, et est extrêmement vulnérable au changement climatique.

À Riyad, les communautés, les organisations de défense de l’environnement, les experts et les officiels des délégations africaines, donnent de la voix, à la recherche des solutions pour infléchir la courbe. Ceci, afin que l’Afrique, puisse jouer sa participation dans l’atteinte de l’objectif de restauration de 1,5 milliard d’hectares de terres dégradées à l’horizon 2030, conformément aux résolutions prises lors de la COP15 en Côte d’Ivoire, en 2022.
La géographe Julia Tomalka, cheffe des projets de recherche du groupe de travail sur l’adaptation aux systèmes agricoles au PIK et co-auteur de ce rapport, recommande d’« augmenter de manière significative le financement destiné à l’Afrique et à d’autres régions particulièrement touchées par la dégradation des sols » au sortir de cette conférence.
Une position qui n’est pas perçue comme une priorité par certains membres de la société civile africaine présents à cette rencontre sur la désertification tels que, l’ONG Afrique Espérance et de l’Association des femmes peules et des peuples autochtones du Tchad.
Ces acteurs de la société civile entendent plutôt inverser le narratif des solutions aux crises environnementales aux nombreuses conséquences sur le continent, et ne plus présenter l’image d’une Afrique nécessiteuse qui a toujours la main tendue vers les donateurs étrangers. Cette dernière veut, avant tout, partager son savoir-faire en matière de lutte contre la dégradation des terres et la sécheresse avec d’autres acteurs de cette conférence.
Au Bénin, l’ONG Afrique Espérance investit dans des projets alternatifs pour limiter les pressions anthropiques sur les écosystèmes forestiers. Cette structure propose la mise en valeur de l’économie circulaire pour restaurer les sols dégradés.
Son président Charles Balogoun, explique à Mongabay que « les populations rurales ont pour principale source d’énergie le bois. Plus on coupe le bois, plus on tend vers la désertification, puis le réchauffement climatique, et plus de séquestration de carbone. En les invitant à ne plus couper le bois, on leur propose une solution alternative. Tout ce qu’elles ont comme déchets autour d’elles, peut être utilisé dans des biodigesteurs pour leur offrir le biogaz, et le même biogaz peut leur permettre de faire l’électrification, la cuisson, l’irrigation, et enfin le biofertilisant en solide ou en liquide qui permet de fertiliser les sols dégradés ».
Pour sa part, Hindou Oumarou Ibrahim, Présidente de l’Association des femmes peules et des peuples autochtones du Tchad, évoque les savoirs traditionnels des peuples autochtones Mbororo du Tchad, qui peuvent aider à la restauration et à la durabilité des sols. « Quand on a notre bétail, on continue notre nomadisme, et partout où nous passons, les boues de vache qu’on laisse tomber permettent de fertiliser la terre et de régénérer les écosystèmes », dit-elle.
« Lorsqu’on a les boues de vache quelque part, les insectes viennent les infiltrer et se reproduisent à l’intérieur de ces boues; une fois cette reproduction, les oiseaux viennent bouffer ces insectes. Donc, l’écosystème en tant que chaine se regénère d’une manière naturelle. En termes de production, l’éparpillement de ces boues de vache permet d’enrichir le sol. Lorsque les pluies tombent, les boues pénètrent les sols et lorsque les sols sont fertilisés, on peut faire une agriculture durable sans avoir besoin d’engrais chimiques ou de pesticides, afin de produire pour l’économie et l’alimentation », explique Oumarou Ibrahim.

De la quête des financements
À la COP16 sur la désertification, la question de la mobilisation des financements pour la mise en œuvre des projets de restauration des terres, de renforcement de la résilience contre la sécheresse et de la lutte contre la désertification, est tout aussi importante que lors des précédentes COP sur la biodiversité et le climat.
Les financements sont disponibles auprès des États, des organisations internationales, des donateurs philanthropes, ainsi que du secteur privé. Le ministre camerounais de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable, Pierre Helé, fait savoir que l’Afrique doit orienter sa recherche de financements vers la coopération bilatérale qu’il juge plus prometteuse, pour restaurer les 12 millions d’hectares de terres dégradées au Cameroun.
Il confie à Mongabay qu’il a tendu la main au gouvernement d’Arabie Saoudite, pour un projet de convention, « dans le cadre bilatéral entre le Cameroun et l’Arabie Saoudite ». « Nous allons chercher un organisme saoudien pour nous aider, afin que nous puissions lutter contre la sécheresse dans la partie nord du pays, en l’étendant dans les zones forestières ».
L’ambition projetée de l’UNCCD de restaurer 1,5 milliard de terres dégradées en 2030, nécessite des financements évalués à environ un milliard de dollars américain par jour, soit $2600 milliards à échéance 2030.
Selon Ibrahim Thiaw, « l’aide publique internationale est nécessaire, mais elle ne sera jamais suffisante ». « Il faut la relever de 22 % en pourcentage plus élevé, mais il faut surtout relever le pourcentage des investissements qui viennent du secteur privé, entre 20 et 25 %, qui a tout intérêt à le faire.
Mais, c’est une régulation (des États) qui amènera le secteur privé à investir dans la restauration des terres », a-t-il dit à Mongabay. Les investissements consentis par les entreprises en faveur de l’environnement n’atteignent pas, pour l’heure, 6 %, selon le diplomate mauritanien.
Image de bannière : Paysage du Sahel, une zone de transition entre le nord aride et la forêt tropicale verte qui borde la côte maritime, couvrant une superficie de 5,4 millions de km² ; avec une végétation composée principalement d’arbres, d’arbustes, de buissons et d’herbes rabougris et dispersés. Image de Daniel Tiveau/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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