- En formant des jeunes à des métiers de l'agriculture et de l'élevage, on contribue à la sécurité alimentaire et au développement économique.
- Chaque jeune doit bénéficier d'un accompagnement entrepreneurial et d’un financement pour son projet garantissant une insertion socioprofessionnelle.
- Des formateurs expérimentés doivent partager leurs connaissances et leur expertise, tout en inculquant aux jeunes des valeurs essentielles.
- La formation, l’entrepreneuriat et la réinsertion peuvent transformer des défis socio-économiques en opportunités de croissance collective.
Situé au cœur des plaines de Yié, en République du Congo, le Centre de formation professionnelle de Yié accueille des jeunes en quête d’un avenir dans l’agriculture. L’école propose des formations adaptées aux réalités locales, mêlant théorie et pratique soutenue.
Parmi les apprenants, Ray Glade Milandou, 25 ans, doyen de l’internat et membre de la première promotion. Aux côtés de 24 autres jeunes, il suit un parcours destiné à développer des compétences pour une agriculture et un élevage (porcin, avicole, piscicole, cunicole et pastoral) adaptée aux défis actuels.
L’initiative est lancée par l’Association des Spiritains au Congo, dans son Centre de formation professionnelle aux métiers de l’Agro-Sylvo-Pastoral et Halieutique, situé dans le département du Pool, à 45 km de Brazzaville, la capitale du pays. Il a pour objectif d’améliorer les conditions de vie des enfants des rues de Brazzaville.
Fondé en 2022 dans le cadre d’un projet financé par l’Union Européenne (UE) à hauteur de 600 millions de francs CFA (soit USD 1 million), le centre de Yié s’attaque à la question du développement durable. Son objectif principal, comme l’explique le Père Loïc Loumouamou, spiritain et Chef de projet, est de « former les futurs entrepreneurs qui produiront ce que le Congolais consommera demain ».
« C’est un centre mis en œuvre dans le cadre du projet d’amélioration des conditions de vie des enfants en situation de rue financé par l’Union Européenne. Et de façon plus précise et même technique, le centre entend, non seulement former ces jeunes dans ces secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, mais aussi de les insérer socioprofessionnelle à travers la constitution de certaines coopératives au terme de cette formation », explique Loumouamou à Mongabay.
Tous les jours, Ray Glade Milandou et 24 autres jeunes, âgés de 18 à 25 ans, dont 4 filles, apprennent les bases de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Après trois mois de formation commune, les élèves se spécialisent dans l’une de ces filières pendant six autres mois. Le centre propose aussi des modules sur le développement personnel et la gestion entrepreneuriale. Le Père Loumouamou insiste également sur la dimension humaine : « Nous formons aussi au développement personnel, à la gestion et à la coopération. Ce sont des compétences essentielles pour garantir leur réussite ».
Des jeunes issus de milieux défavorisés
La cible de ce centre, ce sont des jeunes issus de milieux défavorisés. En 2014, à la suite d’un différend familial, il fugue, quitte son foyer et survit dans la rue. En 2022, il est pris en charge par un centre d’accueil et d’hébergement pour des personnes isolées, en situation de précarité ou vivant dans la rue.
« Ils m’ont accompagné pendant six mois, en m’apportant un soutien moral et matériel, avant de faciliter ma réintégration dans ma famille. Ils m’ont encouragé à respecter les règles établies par mes parents pour consolider cette réintégration. Cette période m’a permis de reprendre confiance en moi et de poursuivre mon éducation malgré les difficultés ».
L’année suivante, quand Milandou apprend qu’un nouveau projet agricole et pastoral se monte dans sa région, il n’hésite pas une seconde à s’inscrire. Passionné d’agriculture et en quête « d’opportunités », Milandou confie : « Quand je suis arrivé au centre de formation, je n’avais pas de véritable soutien pour me reconstruire. Les conditions initiales étaient difficiles, mais ce projet m’a apporté une lueur d’espoir. Il offre aux jeunes comme moi la possibilité de se construire un avenir, de trouver leur place dans la société et de développer des compétences essentielles ».
Des enseignants et formateurs de terrain
Pour garantir un apprentissage adapté aux besoins des jeunes, le centre a fait appel à des formateurs chevronnés et ancrés dans les réalités congolaises. Parmi eux, Ruphin Kinanga, formateur en production agricole et avicole, Guy-Florent Banimba, spécialisé en production piscicole et Donald Massala en production porcine, élevage des lapins et des ruminants. « Nous avons choisi des entrepreneurs et non des théoriciens, car ils connaissent à la fois le marché local et ses aléas », souligne le Père Loumouamou. Ces professionnels partagent, non seulement leur savoir-faire, mais aussi leurs expériences du terrain, rendant l’apprentissage pratique et concret.
« La matinée est consacrée aux cours théoriques, chacun des 3 formateurs à sa semaine, avec moi les après-midi, les apprentis enfilent leurs bottes et passent à la pratique sur les parcelles et bassins du centre, sous ma supervision attentive. L’objectif est de faire comprendre à ces jeunes qu’ils peuvent devenir des acteurs clés de l’autonomie alimentaire du pays. Leur travail est directement lié aux besoins du marché local, ce qui leur offre une perspective d’insertion professionnelle immédiate », dit le prêtre.
Milandou confie à Mongabay que « ce projet éducatif et agricole donne les outils nécessaires pour grandir, apprendre et envisager un futur meilleur. Grâce à cela, j’ai pu réaliser que chaque étape de la vie, même les plus dures, peut être transformée en opportunité. C’est une initiative qui guide les jeunes comme moi vers une voie plus stable et les prépare à bâtir une vie pleine de sens ».
Kinanga enseigne aux jeunes les bases de l’agriculture durable adaptées aux réalités locales. Il leur apprend des techniques comme l’utilisation d’engrais naturels, la rotation des cultures et l’aménagement des sols. Il met aussi l’accent sur la gestion des semences locales et des méthodes biologiques pour améliorer les rendements tout en préservant l’environnement.
Kinanga démontre à ces jeunes que l’agriculture peut être une activité rentable et un levier pour sortir de la précarité. « Vous devez voir la terre comme un partenaire, pas comme une limite », leur rappelle-t-il souvent. Il insiste aussi sur l’importance de la coopération: « L’agriculture n’est pas un métier solitaire. Si vous travaillez en équipe, vous pouvez multiplier vos forces ».
Un impact social et économique pour la région
En formant des entrepreneurs agro-pastoraux, le centre espère jouer un rôle clé pour le tissu économique et social de la région, en contribuant à la sécurité alimentaire et à la création de nouvelles activités économiques. « C’est un projet structurant pour notre communauté. Ces jeunes, autrefois marginalisés, deviennent des acteurs du développement local », dit le Père Loumouamou.
La durée de formation, de neuf mois, permet une immersion complète dans les métiers de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Chaque jeune, à la fin de sa formation, élabore un projet entrepreneurial que l’Association des Spiritains au Congo s’engage à financer et à suivre. Une démarche initiée pour garantir l’autonomisation des bénéficiaires et la pérennité des activités initiées.
« Avant d’arriver ici, ma vie était un chaos. Mais depuis que je suis au centre, j’ai appris à vivre différemment. J’ai découvert l’agriculture, la pisciculture et, surtout, j’ai appris à rêver d’un avenir meilleur », dit Milandou avec une lueur d’espoir dans les yeux.
En seulement quelques mois, il a acquis des compétences pratiques et a retrouvé un sentiment de dignité. « Pour la première fois, je me sens respecté et humanisé. Le centre n’est pas clôturé, mais je n’ai aucune envie de fuir. C’est ici que je construis mon futur », ajoute-t-il.
Pour les 25 pensionnaires de cette première promotion du centre, ces enseignements représentent bien plus qu’une simple acquisition de compétences. Ils marquent le début d’un parcours qui, pour chacun, pourrait transformer leur avenir et contribuer au développement de l’agriculture et de l’élevage locale. « Ce projet nous donne une chance de sortir de l’ombre et de montrer à la société que nous pouvons être utiles et responsables », conclut-il.
Image de bannière : Le formateur Rufin Kinanga explique aux apprenants comment monter la machine qui servira à labourer la terre. Image de Vivace Mambouana.
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