- Des chercheurs profitent de la science citoyenne, qui implique des bénévoles dans la collecte et l'analyse de données, pour corriger les lacunes dans les connaissances sur la biodiversité.
- Ils ont utilisé les données de la science citoyenne pour identifier les oiseaux ‘’perdus’ vivant en Océanie, en Afrique et en Asie, dont 62 % sont en danger d'extinction.
- La science citoyenne demeure encore une réalité absente au Togo comme dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest.
Des chercheurs ont mis à contribution la science citoyenne, qui implique la participation de bénévoles non scientifiques dans la collecte et l’analyse de données, pour combler les lacunes persistantes dans les connaissances sur la biodiversité, particulièrement pour les espèces les moins connues. Grâce à l’implication de bénévoles à travers le monde, la diversité aviaire mondiale a été presque entièrement couverte, avec environ 11 849 espèces recensées.
C’est l’une des observations d’une récente étude de l’Ecological Society of America (ESA), une organisation scientifique dédiée à l’avancement de la science écologique, basée à Washington, aux États-Unis, et publiée en juin dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment.
Les chercheurs ont utilisé les données de science citoyenne pour identifier les oiseaux “perdus” vivant en Océanie, en Afrique et en Asie, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas été documentés depuis plus de dix ans. En analysant plus de 42 millions d’enregistrements photographiques, audio et vidéo, ils ont découvert que 144 espèces d’oiseaux, représentant 1,2 % de la diversité aviaire mondiale, sont considérées comme perdues. Parmi celles-ci, 62 % sont en danger d’extinction, mettant en lumière l’urgence de leur situation.
John C. Mittermeier, Chercheur à l’American Bird Conservancy, une ONG dont la mission est de conserver les oiseaux sauvages et co-auteur de l’étude, précise que « les données recueillies par les citoyens scientifiques sont cruciales pour détecter et comprendre la situation des espèces d’oiseaux menacées. Sans leur contribution, de nombreuses espèces resteraient invisibles ».
Dans un échange avec Mongabay par courriel, Mittermeier explique : « Notre méthode reposait principalement sur l’extraction de données à partir de grandes plateformes de science citoyenne. Nous avons commencé par quelques-unes des plus grandes, en particulier Zen-El Canto, eBird et iNaturalist, et nous avons cherché dans ces bases de données des enregistrements sonores et des photographies d’oiseaux pour identifier les espèces, qui n’avaient pas eu de tels enregistrements ou des photographies au cours des 10 dernières années ou plus. Une fois que nous avions réduit la liste aux espèces sans informations dans ces principales bases de données, nous avons cherché dans d’autres sources pour voir s’il existait des enregistrements de ces espèces ailleurs. Cela impliquait un peu de recherches sur Google, la consultation de la littérature publiée, ainsi que des contacts avec des scientifiques et des conversationnistes régionaux ».
Il ajoute : « Nous avons extrait des enregistrements d’espèces de ces trois bases de données principales, puis nous avons utilisé une variété de plateformes et de langages de codage, en particulier R, pour filtrer ces vastes ensembles de données et identifier les espèces d’intérêt. Ensuite, nous avons progressivement réduit cette liste. Ce que nous avons maintenant, c’est environ 125 espèces ».
La science citoyenne au Togo : une réalité absente
Dr Koffi Valentin Mawougnigan, Chercheur sur la diversité biologique et la conservation des espèces à l’université de Lomé, souligne que la science citoyenne est presque inexistante au Togo.
« La science citoyenne, je dirai, n’existe quasiment pas chez nous. Nous n’avons pas la culture de la conservation, de la nature et autre. Pour la grande majorité, c’est la plage seule, que nous avons comme lieu de récréation naturelle en dehors des restaurants, bars et autres. Donc, pour ceux qui s’intéressent à la nature, ce n’est pas par passion, mais par contrainte ; on veut faire des recherches pour obtenir un diplôme, on veut justifier une activité, et cela s’arrête là. Concernant les espèces d’oiseaux baguées, c’est majoritairement les espèces migratrices, surtout les oiseaux (et les tortues marines) qui viennent nicher ou hiberner chez nous ».
« Nous ne baguons pas les animaux au Togo, et quasiment aucun travail réel n’est fait. Nos efforts de conservation se concentrent uniquement sur les végétaux, sinon les arbres. Nos forêts, aujourd’hui, ont perdu leur biodiversité, parce qu’avec la plantation et la reforestation, nous avons modifié nos écosystèmes naturels et la biodiversité animale au détriment du couvert forestier », ajoute-t-il.
Disparition des espèces d’oiseaux et rôle des gouvernants
« Il n’y a pas un programme de conservation des oiseaux au niveau national. Entre temps, il y avait une ONG suisse, je pense, qui a travaillé sur les vautours, qui sont des oiseaux menacés. Il ne s’agissait pas d’une conservation en tant que telle, mais plutôt d’un inventaire, histoire de voir si les populations de ces espèces existent encore ! Les populations de vautours en Afrique de l’Ouest ont considérablement diminué ou disparu dans de nombreuses régions et la plupart des espèces sont en danger d’extinction. De nombreuses personnes persécutent malheureusement les petites populations restantes en les capturant ou en les tuant », dit Mawougnigan.
Dr Samuel Akakpo, un scientifique en conservation à l’université de Lomé au Togo, affirme lors d’un échange téléphonique que « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité nécessitent une collaboration étroite, un financement adéquat, des rôles et responsabilités bien définis. Sans une coordination adéquate et des lignes directrices claires, il serait difficile de mettre en œuvre des stratégies de conservation efficaces ».
Walter Jetz, un autre co-auteur de l’étude, explique que, plus la couverture par les scientifiques citoyens est élevée et plus le temps écoulé depuis le dernier enregistrement est long, plus ces espèces d’oiseaux sont susceptibles d’être en péril. Cette approche, basée sur les données, offre une méthode reproductible pour la conservation.
Image de bannière : Calao à bec rouge. Image de Austin Mills via Flickr (CC BY-NC 2.0).
Citation :
Rutt, L.C., Miller, T. E., Berryman, J. A., Safford, J. R., Biggs, C., Mittermeier, C. J. (2024). Global gaps in citizen-science data reveal the world’s “lost” birds. Frontiers in Ecology and the Environment, 1-11. http://dx.doi.org/10.1002/fee.2778.
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