- Les chercheurs du groupe World Weather Attribution (WWA), soutiennent que le changement climatique est responsable de la vague de chaleur actuelle dans les pays au sud de l’Afrique de l’Ouest.
- Cette partie de l’Afrique va connaitre, selon les chercheurs, de fréquente chaleur plus chaude si le monde ne s’éloigne pas des combustibles fossiles.
- L’un des effets du changement climatique qui se manifeste par de forte chaleur a eu des impacts sur la biodiversité.
- Les chercheurs pensent que les vagues de chaleur peuvent s’accompagner d’une recrudescence de certaines maladies à transmission vectorielle.
Une étude menée dans neuf pays, indique que le changement climatique est à l’origine de la vague de chaleur, qu’a enregistrée l’Afrique de l’Ouest durant les mois de février à avril, pourrait devenir cyclique tous les deux ans si les humains ne s’éloignent pas des combustibles fossiles.
Le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Sierra Leone, de même que certaines parties de la Guinée et du Cameroun, sont les zones prises en compte par l’étude.
Celle-ci explique qu’à cause du changement climatique provoqué par l’homme, l’indice de chaleur moyen par zone est aujourd’hui d’environ 4°C, donc plus élevé dans le climat actuel, plus chaud de 1,2°C.
Ladite étude, réalisée par une équipe internationale de chercheurs du groupe World Weather Attribution (WWA), publiée le 21 mars 2024, sur son site, indique par ailleurs qu’une telle chaleur humide est devenue beaucoup plus probable, voire au moins 10 fois plus probable dans le monde d’aujourd’hui.
Pour estimer l’influence du changement climatique d’origine humaine sur cette chaleur humide excessive, les chercheurs ont utilisé une combinaison de modèles climatiques et d’observations.
D’après Maja Vahlberg, Consultante en risques au Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, cité par WWA, « les pays d’Afrique et du monde doivent se préparer à la chaleur. Des mesures simples comme des campagnes de sensibilisation et des systèmes d’alerte peuvent sauver des milliers de vies pendant les vagues de chaleur ».
Interrogé à Cotonou par Mongabay, le Professeur Michel Boko, climatologue à l’université d’Abomey-Calavi (Bénin), estime que, depuis janvier 2024, les températures enregistrées ne sont pas conformes à la normale, c’est-à-dire à la moyenne établie sur 30 ans au moins. « Ce qui se passe devient exceptionnel. Nous sommes comme dans une étuve, parce que notre peau n’arrive pas à évapotranspirer l’eau que nous buvons et qui transpire par la chaleur. La sueur ne s’en va pas, parce que l’atmosphère est déjà saturée », a-t-il expliqué. « Lorsqu’il y a des éruptions solaires, c’est-à-dire des quantités supplémentaires d’énergies solaires qui vont nous parvenir, nous ne pouvons les gérer. Nous avons déjà chargé l’atmosphère de gaz ayant pour effets de la réchauffer. Quand ces phénomènes deviennent simultanés, la température doit augmenter », ajoute-t-il. Il précise que plusieurs événements sont responsables de la chaleur extrême enregistrée dans les pays du sud de l’Afrique de l’Ouest depuis les mois de février et mars 2024. Au Sud du Bénin par exemple, la météo a annoncé 41° C les 7 et 8 mars. Selon l’analyse de World Weather Attribution (WWA), « la chaleur la plus intense s’est produite du 11 au 15 février avec des températures supérieures à 40°C. ».
Boko pense qu’une étude à l’échelle régionale pose des problèmes de téléconnexion, c’est-à-dire, « on cherche la réponse à une question dans une région donnée et cette réponse se trouve peut-être à des milliers de kilomètres ». « Après lecture de l’étude, j’ai aussi pensé à la superposition d’événements ou de manifestations ; et, dans ce cas, cela entraîne une exacerbation des impacts. Vouloir concentrer l’étude sur les pays du Golfe de guinée sans montrer la téléconnexion, peut poser un problème pour ceux qui font de la climatologie dynamique », déclare le Prof. Boko. « On ne peut pas trouver la réponse à la problématique de la surchauffe actuelle en ne restant que sur le Golfe de guinée », précise-t-il.
L’intensité de la chaleur depuis le mois de février reste difficile à gérer pour les populations de cette région. Pour Boko, « cette période de chaleur en Afrique de l’ouest est insupportable ». Armel Djènontin, Maitre de Conférences en Entomologie Médicale à l’université d’Abomey-Calavi, déplore que « les températures ressenties aient été très peu supportables ». Les climatologues du groupe WWA ont mentionné dans l’étude, qu’au Nigeria, les médecins ont signalé une augmentation du nombre de patients aux maladies liées à la chaleur, des plaintes de troubles du sommeil en raison des nuits chaudes.
Dans les communes de Cotonou et d’Abomey-Calavi au sud du Bénin, des familles ont également déploré des troubles de sommeil durant cette période. Outre ces désagréments, des médecins rencontrés ont fait savoir que certains patients présentaient de boutons de chaleur. « De fortes chaleurs peuvent créer des éruptions cutanées. Ce sont des boutons qui apparaissent sur le corps. Ces boutons peuvent évoluer vers des infections de la peau avec l’excès de la chaleur et de la mauvaise hygiène du sujet atteint. Ces infections de la peau, si elles ne sont pas prises en charge, peuvent évoluer vers la staphylococcie cutanée », explique le médecin généraliste Faaïz Otcho, en service à la clinique du Carrefour à Abomey-Calavi. « Mon visage et tout mon corps sont recouverts de boutons. J’étais vraiment peinée. Je ressens des brûlures sur ma peau quand je marche sous le soleil, ou quand la chaleur commence par descendre. Je souffre pendant cette période chaude », confie une patiente qui a suivi des traitements pour ses éruptions cutanées, dans le Centre de santé de Godomey, un arrondissement de la commune d’Abomey-Calavi. Les tentatives pour avoir les données sur les affections dues à la chaleur et sur les avis des spécialistes du Centre National Hospitalier et Universitaire (CNHU), de Cotonou, ont été vaines.
Dans les pays du sahel, la canicule affecte davantage les populations. « L’impact a été plus élevé au Mali et au Burkina Faso. Ce qui s’est passé cette année est exceptionnel. La canicule s’est produite en plein Ramadan. Beaucoup de gens n’avaient pas la possibilité de s’hydrater », a déclaré Kiswendsida Guigma du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l’un des auteurs de l’étude. On retient aussi, de ses propos lors du point de presse de World Weather Attribution, le mercredi 20 mars 2024, que la canicule pourrait être l’une des causes des coupures d’électricité du fait de la sécheresse pendant la période. Par ailleurs, à en croire le Prof. Boko, « ces vagues de chaleur auront des influences sur les prochaines précipitations. Mais ce n’est pas facile à projeter maintenant ».
Pas que sur l’homme
Les oiseaux, les lapins, les porcs sont les animaux vulnérables à cette période de chaleur extrême, indique Sabbas Attindéhou, Enseignant-chercheur à l’université nationale d’Agriculture de Kétou au Bénin. « Sur les animaux en général, il y a eu une augmentation du stress et des mécanismes de thermolyse. Il y a, en particulier, la réduction de la prise alimentaire avec pour conséquence immédiate la chute de production. Il y a aussi la baisse de l’immunité générale due au stress et qui est suivie de pathologies diverses et de mortalité. Durant cette période chaude, les éleveurs de volaille ont essuyé de grosses pertes au Bénin », a déclaré Attindéhou. Ce dernier pense que le réchauffement climatique est évident. C’est, selon lui, un incendie mondial qui s’active furtivement.
En dehors des animaux, les insectes aussi sont affectés par les vagues de chaleur enregistrée. « Les insectes tout comme les humains, sont des êtres vivants, les changements climatiques ont un effet sur leur physiologie, leur comportement et leur abondance », indique Djènontin. A son avis, il existe plus de 4000 espèces de moustiques et, parmi elles, des vecteurs de maladies dont les larves ne se développent que dans l’eau assez chaude. « Plus il fait chaud, plus l’eau est tiède et donc plus les larves se développent et les moustiques sont nombreux. Or, les moustiques sont des vecteurs de divers agents pathogènes, donc responsables de plusieurs maladies dont le paludisme, la fièvre jaune, la dengue, etc. Alors si des mesures conséquentes ne sont pas prises, dit Djènontin, les vagues de chaleur peuvent s’accompagner d’une recrudescence de certaines maladies à transmission vectorielle ».
Image de bannière : La vague de chaleur affecterait la transhumance des bœufs. Image de Gratien Capko.
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