- Une étude montre que les forêts certifiées FSC abritent plus de grands mammifères que celles non certifiées FSC.
- La certification forestière contribue, à travers la présence de ces mammifères, à régénérer des forêts, et à lutter contre l’exploitation illégale des ressources forestières.
- En 2022, le bassin du Congo, réputé pour sa riche biodiversité, comptait près de 6 millions d’hectares de forêts certifiées.
- Plusieurs pays dans la région ont mis en œuvre des mécanismes visant à accroitre la superficie de leurs concessions forestières afin de les pérenniser. C’est le cas du Gabon qui a pris des mesures incitatives depuis 2020 pour susciter l’adhésion des sociétés forestières au processus de certification, qu’il entend désormais rendre obligatoire.
Les forêts certifiées FSC (Forest Stewardship Council) du bassin du Congo sont réputées favorables à la prospérité de la faune sauvage. C’est la conclusion d’une étude menée par l’université de Utrecht aux Pays-Bas, en collaboration avec World Wildlife Fund (WWF) et Wildlife Conservation Society (WCS), et publiée en avril par la revue Nature. La certification FSC est un label mondial qui permet la promotion et la valorisation de la gestion responsable et durable des forêts à travers le monde. Ce label vise plus précisément une gestion écologiquement appropriée, socialement bénéfique et économiquement viable des forêts, capable de répondre aux besoins des générations actuelles et futures. Elle a été créée en 1993 avec le soutien des organisations de défense de la biodiversité : WWF et Greenpeace. En Afrique, le FSC revendique la gestion de plus de 10 millions d’hectares de forêts sous son label.
Les recherches effectuées entre 2018 et 2021 dans 14 concessions forestières au Gabon et au Congo-Brazzaville, dont sept certifiées FSC, et sept non certifiées FSC, ont révélé que les forêts certifiées FSC abritent bien plus d’espèces menacées d’extinction que les forêts non FSC.
Les chercheurs sont arrivés à cette conclusion après avoir recensé 55 espèces de mammifères dans lesdites concessions forestières, grâce à l’utilisation de 1,3 million de prises de vue à travers des pièges photographiques. Dans les forêts certifiées FSC, le taux d’observation des grands mammifères était plus élevé avec des espèces comme l’éléphant de forêt et le gorille des plaines occidentales ; tandis que dans les forêts non certifiées FSC, la faune est plus représentée par les rongeurs et d’autres petites espèces.
Selon Nathalie Nyare, Directrice nationale de l’organisation non gouvernementale WWF au Gabon contactée par Mongabay, l’épanouissement des grands mammifères dans les forêts FSC peut résulter d’un certain nombre de mesures inhérentes aux exigences de ce système de certification. Il s’agit des « mesures visant à réduire la chasse, la fermeture des routes forestières, la surveillance des concessions, l’exploitation sélective visant à minimiser les perturbations environnementales, et le maintien de grands arbres, ainsi que la préservation des zones de grande valeur de conservation ».
Pour Guy Beloune, Assistant technique senior en certification forestière à Global Forest Environment Consulting (GFEC), un cabinet d’ingénierie de droit gabonais spécialisé en forêt-bois, en environnement et en développement local durable,, le braconnage est moins prépondérant dans les forêts tropicales certifiées, parce que « les zones de conservation et les voies d’accès sont identifiées et gardées en permanence, la chasse est réglementée, le concessionnaire met en place des mesures pour faciliter l’apport en protéines animales aux travailleurs, limitant ainsi la pression sur la faune sauvage ».
L’expert forestier explique, en outre, que la certification forestière facilite aussi l’accès aux produits certifiés FSC à des marchés préférentiels de l’Union européenne, laquelle vient d’adopter un nouveau règlement qui impose aux entreprises de s’engager activement contre la déforestation. Les communautés locales et autochtones vivant à proximité des concessions forestières certifiées tirent également le meilleur de cette gestion écoresponsable des forêts, et les exigences du système de certification assurent que les opérations de gestion forestière maintiennent ou améliorent leur bien-être social et économique sur le long terme.
À l’Est du Cameroun, les communautés Baka-Bantou réunies au sein d’une coopérative dénommée Centre vert de Lomié (CVL), côtoient environ 350 000 hectares d’Unité forestière d’aménagement (UFA) certifiée FSC et gérée par la société française PALLISCO-CIFM. Les deux parties sont liées par une convention entrée en vigueur depuis 2017, qui garantit l’accès des communautés à ces forêts, à la recherche des Produits forestiers non ligneux (PFNL) pour leurs besoins de subsistance.
À en croire Camelle Pitol, la directrice exécutive de cette coopérative, les forêts certifiées de la région sont devenues les plus grands pourvoyeurs de ressources aux communautés locales, à la différence des forêts communautaires, où l’accès est libre et ouvre la voie au braconnage et au pillage systématique des ressources.
« Dans les UFA de PALLISCO, les engagements sont clairs : on n’entre pas avec les armes ; il faut accepter d’être fouillé avant d’aller en forêt ; emporter son repas en forêt pour éviter de faire la chasse ; dénoncer les braconniers, etc. (…) Nous y allons pour la collecte des PFNL, ce que nous ne retrouvons plus facilement dans les forêts communautaires. Donc, c’est la disponibilité et l’abondance des produits qui nous attirent vers les UFA. Et, à notre retour de la forêt, on a la chance d’être transportés avec nos produits par la société jusqu’à nos villages », explique-t-elle.
Politiques gouvernementales de certification forestière
Il est établi par les chercheurs que les systèmes de certification forestière contribuent fondamentalement à la préservation des écosystèmes forestiers et à la protection de la faune sauvage, renforçant ainsi leur résilience face aux défis climatiques qui se posent dans le bassin du Congo du fait d’intenses activités anthropiques (déforestation, braconnage, exploitation minière…).
Selon les données de l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT), le bassin du Congo compte 5,8 millions d’hectares de forêts certifiées fin 2022. Ces forêts sont essentiellement recensées dans trois pays à savoir : le Congo-Brazzaville (2,9 millions ha), le Gabon (2,5 millions ha) et le Cameroun (341 708 ha). La plupart des pays de la région ont pris la pleine mesure des enjeux climatiques et œuvrent pour la protection de leur biodiversité en prônant l’adhésion aux systèmes de certification à travers une panoplie de mesures incitatives.
Au Gabon par exemple, le parlement a adopté en 2020 un texte instituant des mesures incitatives qui permettent aux entreprises engagées dans le processus de certification FSC de bénéficier de certains allégements fiscaux dans le cadre de leurs activités.
Le pays travaille sur un projet de feuille de route en vue de généraliser la certification forestière, qui devra aboutir à un nouveau code forestier en cours de révision. Dans un échange téléphonique avec Mongabay, Pemphile Mboulou Assoumou, cadre administratif à la Direction générale des forêts du Gabon, indique que « la certification forestière contraint les opérateurs forestiers à adopter des pratiques responsables (protection de la biodiversité, préservation des zones à Haute Valeur de Conservation, respect des droits des communautés autochtones et locales, garantir les droits des travailleurs et les conditions de travail, etc. ), dans le cadre de leurs activités, et [que] la révision du cadre réglementaire vise à rendre obligatoire la certification forestière au Gabon ».
En dépit des actions louables des États du bassin du Congo pour la pérennisation de la certification forestière, la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), a identifié quelques facteurs qui freinent la généralisation du processus. Pour ce qui est de la certification FSC en l’occurrence, cet organisme révèle qu’elle stagne depuis 2014, et a décliné en 2017-2018 avec 1,2 million d’hectares en moins. Ceci en raison d’importantes parts grappillées par les marchés asiatiques et d’autres pays émergents dans les exportations de bois tropicaux, au grand dam du marché européen, plus sensible à la certification.
Image de bannière : Un éléphant (Loxodonta africana) dans une forêt au Gabon. Image par Mongabay.
Citation :
Zwerts, J.A., Sterck, E.H.M., Verweij, P.A. et al. (2024). FSC-certified forest management benefits large mammals compared to non-FSC. Nature, 628, 563–568. https://doi.org/10.1038/s41586-024-07257-8.
Les ONG affirment que le label FSC protège peu les forêts ainsi que les populations autochtones