- Le chocolat, sous toutes ses savoureuses formes, est l'une des douceurs préférées dans le monde. Rien qu'aux États-Unis, la consommation par habitant est d'environ 9 kilogrammes (19,8 livres) par an. L'industrie pèse plus de 90 milliards de dollars dans le monde.
- Les ingrédients, dont le cacao, l'huile de palme et le soja, proviennent des pays producteurs d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud pour arriver aux transformateurs et aux consommateurs dans le monde entier. Cependant, une étude récente révèle que de grandes quantités de ces produits de base sont liées à des chaînes d'approvisionnement indirect, échappant aux programmes de durabilité et participant à une déforestation non tracée.
- Les principaux producteurs de ces produits de base, notamment les pays d'Afrique de l'Ouest pour le cacao, le Brésil pour le soja et l'Indonésie pour l'huile de palme, ont été touchés par une importante déforestation due à la production agricole, et le seront probablement encore plus à l'avenir en raison de l'augmentation de la demande de chocolat.
- La production, le transport et la consommation du chocolat jouent également un rôle sur l'environnement, qui est relativement peu étudié. Mais les chercheurs, tant internes qu’externes à l'industrie, s'efforcent de mieux suivre la déforestation liée au chocolat et de rendre le traitement, le transport et l'emballage plus écologiques.
Le chocolat est une gourmandise appréciée dans le monde entier. Mais que savons-nous de l’impact environnemental de notre péché mignon ?
Une étude récente, publiée dans la revue Science Advances, met en lumière les ingrédients principaux qui entrent dans la composition de nombreux produits chocolatés. Ces derniers ne sont pas souvent tracés et peuvent être liés à la déforestation en Amérique latine, en Afrique et en Asie.
L’étude a révélé que d’importantes quantités de cacao, d’huile de palme et de soja, des ingrédients essentiels utilisés en vrac pour fabriquer certains de nos chocolats préférés, sont actuellement commercialisées avec peu ou pas de traçabilité via des chaînes d’approvisionnement indirect.
L’étude, menée par Erasmus zu Ermgassen de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et TRASE, une organisation de transparence fondée sur des données, a révélé que les commerçants qui achètent ces produits par le biais d’intermédiaires représentent « 12 à 42 % de l’approvisionnement en soja, 15 à 90 % de l’approvisionnement en huile de palme … et 100 % de l’approvisionnement en cacao ». Le recours à ces intermédiaires permet de facilement dissimuler les sources de ces produits de base, nuisibles à l’environnement et responsables de la déforestation.
Tous ces ingrédients sont utilisés pour fabriquer des produits chocolatés. Le cacao, bien sûr, est l’élément essentiel de tout produit chocolaté. Bien que des alternatives à l’huile de palme soient de plus en plus utilisées par certaines entreprises, elle est toujours présente dans un grand nombre de produits pour ajouter une texture lisse. Le soja, quant à lui, est utilisé sous forme de dérivé, la lécithine de soja, pour faciliter le processus de moulage.
Le défi de la comptabilisation du cacao
Le chocolat représente un marché important. L’année dernière, le marché mondial de la chocolaterie a été évalué à 91,1 milliards de dollars et devrait atteindre 106,34 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. En 2018/19, la consommation mondiale était d’environ 7,7 millions de tonnes de chocolat. L’Europe reste une plaque tournante essentielle pour la production et la consommation de chocolat (en 2019, 3,7 millions de tonnes de chocolat y ont été fabriquées).
Ces dernières années, les principaux fabricants de chocolat, en réponse aux préoccupations mondiales, se sont engagés à éradiquer la déforestation liée à la production du chocolat et à s’attaquer aux problèmes sociaux tels que le travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Actuellement, la pression augmente car l’Union européenne a publié un projet de règlement qui vise à interdire l’importation de produits associés à la déforestation.
Zu Ermgassen et son équipe ont étudié les trois ingrédients couramment présents dans le chocolat : le cacao, l’huile de palme et le soja. Toutes trois réunies, ces cultures figurent parmi les principaux facteurs de déforestation liée à l’agriculture dans le monde.
L’étude de Zu Ermgassen indique que les quantités certainement importantes de ces ingrédients entrant dans les chaînes d’approvisionnement par le biais de l’approvisionnement indirect constituent un « angle mort » important dans les programmes de durabilité. Ces cultures peuvent s’accompagner d’un risque de déforestation plus élevé et non identifié.
En Afrique de l’Ouest, par exemple, les cacaoyers sont cultivés par des milliers de petits agriculteurs qui vendent généralement leur production à des coopératives ou à des commerçants locaux. Dans une interview à Mongabay, Zu Ermgassen a déclaré que « la déforestation est probablement liée à la fois aux chaînes d’approvisionnement direct de l’entreprise et à la chaîne d’approvisionnement indirect. En effet, même dans leurs chaînes d’approvisionnement direct, la traçabilité est encore très difficile… Mais l’approvisionnement indirect est évidemment beaucoup moins transparent, il est donc encore plus difficile de surveiller [et] d’évaluer les risques de durabilité ».
Soja et huile de palme : important risque de déforestation, faible traçabilité
La majeure partie de la production mondiale de soja est effectuée en Amérique du Sud, notamment au Brésil où elle est considérée comme un facteur indirect de déforestation. En 2006, un accord volontaire a été conclu entre de grandes entreprises de produits de base, des défenseurs de l’environnement et le gouvernement brésilien, qui a mis en place un moratoire en vigueur depuis 2008 interdisant l’achat de soja lié à la déforestation. Cette interdiction s’est avérée efficace dans le ralentissement de la conversion directe des forêts.
Mais depuis 2017, la déforestation est en hausse en Amazonie brésilienne et a explosé en 2021 pour atteindre son taux le plus élevé depuis 2008, année d’entrée en vigueur du moratoire. La disparition des forêts sévit également dans la forêt sèche tropicale et subtropicale du Chaco (situé en Argentine, au Paraguay, en Bolivie et au Brésil), qui est moins connue et où le soja est roi.
Certains se demandent si le succès du moratoire sur le soja en Amazonie n’a pas été surestimé, car si les producteurs de soja ne sont pas directement liés à la déforestation, ils étendent généralement leurs plantations sur des terres achetées à des éleveurs de bétail, qui eux sont les principaux responsables de la déforestation en Amazonie brésilienne. Un rapport publié en 2022 a utilisé des données satellitaires pour confirmer que la déforestation est en hausse dans l’État du Mato Grosso, dans le sud-est de l’Amazonie brésilienne, en grande partie à cause de la production industrielle de soja.
Ces dernières années, les taux de déforestation liée au secteur agro-industriel de l’huile de palme ont diminué. En 2012, ils avaient atteint un pic extrême de 314 937 hectares (778 226 acres). Un rapport publié plus tôt cette année a révélé que la perte des forêts liée à l’huile de palme en Indonésie et en Malaisie (les deux plus grands producteurs d’huile de palme au monde), ainsi qu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée, était tombée à son plus bas niveau depuis quatre ans.
« Ce que nous avons constaté, du moins dans le secteur de l’huile de palme, c’est que la déforestation à plus grande échelle se produit principalement dans… les grandes concessions », a déclaré Janina Grabs, professeure adjointe au département de la société, de la politique et de la durabilité de l’école de commerce ESADE à Barcelone. Mais même dans les grandes concessions, « nous observons des signes indiquant que les entreprises modifient leurs plans et leurs stratégies en réponse à la pression exercée par leur chaîne d’approvisionnement ».
« En ce qui concerne les petites exploitations, on note une légère différence dans l’industrie de l’huile de palme, et je dirais que cela vaut également pour le cacao », poursuit Grabs. « Il y a beaucoup plus de problèmes [avec les petits exploitants] ne serait-ce que pour tracer les chaînes d’approvisionnement, ce qui est la première étape pour garantir réellement un approvisionnement sans déforestation ».
Les risques liés à l’approvisionnement indirect continuent de compromettre les objectifs nationaux visant la « zéro déforestation » dans les pays producteurs, car les entreprises ne peuvent pas retracer l’origine de leurs marchandises.
Développer la production de cacao en Afrique
Le chocolat n’existe pas sans cacao. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire et le Ghana sont les principaux producteurs dans le monde et ils représentent environ 60 % de l’offre mondiale. Mais cela risque de changer dans les années à venir en raison du changement climatique et de l’épuisement des terres cultivées.
Les plantations de cacao ont déjà englouti de vastes étendues de forêts dans ces deux pays africains. Selon l’ONG Mighty Earth, le Ghana a perdu environ 65 % de ses forêts et la Côte d’Ivoire plus de 90 % au cours des trente dernières années, en grande partie à cause du cacao. Selon la Banque mondiale, il ne reste qu’environ 9 % de couvert forestier de la Côte d’Ivoire, contre 20 % en 1995. La World Cocoa Foundation, un groupe industriel*, affirme que seulement 25 % et 8 % de la forêt primaire a disparu en Côte d’Ivoire et au Ghana respectivement entre 2002 et 2019. Ils affirment qu’une « partie importante » de cette perte de forêts est liée à l’expansion des exploitations de cacao.
« L’une des principales raisons invoquées pour expliquer des taux de dégradation aussi élevés est la transformation de zones forestières (y compris les zones protégées) en plantations de cacao, qui représentent 38 % des facteurs directs de déforestation », a expliqué à Mongabay Kerry Daroci, responsable du secteur du cacao à Rainforest Alliance.
Le rapport de Mighty Earth publié en début d’année indique que la déforestation se poursuit à un rythme effréné dans ces États africains producteurs de cacao, avec 19 421 hectares (47 990 acres) de forêt perdus en Côte d’Ivoire et 39 497 hectares (97 599 acres) au Ghana depuis 2019.
Toute cette déforestation n’est pas uniquement provoquée par le cacao, précise Samuel Mawutor, conseiller principal de Mighty Earth. Mais les faibles rendements et les prix bas du cacao (qui incitent les agriculteurs à vouloir cultiver davantage), ainsi que l’utilisation excessive des anciennes terres agricoles, contribuent à l’expansion des cultures de cacao dans les zones forestières, explique-t-il. « Les agriculteurs sont poussés à agrandir leurs exploitations pour pouvoir tirer un meilleur profit de la production de cacao ».
Ethan Budiansky, directeur principal en charge de l’environnement à la World Cocoa Foundation, conteste ces chiffres. « [A]u sein de la WCF, en collaboration avec d’autres experts techniques et les gouvernements, nous présentons de meilleures données et analyses que le rapport de Mighty Earth ».
Malgré des données contradictoires, les experts s’accordent à dire que la chaîne d’approvisionnement indirect en cacao est certainement l’endroit où la majeure partie de la déforestation a lieu, mettant particulièrement en danger les zones protégées. Une étude réalisée en 2021 a estimé qu’environ 20 % des exploitations de cacao du Ghana et de la Côte d’Ivoire se trouvent dans des zones protégées. Le Conseil du Café-Cacao de Côte d’Ivoire, un organisme de réglementation, estime que 15 % des exploitations de cacao du pays se trouvent dans des zones protégées.
Selon Mawutor, « le cacao provenant de tous ces endroits se retrouve encore dans la chaîne d’approvisionnement. Il n’y a aucun moyen de le faire disparaître ».
La déforestation étant déjà très importante en raison de la culture du cacao, le changement climatique pourrait encore accélérer l’expansion des plantations existantes. En fait, les producteurs en ressentent déjà les effets, explique Mawutor. En effet, les températures caniculaires menacent les cacaoyers et obligent les agriculteurs à cultiver davantage ailleurs.
Les prévisions annoncent que, dans un avenir proche, les zones propices à la culture du cacao dans les deux principaux pays producteurs pourraient se voir réduites. En effet, les pays du bassin du Congo sont susceptibles de devenir les prochaines zones de culture privilégiées, ce qui pourrait entraîner le déplacement d’autres types d’exploitations et la déforestation de zones biologiquement sensibles.
« On dit qu’il ne reste plus grand-chose à déboiser en Côte d’Ivoire et au Ghana, mais cela ne veut pas dire que ça n’arrivera pas ailleurs », fait remarquer Marieke Sassen, chercheuse principale en informatique de la Terre et en systèmes de production végétale à l’université de Wageningen, aux Pays-Bas. Elle a dirigé l’étude de 2022 indiquant que des zones écologiquement importantes d’Afrique de l’Ouest pourraient être privilégiées pour la production de cacao à mesure que le changement climatique progresse.
Elle explique qu’ « il y a un risque que la déforestation liée au cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana s’étende à des pays encore boisés, notamment le Liberia, le Cameroun et d’autres pays du bassin du Congo qui cherchent à développer leur secteur du cacao ».
L’industrie est bien consciente du problème que représente cette expansion, a déclaré Budiansky. « La vérité est que les affaires ne se déroulent pas comme d’habitude … Changement climatique ou non, le vrai risque est que la culture de cacao pourrait s’étendre à de nouvelles zones » a-t-il déclaré.
« C’est dans des régions telles que le bassin du Congo en particulier que nous voulons être plus proactifs en veillant à ce que les forêts soient protégées avant tout », a-t-il déclaré. De cette façon, « toute nouvelle production de cacao se fait de manière intelligente ».
Dans un rapport publié par Mongabay en février, des chercheurs ont signalé que l’expansion des exploitations de cacao en République démocratique du Congo contribue déjà à la déforestation.
L’avenir du cacao : traçage des chaînes d’approvisionnement, meilleure transparence
« La traçabilité est une étape majeure vers la conformité et la « zéro déforestation » dans la chaîne d’approvisionnement direct », a déclaré Budiansky de la WCF. Selon la Cocoa and Forests Initiative, un collectif de gouvernements et d’entreprises privées, 82 % et 74 % du cacao provenant des chaînes d’approvisionnement direct des entreprises en Côte d’Ivoire et au Ghana, respectivement, sont actuellement traçables. En pratique, cependant, on estime qu’environ la moitié seulement du cacao provenant de ces deux pays est d’origine directe, l’autre moitié étant d’origine indirecte car les fèves sont achetées par l’intermédiaire de commerçants ou de coopératives locales, et la traçabilité reste donc un défi considérable.
Pour faire face au problème de l’approvisionnement indirect, Budiansky évoque les nouveaux systèmes nationaux de traçabilité mis au point par les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana. « La mise en place d’un système national de traçabilité dans ces deux pays permet de ramener [le suivi] a un seul système [et de concentrer] ce niveau de traçabilité jusqu’à l’exploitation ».
Zu Ermgassen a déclaré que de tels systèmes sont une « évolution bienvenue ». Mais il est important qu’ils soient transparents. C’est une question de motivation. Actuellement, une grande quantité du cacao n’est pas conforme. Si les systèmes de traçabilité représentent une boîte noire [impénétrable], alors le gouvernement et les entreprises seront peu incités à se diriger vers la commercialisation du cacao non conforme.”
D’autres solutions à la déforestation au sein de la chaîne d’approvisionnement direct se concentrent sur l’offre de programmes d’assistance aux agriculteurs afin d’améliorer les moyens de subsistance et d’augmenter les revenus, ainsi que sur les systèmes de surveillance par satellite pour mesurer les changements du couvert forestier. Des mesures similaires ont été mises en place pour lutter contre la déforestation dans les plantations de palmiers à huile.
« Grâce aux technologies telles que l’imagerie satellitaire du couvert forestier et les données de géolocalisation, les risques de déforestation sont plus facilement identifiés et peuvent être maîtrisés », a déclaré Daroci de Rainforest Alliance.
L’agroforesterie figure également en bonne place dans le programme de développement durable. Les entreprises chocolatières ont distribué des millions de nouveaux cacaoyers dans le but de reboiser les exploitations, en abandonnant la méthode de culture en plein soleil utilisée depuis de nombreuses années.
La culture du cacao à l’ombre partielle ou totale offre une meilleure durabilité en réduisant les besoins en engrais et en pesticides, et « améliore idéalement la productivité », a déclaré Budiansky. Elle permet également « d’augmenter la durée de vie de la cacaoyère, avant qu’elle ne doive être réhabilitée et, idéalement, de permettre à l’agriculteur de rester sur ce terrain au lieu de devoir s’étendre à d’autres zones ».
Des questions subsistent toutefois quant à la la productivité réelle des exploitations de cacao cultivées dans le cadre de systèmes agroforestiers. « Les systèmes agroforestiers, s’ils sont bien gérés, sont des systèmes très durables », explique Laura Armengot, scientifique principale à l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) en Suisse.
Mais des rendements agroforestiers plus faibles peuvent inciter les agriculteurs à défricher davantage de terres pour compenser les déficits en production, a-t-elle poursuivi. « Pour résoudre ce problème, il est essentiel d’augmenter la productivité du cacao dans les systèmes agroforestiers » via l’utilisation de « matériel de plantation de cacao à haut rendement et peu sensible aux maladies ».
Les experts s’accordent à dire que l’agroforesterie marque un changement essentiel pour les producteurs de cacao, si l’industrie a pour but de réduire ses impacts environnementaux, de renforcer sa résilience climatique et d’augmenter la biodiversité. Mais même si ce changement se produit à grande échelle, l’agroforesterie ne suffira pas à mettre fin à la déforestation qui frappe le secteur.
« Ce qui stoppe la déforestation, c’est la mise en œuvre ou l’application de lois sur la protection des forêts et/ou l’incitation des gens à cesser l’expansion en soutenant l’augmentation de la productivité agricole, mais aussi, par exemple, en payant pour des services environnementaux », a déclaré Sassen.
Calculer le coût environnemental du cycle de vie du chocolat
La déforestation n’est pas l’unique dommage causé par le chocolat. Les chercheurs analysent l’ensemble du cycle de vie du chocolat, de la production à l’emballage, en passant par le transport. Cette approche, connue sous le nom d’analyse du cycle de vie ou ACV, permet d’identifier les points sensibles pour l’environnement tout au long de la chaîne.
En 2018, les chercheurs ont estimé qu’au Royaume-Uni, l’industrie du chocolat émettait environ 2,1 millions de tonnes d’équivalent de CO2 par an pour satisfaire la demande des consommateurs. Les principales étapes à risque étaient les matières premières, la production de chocolat et l’emballage.
Ils ont découvert que le cacao, le soja et l’huile de palme ne sont pas les seuls ingrédients à avoir un impact. D’autres, tels que le lait en poudre et le sucre, entrainent également des conséquences, a déclaré Adisa Azapagic, du département d’ingénierie chimique de l’université de Manchester, qui a dirigé les recherches.
David Pérez-Neira, professeur à l’université de León, en Espagne, accuse le transport par camion et fourgonnette « à faible économie d’énergie” d’être une « étape importante contribuant aux impacts environnementaux [du chocolat] ». Le cacao importé en Europe, par exemple, est souvent transformé puis réexporté sous diverses formes, ce qui allonge le long parcours mondial depuis la terre cultivée jusqu’au consommateur et augmente la charge environnementale générale.
Les recherches menées par Pérez-Neira et Armengot du FiBL ont révélé que les bienfaits environnementaux de la culture du cacao biologique, notamment la réduction des émissions, des engrais et de la consommation d’énergie, peuvent dans certains cas être annulés par les longues distances de transport et les réexportations.
« L’étude se concentre sur l’Équateur [comme source], mais il s’agit uniquement d’un exemple, et nous aurions obtenu les mêmes résultats avec des données provenant d’autres endroits », a précisé Armengot. « Avec cette étude, nous voulions faire comprendre que pour consommer du chocolat durable, il faut être « bio », mais ce n’est peut-être pas suffisant ».
L’emballage a sa part de responsabilité. En moyenne, on estime que chaque kilo de chocolat produit entraîne l’émission d’environ 3,8 kilos de CO2. Dans une étude publiée en début d’année, des chercheurs ont découvert que les emballages de chocolat représentent généralement environ 10 % de ces émissions, mais qu’on peut atteindre jusqu’à près de 30 % selon les matériaux utilisés.
On ne parle ici que des effets du changement climatique, a souligné la responsable de l’étude, Victoria Krauter, experte en emballage et en durabilité à l’Université des sciences appliquées de Vienne. D’autres impacts, tels que l’eutrophisation, pourraient venir compléter cette analyse.
Selon les chercheurs, une analyse approfondie du cycle de vie est essentielle pour identifier et mettre en œuvre les « gains d’efficacité » potentiels. L’agroforesterie et les systèmes biologiques peuvent réduire l’empreinte de la production de chocolat, tout comme le traitement du chocolat avant son importation, ainsi que des transports plus efficaces et une meilleure électrification des véhicules, a déclaré Pérez-Neira.
« Toutes ces mesures d’efficacité amélioreront la durabilité, mais parallèlement, nous avons besoin d’un changement du modèle agroalimentaire », a conclu Armengot. « Le système alimentaire mondialisé devrait représenter l’exception et non la norme dans nos assiettes ».
Même après que le chocolat a été mélangé, moulé, emballé, conditionné, expédié et vendu, son parcours environnemental n’est pas terminé. La caféine permet de rendre certaines créations chocolatées si merveilleuses, en chatouillant nos papilles gustatives et en activant les centres du plaisir de notre cerveau. Mais une fois hors de notre corps, la caféine peut finir dans les cours d’eau et les estuaires via les eaux usées, d’où elle n’est que partiellement éliminée.
Selon une étude mondiale récente, la caféine est considérée comme un « nouveau contaminant dangereux », présent dans les masses d’eau du monde entier. Notre dose de chocolat, ainsi que nos habitudes de plus en plus marquées en matière de café et de boissons caféinées, augmentent les effets de cette charge toxique de manière généralement non analysée, avec des répercussions sur les espèces et les écosystèmes aquatiques. La solution pour lutter contre la pollution par la caféine reste floue.
Ce qui est évident, c’est que le chocolat ne se contente pas de nous faire sourire et de réduire notre tour de taille, il a un impact sur le monde dans lequel nous vivons.
Image de bannière : Un agriculteur coupe les cabosses de cacao d’un arbre en Colombie. Image de Thomas Cristofoletti/USAID via Flickr (CC BY-NC 2.0).
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Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/08/delectable-but-destructive-tracing-chocolates-environmental-life-cycle/