- Lorsqu’il est question de la gestion de l’eau douce pour ses diverses utilisations, les barrages sont parmi les outils les plus anciens et privilégiés. Cette pratique a atteint son apogée au niveau international dans les années 1960 et 1970. Ces dernières années toutefois, la construction de barrages a fait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses autour du globe, le prix environnemental élevé payé pour leurs avantages s’accumulant.
- Le débit de la plupart des grands cours d’eau a été affecté par des barrages partout dans le monde. Seulement 37 % des cours d’eau de plus de 1 000 kilomètres de long ont un flux ininterrompu, et seuls 23 % s’écoulent librement jusqu’à la mer. Si tous les ouvrages hydroélectriques prévus et en cours voient le jour, les débits naturels seront modifiés pour 93 % du volume fluvial de la planète d’ici à 2030.
- Cette fragmentation globale des rivières entraîne déjà des conséquences. Les barrages ont notamment contribué à un déclin moyen de 84 % des populations d’animaux fluviatiles depuis 1970. Plus d’un quart des flux de sédiments de la terre à l’océan est piégé derrière un barrage. Ces derniers ont également des répercussions complexes sur le climat en raison des modifications apportées au cycle du carbone.
- D’un autre côté, les barrages sont nécessaires à la production d’énergie, au stockage de l’eau pour l’agriculture et la consommation humaine et sont un élément central de notre futur. Nous disposons déjà d’enseignements sur la manière d’équilibrer leurs avantages et les dommages qu’ils causent à l’environnement : supprimer certains barrages existants, par exemple, et ne pas en construire d’autres.
Stephen Midzi, responsable de la conservation de la biodiversité de l’iconique parc national Kruger, en Afrique du Sud, tient à préciser qu’il n’est pas un « militant antibarrage ».
« Ne vous méprenez pas, mais je pense tout de même que c’est une bonne chose de permettre aux rivières d’être ce qu’elles devraient être », dit-il. S. Midzi défend l’idée qu’une rivière dont le flot est ininterrompu offre une connectivité écologique sans entraves à la biodiversité terrestre et aquatique.
Le parc, qui est l’une des plus vastes aires protégées d’Afrique, n’a cependant pas été géré de cette manière, et ce depuis 1911. Au fil des décennies, les directeurs ont bricolé les cours d’eau et les aquifères de la réserve afin d’améliorer ce que la nature avait toujours fait et d’assurer aux animaux un approvisionnement en eau abondant.
C’est ainsi que 97 barrages et seuils en béton ou en terre ont été construits et des captages percés. Mais cet approvisionnement en eau, étroitement espacé et uniformément réparti, n’a pas donné naissance à un Éden africain. À la place, il a causé du surpâturage, la dégradation du veld et de l’érosion.
Les bassins et les réservoirs des barrages se sont envasés et ont accumulé les excréments d’hippopotames. Ces deux facteurs ont permis à des cyanobactéries de proliférer, rendant l’eau toxique pour les animaux qui la consommaient. Les espèces qui privilégient un habitat proche des points d’eau, comme le zèbre et le gnou, ont prospéré. Celles qui au contraire préfèrent les zones plus sèches, éloignées de l’eau où les prédateurs, la compétition et le piétinement sont moindres, telles que l’antilope rouanne et l’hippotrague noir, pataugeaient.
Ces vingt dernières années, l’humain et la nature ont travaillé à défaire les barrages : au parc Kruger, 42 barrages ont été rompus par des inondations ou démolis mécaniquement.
Désormais, « restaurer la connectivité des rivières est d’importance critique », affirme Eddie Riddell, responsable de la biodiversité aquatique du parc. Ce revirement de politique va dans le sens d’une critique mondiale croissante de l’un des plus anciens outils de l’humanité pour garantir l’approvisionnement en eau.
Au fil des siècles, les barrages (dont les projets massifs largement financés et soutenus par les gouvernements) ont été utilisés pour gérer les inondations et fournir de l’eau pour la consommation, l’agriculture, l’industrie et la production d’électricité. Toutefois, comme le parc Kruger l’a appris, ces avantages ont un coût.
Alors que le nombre et la taille des barrages construits autour du monde ont explosé au XXe et au XXIe siècle, les coûts écologiques, sociaux et économiques se sont répercutés bien au-delà des environs des sites, avec des ramifications régionales, voire mondiales.
Les efforts déployés à grande échelle par l’humanité pour construire des barrages sur les rivières du monde ont été décrits comme la plus grande altération anthropique du cycle de l’eau douce. Les barrages nous rapprochent aujourd’hui du franchissement de plusieurs limites planétaires critiques, avec des effets néfastes sur la biodiversité, le climat, l’usage des sols et la consommation d’eau douce. Ces structures, combinées aux nombreuses autres pressions exercées par l’Homme sur la nature, contribuent à déséquilibrer les systèmes de fonctionnement essentiels de la planète. Nous pourrions donc mettre en danger notre civilisation, notre espèce, voire la vie sur Terre telle que nous la connaissons.
Notre obsession des barrages
La construction de grands barrages (capables de stocker plus de 1 000 millions de mètres cubes d’eau) a culminé dans les années 1960, et le volume cumulé d’eau retenue a atteint son apogée dix ans plus tard. La moitié des grands barrages de la planète ont été bâtis pour l’agriculture et ont permis d’alimenter 30 à 40 % des 2,71 millions de kilomètres carrés de cultures et de pâturages du monde.
On estime qu’il existe près de 60 000 grands barrages, qui accumulent environ un sixième du débit annuel total des fleuves du globe. En outre, il y a au moins 16 millions de petits barrages et réservoirs dont la surface est supérieure à 100 m², pour un total d’à peu près 306 000 km², augmentant la surface terrestre d’eau douce de plus de 7 %.
L’Afrique du Sud est un très bon exemple des bénéfices de la construction de barrages. Le pays enregistre des niveaux de précipitations annuels faibles (seulement 55 % de la moyenne mondiale) et des températures et taux d’évaporation élevés. Ainsi, à peine 9 % des précipitations arrivent jusqu’aux rivières, qui sont la seule source d’eau douce à grande échelle. Sans surprise, la Nation a décidé de se reposer sur les barrages pour retenir l’eau et révéler son potentiel de développement.
Aujourd’hui, on estime qu’avec 500 grands barrages, il est possible de stocker des millions de litres d’eau, permettant l’existence d’activités qui seraient autrement peu envisageables en climat semi-aride. Les grands barrages sont capables de contenir près de 50 % de l’écoulement annuel moyen, assurant l’approvisionnement tout au long de l’année. Les grandes villes telles que Durban, Johannesburg ou Le Cap dépendent toutes des barrages pour leur eau. En 2021, Le Cap a par exemple fait face aux conséquences du réchauffement climatique. Cette année-là, la sécheresse a en effet amené la région au bord du Jour Zéro obligeant à une réévaluation plus que nécessaire du système de ravitaillement afin de devenir un modèle de conservation de l’eau pour le monde entier.
Notre biodiversité aquatique est en voie de disparition
La construction de grands barrages et de réservoirs à travers le monde a ralenti depuis les années 1960 et 1970, mais les rivières les plus larges et les fleuves en sont maintenant la cible. De nos jours, seulement 37 % des cours d’eau de plus de 1 000 km de long ont un début ininterrompu et seuls 23 % s’écoulent librement jusqu’à la mer. Si l’on considère tous les barrages hydroélectriques prévus ou en construction, alors les flux hydrologiques naturels de 93 % du volume fluvial mondial seront modifiés d’ici 2030.
En outre, ces barrages seront accompagnés d’une perte de biodiversité aquatique massive. « L’un des impacts majeurs de la fragmentation des rivières [par les barrages] est le déclin des espèces aquatiques d’eau douce », explique Michele Thieme, responsable scientifique de la conservation des espèces d’eau douce au WWF.
En effet, ces espèces sont en chute rapide partout dans le monde. Dans son « Rapport Planète vivante 2020 », WWF a suivi 3 741 populations fluviatiles (soit 944 espèces de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons), et observé une diminution moyenne de 84 % du nombre d’individus depuis 1970. Les amphibiens, reptiles et poissons dulcicoles sont les plus touchés, avec près d’un tiers des espèces de poissons menacés d’extinction et 80 déjà disparus.
Les reproches ne manquent pas : les systèmes fluviaux sont la base de nos civilisations, à proximité desquels nous construisons des villes, des routes, des industries et cultivons notre nourriture. « Il y a plusieurs niveaux d’impacts interactifs sur les systèmes d’eau douce qui rendent difficile l’identification d’une seule et unique [cause] », affirme M. Thieme. La modification des habitats, l’introduction d’espèces envahissantes, la surpêche, la pollution, de mauvaises pratiques de foresterie, les maladies et le réchauffement climatique ont tous leur rôle à jouer. Toutefois, ajoute-t-elle, l’impact des barrages sur les cours d’eau et la perte de connectivité écologique qui s’ensuit sont un facteur majeur bien connu.
Les barrages diminuent la connectivité des cours d’eau
Les barrages bloquent directement la migration de certaines espèces aquatiques, dont les poissons, les séparant de leur lieu de reproduction, ce qui, en conséquence, réduit la taille des populations. Les effectifs de poissons migrateurs, dont l’esturgeon, le saumon, l’alose hilsa ou le brachyplatystoma de Rousseaux (un poisson-chat d’Amérique du Sud), ont chuté de 76 % depuis 1970. Au Brésil, différents facteurs parmi lesquels les barrages menacent les poissons-chats géants de l’Amazone. En Asie, dans le Mékong, moins de 100 dauphins de l’Irrawaddy pourraient subsister en raison des barrages proposés.
Des poissons iconiques tels que le bélouga ou le poisson-chat géant du Mékong sont également en danger. Sans compter que le spatulaire chinois, un poisson prédateur d’eau douce, a été officiellement déclaré éteint en 2020. La même année, un article rédigé par des chercheurs chinois concluait que la disparition de ce « panda du Yangtsé » après 200 millions d’années d’existence avait été causée par la surpêche et la perturbation des trajets migratoires par les barrages.
Les personnes, elles aussi, paient le prix de la perte de connectivité. La pêche d’alose hilsa représentait auparavant la majeure partie des prises dans le Gange inférieur, en Inde, où le poisson est la source principale de protéines pour beaucoup d’individus. Depuis les années 1970, à la suite de l’édification du barrage de Farakka, qui a plus que probablement empêché les poissons d’atteindre leurs aires de reproduction, les prises se sont effondrées de 94 %. En amont du barrage, le volume annuel des prises a dégringolé, passant de 19 à une tonne métrique après la construction.
Au-delà de la barrière physique qu’ils représentent, les barrages sont à l’origine d’importants changements dans les écosystèmes et les formes de vie qui en dépendent. En aval, la température de l’eau fluctue en fonction du débit d’eau relâché, perturbant ainsi les variations naturelles du cycle hydrologique.
Les sites en aval, notamment les lacs et les estuaires, sont également touchés par la réduction du flux de phosphore, d’azote et de silicium piégé derrière les barrages. Les nutriments azotés et phosphorés retenus dans les réservoirs stagnants peuvent provoquer la prolifération d’algues, l’eutrophisation et la mort massive de poissons.
Barrages et perturbation du flux sédimentaire
Selon M. Thieme, l’autre dommage important causé par les barrages auquel le monde se doit de prêter attention est l’interruption des flux sédimentaires. « Les effets en cascade de ce phénomène ne sont pas toujours pris en compte, mais ils ont des implications réelles à l’échelle mondiale. »
D’après certaines estimations, 25 à 30 % des flux d’alluvions de la terre à l’océan sont piégés par un barrage. Bien que la science derrière ces chiffres soit complexe, il est facile de comprendre les impacts d’une circulation réduite des sédiments sur la subsistance des personnes qui vivent aujourd’hui dans les deltas. À savoir qu’un delta est une formation géologique créée par les dépôts de sédiments charriés par le courant d’un cours d’eau à l’endroit où celui-ci se jette dans un estuaire ou un océan.
Si d’anciennes civilisations comme les Égyptiens ou les Sumériens ont prospéré dans ces environnements riches des milliers d’années durant, une récente étude a conclu que, de nos jours, ce n’était plus le cas. En effet, au moins 25 millions de personnes vivent dans des deltas privés de sédiments, qui sont retenus par les barrages en amont. En conséquence, de vastes étendues de terres fertiles s’affaissent, s’érodent et sont plus vulnérables aux inondations et à l’élévation du niveau de la mer.
Le delta du Mékong au Vietnam est un très bon exemple. Troisième plus grand delta du monde, il présente une biodiversité riche, accueille près de 20 millions de personnes et est un pilier de la sécurité alimentaire d’Asie du Sud. De grands barrages ont déjà été construits sur le Mékong et d’autres sont prévus.
Le flux de sédiments atteignant le delta sera réduit d’environ 97 % d’ici 2040, avec des dégâts majeurs attendus sur la productivité et la géomorphologie du fleuve, ainsi que sur la persistance du delta en lui-même. Bien que l’extraction de sable y contribue, la majeure partie de la perte de sédiments du Mékong est attribuée aux barrages.
Les rivières qui s’écoulent librement transportent le carbone sous forme de matière organique et de sédiments depuis les hautes terres jusqu’à la mer, en passant par les bassins versants, déplaçant jusqu’à 200 millions de tonnes métriques chaque année. Mais les perturbations provoquées par les barrages pourraient réduire l’exportation de carbone organique vers les océans d’environ 19 % d’ici à 2030, ce qui pourrait entraîner des répercussions majeures sur les écosystèmes marins et d’eau douce.
Barrages, déforestation et changement climatique
La construction de nouveaux barrages hydroélectriques, de routes d’accès et de réseaux de transmission dans des zones reculées peut causer une déforestation initiale non négligeable. Mais ce n’est qu’un début : l’hydroélectricité peu chère et financée par le gouvernement attire les industries à forte consommation d’énergie et écologiquement destructrices telles que l’exploitation de bauxite, la fonte d’aluminium ou l’extraction industrielle d’or. Cette expansion généralisée de l’infrastructure industrielle, souvent déclenchée par des barrages, a de graves répercussions sur les écosystèmes et les espèces. Ce phénomène est notamment exacerbé dans les pays en développement où les réglementations environnementales sont faibles.
En Amazonie brésilienne, chaque kilomètre de route construit légalement à travers les aires sauvages est typiquement accompagné de 3 km de routes illégales. On observe alors une fragmentation accrue de la forêt. Les braconniers, les bûcherons illégaux et les colons obtiennent un meilleur accès, le trafic augmente et avec lui le nombre d’animaux percutés par des véhicules. Les barrages et les routes qui les accompagnent diminuent donc considérablement la diversité.
Bien qu’ils soient communément présentés par les gouvernements, les entreprises de construction, les grandes banques et les sociétés d’investissement internationales comme une source d’énergie verte, les barrages hydroélectriques situés dans les régions tropicales peuvent accentuer fortement le changement climatique.
Les centrales hydroélectriques tropicales et leurs réservoirs peuvent émettre deux à trois fois plus de gaz à effet de serre que les centrales au gaz naturel, au pétrole ou au charbon, en raison de la déforestation et des puissantes émissions de méthane.
En effet, la décomposition rapide et continue de la végétation immergée dans la chaleur équatoriale transforme lesdits réservoirs en d’importants émetteurs de méthane, un gaz à effet de serre bien plus redoutable que le CO2. Malgré ce fait scientifique, les Nations unies considèrent toujours les barrages comme une source d’énergie propre. Ainsi, les émissions causées par les réservoirs ou le défrichage ne sont pas comptabilisées dans les totaux nationaux de gaz à effet de serre, et des crédits carbone sont octroyés pour l’édification de nouveaux barrage.
Barrages, cycle du carbone et changement climatique : nous avons beaucoup à apprendre
Ces dernières années, les chercheurs ont commencé à revisiter les hypothèses du passé concernant les barrages, concluant qu’ils ont un impact complexe sur le climat, car ils modifient le cycle du carbone et les échanges de gaz à effet de serre.
« L’opinion générale était que [les barrages] stockent plus de carbone qu’ils n’en émettent », explique Matthias Koschorreck, biologiste au département de recherche sur les lacs du Centre Helmholtz pour la recherche environnementale, en Allemagne. M. Koschorreck faisait partie d’une équipe de chercheurs qui a récemment publié un article remettant en cause le statut écologique des barrages. Ils ont étudié l’influence des zones de rabattement (c’est-à-dire les bords des réservoirs exposés à l’air où des dépôts apparaissent en cas de baisse du niveau de l’eau) qui s’étendent tout autour du plan d’eau.
« Notre étude montre que les émissions de carbone des barrages sont beaucoup plus élevées qu’on ne le pensait auparavant », explique M. Koschorreck. « À l’échelle mondiale, les réservoirs émettent plus de carbone dans l’atmosphère qu’ils n’en enfouissent dans les sédiments. » Si l’on ajoute les zones de rabattement dans l’équation des émissions, les barrages libèrent en moyenne deux fois plus de carbone au niveau mondial qu’ils n’en stockent.
Mais c’est là que la science se complique et s’embrouille : d’un autre côté, dit M. Koschorreck, les zones de rabattement semblent également émettre moins de méthane. « Si le niveau de l’eau baisse dans les réservoirs et que nous avons ces zones sèches, nous augmentons les émissions de CO2 de tout le système, mais nous réduisons celles de méthane provenant de la surface de l’eau. »
Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour déterminer comment ces émissions (ou leur absence) se répartissent, en tenant compte d’une multitude de facteurs, tels que le climat tropical ou tempéré, les types de végétations concernés, etc.
Pouvons-nous vivre avec les barrages ?
À l’avenir, la relation de l’humanité aux barrages demeurera probablement inconfortable et ambivalente.
« Nous ne sommes pas une organisation antibarrage : nous reconnaissons leur valeur et les avantages qu’ils apportent à la société », affirme M. Thieme. « Je pense que la vision holistique à long terme permettra une meilleure résilience des systèmes [d’eau douce] face au changement climatique. En pratique, certaines parties de nos rivières “travailleront” tandis que le reste continuera de s’écouler librement. Ce serait la situation idéale en ce que nous avons besoin d’utiliser l’eau de manière durable si nous voulons survivre et prospérer. »
En d’autres termes, nous devons apprendre à vivre avec quelques barrages tout en équilibrant scientifiquement leurs avantages et leurs inconvénients.
Le projet de restauration du fleuve Penobscot est un exemple de tentative d’établir un tel équilibre. Cet effort pour revitaliser le deuxième plus grand réseau fluvial de la Nouvelle-Angleterre a entraîné la suppression de deux barrages et la construction d’un canal de dérivation semblable à un cours d’eau autour d’un troisième. Pour compenser les suppressions, la production d’hydroélectricité a été augmentée dans six autres infrastructures proches. Le projet a fourni à trois espèces menacées, l’esturgeon noir d’Amérique, l’esturgeon à museau court et le bar rayé, un accès direct à leurs habitats historiques respectifs, ouvrant 3 200 km du fleuve et de ses affluents aux poissons migrateurs.
De retour au parc Kruger, S. Midzi reconnaît qu’il y a naturellement assez d’eau dans le paysage pour assurer la survie des animaux et le maintien des fonctions écologiques. « Il ne faut pas que la suppression d’un barrage entraîne la panique. Ça ne veut pas dire qu’il y aura moins d’eau pour la faune et la flore. » Même durant la saison sèche, l’eau de surface est naturellement disponible dans des dépressions du sol, des sources et des bassins, ou sous le sable, où les animaux fouisseurs comme les éléphants peuvent y accéder. Lors d’importantes sécheresses, la plupart des animaux sauvages sont par ailleurs davantage affectés par le manque de nourriture que d’eau, explique S. Midzi. Selon lui, la suppression des structures artificielles fait partie de la volonté de la direction du parc de corriger les erreurs du passé.
La réalité est que Kruger, comme d’autres régions du monde, dépendra toujours quelque peu des barrages, même si les responsables continuent à les supprimer à l’intérieur du parc national. E. Riddell note que les décharges des barrages situés en amont, à l’extérieur du parc, maintiennent des débits d’eau qui profitent à l’environnement au sein de la réserve tout en aidant diverses industries dont l’agriculture.
Il considère qu’en fin de compte, les barrages ont des bénéfices à double tranchant. « D’un point de vue écologique, on veut s’opposer à ce barrage, mais on réalise aussi qu’on en a, en fait, un peu besoin. »
Image de bannière : Barrage de Detroit, en Oregon (États-Unis). Image de Dan Meyers depuis Unsplash.
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Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/04/the-worlds-dams-doing-major-harm-but-a-manageable-problem/