- L’oléoduc chauffé dont le coût s’élève à 3,5 milliards de dollars reliera les champs de pétrole du bassin du Lac Albert dans l’ouest de l’Ouganda, au port de Tanga sur la côte tanzanienne.
- Développé par la major pétrolière française Total et la China National Offshore Oil Corporation, détenue par l’État chinois, le projet a fait face à une opposition farouche de la part des écologistes qui indiquent qu’il coupe à travers certaines des aires de biodiversité les plus riches de l’Afrique de l’Est.
- La voie de l’oléoduc impactera environ 2000 km² d'aires protégées, dont le quart correspond à l’habitat des chimpanzés de l'Est et des éléphants de la savane africaine, et conduira au déplacement de plus de 12 000 familles.
- Trois accords ont été signés en avril et doivent maintenant être ratifiés par les parlements de l’Ouganda et de la Tanzanie, avec le début de la construction prévu pour juillet et les premières exportations de pétrole pour 2025.
Les gouvernements de l’Ouganda et de la Tanzanie ont signé des accords avec le géant pétrolier Total et la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) pour la construction d’un oléoduc de 1 400 km, allant du Parc national Murchison Falls en Ouganda, jusqu’au port tanzanien de Tanga dans l’Océan indien. Ceux qui s’opposent à l’oléoduc indiquent que 2000 km² d’aires protégées seront affectées et 12 000 familles déplacées de leurs terres.
S’il est construit, l’oléoduc de 3,5 milliards de dollars transportera du brut lourd depuis plus de 130 sources au sein du plus grand parc national de l’Ouganda, qui abrite des lions et des éléphants d’Afrique menacés, une importante population de crocodiles du Nile, et plus de 400 espèces d’oiseaux. Les défenseurs de l’environnement affirment que cela ne mettra pas uniquement en danger la faune et la flore, mais ira à l’encontre des efforts pour inverser la tendance au réchauffement global, en scellant un investissement dans une énergie polluante.
“Nous avons travaillé dans la sous-région riche en pétrole de l’Ouganda. Comme de nombreux espaces d’exploitation de pétrole, ce n’est pas un désert, mais plutôt une aire avec une importante biodiversité”, a rappelé dans un email à Mongabay, Atuheire Brian de la African Initiative on Food Security & Environment (AIFE). “Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des accords signés dans le secret, et c’est le cas en Ouganda”.
Total détient une participation majoritaire dans le projet East African Crude Oil Pipeline (EACOP), tandis que la Compagnie pétrolière nationale de l’Ouganda, la CNOOC, et la Tanzania Petroleum Development Corporation sont des parties prenantes minoritaires.
“Notre engagement est de mettre en œuvre ces projets d’une manière exemplaire et entièrement transparente”, a déclaré le directeur général de Total, Patrick Pouyanné, lors de la cérémonie de signature le 11 avril. Mais alors que l’événement auquel ont participé le président ougandais Yoweri Museveni et la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan était télévisé, le texte des accords n’a pas été rendu public.
“Total prend aussi le contexte environnemental sensible et les enjeux sociaux de ces projets onshore avec la plus grande considération”, a ajouté Pouyanné.
Mais une coalition d’ONG opposées au projet affirme que le processus de planification a été opaque tout le long; ignorant les procédures judiciaires et parlementaires.
La voie de l’oléoduc court à travers le bassin du Lac Victoria, traversant des voies d’eau petites et grandes, dont la rivière Kagera. En Ouganda, sa trajectoire impactera environ 2 000 km² d’aires protégées abritant des espèces menacées dont les chimpanzés de l’Est les éléphants de la savane africaine.
En Tanzanie, l’oléoduc traverse sept réserves de forêts et la Steppe du Wembere, une aire de biodiversité clé et reconnue. Le port de Tanga lui-même est situé près de deux zones marines écologiquement sensibles.
La perspective de déversements de pétrole ternissant cette nature sauvage et l’absence d’assurances quant à des mesures d’atténuement ont alimenté la résistance. Le feu vert au projet en l’absence de plans de gestion environnementaux et sociaux définitifs, élaborés via une consultation publique appropriée, en a alarmé plus d’un.
En mars, en réponse à la pression grandissante de la part des groupes écologistes, le géant pétrolier français a annoncé que ses activités de forage dans le Parc national Murchison Falls seront restreintes à 1% de sa superficie et que le groupe financera une augmentation de 50% du nombre de gardes forestiers pour renforcer les efforts de conservation.
Cette concession n’a pas suffi à calmer les critiques.
“D’importants risques environnementaux et humains subsistent. La priorité absolue devrait être de traiter les préoccupations des communautés qui souffrent du projet, et non de commencer à forer à tout prix”, a déclaré à l’Associated Press, Antoine Madelin, avocat à la Fédération internationale des droits de l’homme.
Plus de 12 000 familles seront déplacées de leurs terres ancestrales pour faire place à l’oléoduc, et des questions subsistent quant à savoir si elles seront indemnisées de manière adéquate. Un rapport de 2020 conduit par Oxfam et d’autres organisations de défense des droits a révélé que les personnes potentiellement affectée par l’oléoduc en Ouganda et en Tanzanie, ne disposaient pas d’informations adéquates quant à l’échéancier, aux procédures de compensation, et aux risques sociaux et environnementaux impliqués. Le méga projet censé assurer le futur des populations dans les deux pays a introduit plus de doutes pour ceux dont les vies en seront perturbées.
Pour arrêter le projet, des groupes environnementaux essayent de bloquer son financement en faisant du lobby auprès des investisseurs, des banques et des compagnies d’assurance. En mars, une lettre ouverte signée par 250 organisations de la société civile ont appelé 25 banques à ne pas financer le projet. La campagne a conduit Barclays et le Crédit Suisse, deux des principaux financeurs de Total, à nier toute intention de financer l’EACOP.
Le revenu par habitant en Ouganda est inférieur à 800 dollars par an, et le gouvernement a fondé tous ses espoirs sur les richesses pétrolières pour sortir le pays de la pauvreté. “Nous pensons que cela devrait constituer un catalyseur pour la croissance économique”, a déclaré Robert Kasande, un officiel du Ministère ougandais de l’Énergie, lors de la cérémonie de signature.
Les défenseurs de l’environnement maintiennent que les économies d’investissement dans les énergies fossiles ne sont pas rentables. “Le monde entier est en train de réaliser que nous devons arrêter de brûler des combustibles fossiles, et par conséquent, le prix du pétrole continuera de chuter”, indique la lettre ouverte. Au lieu de parier son développement sur une industrie agonisante, nous devons reconnaître que la force de l’économie de l’Afrique de l’Est vient de la biodiversité de la région, de son héritage, et de ses paysages naturels”.
Les accords signés en avril doivent maintenant être ratifiés par les parlements en Ouganda et en Tanzanie. La construction est prévue pour commencer en juillet, et les premières exportations de pétrole pour 2025.
Image de bannière d’un lion en Ouganda. Image par Rhett A. Butler/Mongabay.
Article original : https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/04/totals-east-african-oil-pipeline-to-go-ahead-despite-stiff-opposition/