- Selon une nouvelle étude, la construction de l’axe routier pan Bornéo dans l’État malaisien de Sabah pourrait perturber les liens entre les populations d’animaux sauvage et aller à l’encontre des engagements de l’État envers la conservation.
- Des passages sous l’axe routier et la réhabilitation de corridors forestiers clés pourraient amoindrir les impacts de la route, mais les auteurs de l’étude mettent en garde que ces interventions sont onéreuses et ne seront peut-être pas efficaces.
- Des passages sous l’axe routier et la réhabilitation de corridors forestiers clés pourraient amoindrir les impacts de la route, mais les auteurs de l’étude mettent en garde que ces interventions sont onéreuses et ne seront peut-être pas efficaces.
Selon une nouvelle étude un réseau routier prévu dans l’État malaisien de Sahab sur l’île de Bornéo menace les forêts protégées dans le cadre de l’accord Heart of Borneo conclu avec l’Indonésie et Brunei.
L’objectif de l’accord était de garantir la survie, dans le centre de Bornéo, de la forêt tropicale humide qui abrite des populations d’espèces sauvages, d’aider à atténuer le changement climatique et d’encourager la biologie unique de l’île. Cependant, les chercheurs qui ont rédigé cet article affirment que la construction et l’expansion des routes pour le projet d’axe routier pan Bornéo pourraient morceler le cœur de cet écosystème.
« Nous savons que ces routes vont avoir de graves effets dans certaines des dernières larges étendues de forêts intactes de Bornéo et dans le monde », a expliqué au cours d’une interview William Laurance, écologiste tropical à l’université James Cook en Australie, auteur principal de l’étude.
Les recherches de l’équipe, publiées le 18 septembre dans la revue PLOS ONE, ont cartographié la série de nouvelles constructions routières et d’axes routiers élargis dans le cadre du Projet pluriannuel pan Borneo à Sabah. Les chercheurs ont comparé ces plans à l’emplacement des forêts intactes, des parcs et des réserves de l’État avant de modéliser les répercussions sur les forêts environnantes.
« Certaines des routes prévues sont relativement bénignes, mais plusieurs d’entre elles sont tout à fait dangereuses », a commenté Sean Sloan, principal auteur de l’étude et écologiste à James Cook University. « Les pires routes, dans le sud de Sabah, sectionneraient et isoleraient les forêts de Sabah de celles de Bornéo. »
En particulier, un tronçon prévu entre les villes de Kalabakan et Sapulut près de la frontière sud entre Sabah et la province indonésienne du Kalimantan du Nord, couperait la zone de conservation de l’initiative Heart of Borneo.
Cette initiative transfrontalière couvre quelque 220 000 kilomètres carrés et, depuis son lancement en 2007, Sabah a plus que doublé la zone de forêts protégées en vertu du droit étatique. Cependant, pour réussir, le projet Heart of Borneo doit bénéficier d’une coopération transnationale, puisqu’il couvre des zones des trois pays disposant d’un territoire sur l’île.
La construction de tronçons de route dans des zones sensibles de Sabah équivaut à « plonger une épée dans le cœur des forêts et des espèces sauvages menacées de Bornéo », a expliqué William Laurance. Selon les chercheurs, les plans pour l’axe routier pan Bornéo doivent incorporer non seulement l’impact sur certaines parties de Sabah, mais également sur l’écosystème au sens large, encore relativement intact, que l’initiative Heart of Borneo était censée protéger.
L’incursion de routes dans des forêts auparavant sauvages ou peu utilisées aboutit souvent à une augmentation de la déforestation, de la chasse et de l’exploitation minière illégale ainsi qu’à d’autres effets dommageables sur l’écosystème environnant.
Bornéo abrite parmi les forêts vierges les plus anciennes de la planète, vieilles de 130 millions d’années. Au cours de cette période, les espèces uniques de l’île ont prospéré, évoluant aux côtés d’un ensemble inégalé de dynamiques écologiques.
William Laurance a fait référence à la production de fruit des immenses diptérocarpacées qui assurent l’équilibre des écosystèmes forestiers de l’île. Certaines années, plusieurs de ces arbres produisent des fruits de manière synchronisée, ce qui aboutit à une abondance de nourriture pour les sangliers à barbe (Sus barbatus), les ours des cocotiers (Helarctos malayanus), les orangs-outans (Pongo pygmaeus) et tout un tas d’autres espèces en quête de nourriture. Certains animaux suivent ces migrations sur des centaines de kilomètres.
« Ceci est un aspect vraiment important de l’histoire de Bornéo, a expliqué William Laurance à Mongabay. « La migration était absolument essentielle pour l’île. »
Mais la construction et l’expansion de routes créent de potentiels obstacles pour ces migrations ainsi que pour les déplacements d’animaux tels que l’espèce d’éléphants nains qui fait partie intégrante de la biologie de l’île, a-t-il ajouté.
Les urbanistes ont proposé de raccorder des zones de forêt réhabilitée qui pourraient servir de couloirs, et de construire des souterrains qui permettraient aux animaux de franchir des routes sans se mettre en danger ou compromettre la sécurité des automobilistes. Cependant, William Laurance et ses collègues se demandent dans quelle mesure ces solutions parviendront à maintenir des connexions significatives entre les populations.
« Les mesures d’atténuation qui sont proposées pour ces axes routiers ne seront sans doute pas à la hauteur, a indiqué William Laurance.
La réhabilitation de la forêt et la construction de souterrains sont onéreuses, font remarquer les chercheurs. Ces derniers ont calculé qu’un ensemble de souterrains sur huit sites proposés le long des axes routiers pourrait coûter 38 millions de dollars ou plus, chiffre supérieur au budget annuel de l’État consacré à l’initiative Heart of Borneo.
L’analyse de l’équipe suggère par ailleurs que les plans de Sabah laissent de côté des couloirs essentiels qui permettraient de créer des liens d’une importance vitale pour la santé des populations sauvages, du moins si les animaux optent pour ces solutions.
« Nous savons également que les animaux sauvages s’acharnent souvent à ne pas coopérer avec ces choses-là », a fait observer William Laurance.
Le succès de ces stratégies tourne par ailleurs autour de la qualité de l’habitat relié par ces couloirs ou souterrains.
« La construction d’une nouvelle route implique habituellement beaucoup de destruction et de feux de forêt ainsi que du braconnage, ce qui signifie que les animaux vulnérables vont en grande partie éviter cette zone », nous a expliqué Mohammed Alamgir, écologiste à James Cook et l’un des auteurs de l’article. « Compter sur des souterrains pour réduire l’impact des routes s’apparente à traiter un cancer avec un pansement. »
Les chercheurs suggèrent de repenser ou d’annuler les tronçons de route les plus susceptibles de causer des dommages, surtout la section du Sapulut-Kalabakan. Si le projet routier pan Bornéo voit le jour comme prévu, il va probablement « couper la tête de l’initiative Heart of Borneo », a déploré William Laurance, modifiant de manière irréversible l’une des plus grandes réserves au monde de biodiversité.
« Ceci est une menace évidente et dramatique pour les dernières forêts intactes qui survivent à Bornéo », a-t-il conclu.
Image de la bannière : un orang-outan de Bornéo par John C. Cannon/Mongabay.
John Cannon est un rédacteur de Mongabay. Suivez-le sur Twitter : @johnccannon
Note du rédacteur : William Laurance est un membre du comité consultatif de Mongabay.
Citations:
Sloan, S., Campbell, M. J., Alamgir, M., Lechner, A. M., Engert, J., & Laurance, W. F. (2019). Trans-national conservation and infrastructure development in the Heart of Borneo. PLOS ONE, 14(9), e0221947. doi:10.1371/journal.pone.0221947
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/09/pan-borneo-highway-development-threatens-to-carve-up-intact-forest/