- De nouvelles recherches montrent des résultats encourageants quant au nombre d’éléphants et de bonobos de forêt dans le Parc national de la Salonga en République démocratique du Congo, site de conservation majeur.
- Cependant, ces conclusions ont pour toile de fond des rapports selon lesquels les gardes du parc, qui ont accompagné les chercheurs lors des études de terrain, ont commis de graves violations à l’encontre de villageois de la région, notamment des exécutions sommaires.
- Cependant, ces conclusions ont pour toile de fond des rapports selon lesquels les gardes du parc, qui ont accompagné les chercheurs lors des études de terrain, ont commis de graves violations à l’encontre de villageois de la région, notamment des exécutions sommaires.
Pendant près de quatre ans, des équipes de chercheurs ont remonté en bateau des rivières sinueuses, installant pendant des semaines ou des mois d’affilée des campements dans des forêts vierges denses, à l’affût de moindres traces d’éléphants et de bonobos de forêt. S’enfonçant au cœur du Parc national de la Salonga, une étendue protégée de jungle située au centre de la République démocratique du Congo (RDC), les chercheurs ont installé des caméras et retenu leur souffle, dans l’espoir de trouver des preuves que les populations de ces deux espèces n’avaient pas chuté au cours des récentes années.
Aujourd’hui, après des années de travail minutieux et éreintant, les équipes de recherche disposent d’une réponse. Dans le parc de la Salonga, qui s’étend sur plus de 36 000 kilomètres carrés — surface supérieure à la superficie totale du Rwanda — des résultats préliminaires indiquent des populations relativement stables de ces deux animaux. Selon un communiqué de presse rédigé en mars par le WWF, l’étude menée sur plusieurs années estime que le parc abrite quelque 1 600 éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) et 15 000 bonobos (Pan paniscus).
Cependant, les enquêteurs de l’organisme Rainforest Foundation UK ont révélé que la protection de ces animaux s’avérait coûteuse. À la suite d’un scandale impliquant le WWF dans de graves violations des droits de l’homme, le groupe a déclaré que les gardes du parc opérant dans la Salonga, connus sous le nom d’« écogardes », avaient battu, violé voire massacré des membres de la communauté vivant dans la zone voisine du parc.
Cependant, les enquêteurs de l’organisme Rainforest Foundation UK ont révélé que la protection de ces animaux s’avérait coûteuse. À la suite d’un scandale impliquant le WWF dans de graves violations des droits de l’homme, le groupe a déclaré que les gardes du parc opérant dans la Salonga, connus sous le nom d’« écogardes », avaient battu, violé voire massacré des membres de la communauté vivant dans la zone voisine du parc.
Les chercheurs d’un groupe d’organisations qui incluent le WWF ont réalisé l’enquête de biosurveillance, lancée en 2015, dans l’espoir de recueillir des informations exactes sur la population d’éléphants, de bonobos (également appelés chimpanzés pygmées) et d’autres animaux. La Salonga est le plus grand parc forestier protégé d’Afrique ; il est depuis 1984 inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. En ratissant diverses sections du parc, les chercheurs des groupes ont passé jusqu’à deux mois d’affilée à recueillir des données dans des zones reculées et des conditions difficiles, en remontant des rivières avant de poursuite à pied.
« Vous marchez chaque jour du lever au coucher du soleil avec vos affaires sur le dos », a décrit Gay Reinartz de la Zoological Society of Milwaukee, l’une des organisations qui ont participé à la recherche. « Même lorsqu’on a un campement, il faut tout de même marcher encore et encore. » Patrick Guislain, collègue de Gay Reinartz, estime qu’au total, les chercheurs ont traversé près de 3 500 kilomètres du parc pour réaliser l’enquête.
Protection de la vie sauvage, mais les défenseurs pointent des tactiques d’intimidation
D’après de précédentes estimations, le nombre d’éléphants de forêt s’élèverait entre 600 et 2400 et celui de bonobos entre 9500 et 16 8000. Qualifiant d’« encourageants », dans un communiqué de presse, les résultats de l’enquête, le WWF a suggéré qu’un certain nombre de facteurs expliqueraient la stabilité des populations, notamment des patrouilles efficaces antibraconnage menées par les écogardes et le mouvement des éléphants de l’extérieur du parc vers des zones situées à l’intérieur de ce dernier.
« Je me montrerais extrêmement prudent concernant ces estimations », a observé Gay Reinartz. « Les éléphants sont déjà très peu nombreux, mais nous avons poussé un soupir de soulagement en apprenant qu’il ne s’agissait pas d’une diminution gigantesque. »
Selon elle, il est difficile d’affirmer avec certitude ce qui explique la stabilité de la population d’éléphants. Toutefois Patrick Guislain pointe du doigt le succès des patrouilles antibraconnage comme l’un des facteurs clés.
« Cela fait une différence fondamentale », constate-t-il. « Il y avait des endroits où il était tout simplement impossible de se rendre, où même les gardes ne pouvaient aller, car ils étaient considérés comme des zones rouges. Après que les militaires sont passés faire le ménage, lors de l“Opération Bonobo”, il est possible d’accéder à ces zones. »
Selon Patrick Guislain, les équipes de recherche étaient accompagnées de gardes armés censés les protéger contre des embuscades tendues par des braconniers lors de leur travail sur le terrain pour l’enquête de biosurveillance.
Or, d’après Simon Counsell, les recherches de Rainforest Foundation UK ont révélé que ces gardes avaient également été coupables de terribles violations des droits de l’homme et que les « braconniers » ciblés par Opération Bonobo et de similaires initiatives étaient principalement des chasseurs locaux plutôt que des gangs lourdement armés, que l’on imagine responsables de braconnage illicite dans le parc.
« Nous estimons qu’au cours des sept dernières années, les écogardes ont été responsables d’au moins neuf meurtres, du viol de dix femmes et qu’ils ont torturé au moins une vingtaine de personnes », s’est-il indigné. « Et ceci n’est que la face cachée de l’iceberg. »
Selon des documents publiés par l’UNESCO, l’Operation Bonobo a commencé en octobre 2011 en réponse à des inquiétudes concernant la chasse illicite de la vie sauvage dans la Salonga. Dans les faits, l’Operation Bonobo a militarisé le parc, en réunissant l’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) — l’agence gouvernementale chargée de la gestion de la Salonga — et des unités des forces armées de RDC. Simon Counsell avance que bon nombre de ceux qui sont devenus la cible de cette militarisation étaient des membres de la communauté qui vivent juste en dehors des limites du parc, et qui chassent et pêchent dans ce dernier pour suppléer leurs revenus et nourrir leurs familles.
« Nous avons interviewé environ 230 personnes, et autour d’un quart d’entre elles ont avoué avoir été victimes à un moment donné d’un type d’abus ou de harcèlement des mains des gardes du parc. », a-t-il révélé. « Le WWF et ses représentants, qui cogèrent le parc depuis 2015, ne peuvent même plus se rendre dans de nombreuses zones, si brûlante est la colère contre les autorités du parc. »
Allégations de meurtre et d’agressions sexuelles
Les témoignages d’abus exercés par les écogardes recueillis par la Rainforest Foundation UK sont déchirants. Selon un cas datant d’août 2015, on raconte qu’un habitant était en train de pêcher dans le parc lorsqu’il a été capturé par des soldats d’une patrouille d’écogarde. Toujours d’après ce témoignage, après l’avoir menotté et battu, les soldats l’ont emmené en ville, où ils l’ont tué, laissant son corps devant une église des environs. Dans un autre cas, quatre femmes auraient été arrêtées alors qu’elles apportaient des vivres à leurs maris qui pêchaient dans une rivière du parc. Après avoir ligoté les hommes, l’escadron d’écogardes aurait violé les femmes devant leurs maris.
Ces allégations font partie d’un scandale qui implique le WWF dans des violations des droits de l’homme partout dans le monde. Une série à trois volets publiée par Buzzfeed au début du mois de mars a exposé des preuves que les actions commises par des écogardes de la Salonga n’étaient pas un cas isolé, suggérant par ailleurs que le WWF avait depuis longtemps déjà connaissance de ces violations. En réaction à cela, les juristes allemands ont exigé de mettre fin au financement de la Salonga et du WWF, qui joue un rôle majeur dans la gestion du parc aux côtés des autorités congolaises.
Le WWF a refusé de faire des commentaires sur cette histoire, expliquant, dans un e-mail envoyé à Mongabay, qu’elle préférait attendre les conclusions d’un examen indépendant avant de s’exprimer sur les allégations concernant la Salonga.
La juxtaposition des résultats de l’enquête de biosurveillance et des allégations de brutalités commises par les écogardes donne une image complexe des efforts de conservation déployés dans la Salonga et ailleurs en Afrique.
Le braconnage a dévasté la population d’éléphants et de bonobos dans le bassin du Congo, et certains défenseurs avancent qu’il est crucial de réaliser de gros efforts d’interdiction pour protéger les deux espèces. Mais selon Simon Counsell, les actions des écogardes de la Salonga sont criminelles et, à long terme, les approches militarisées de la conservation sont susceptibles de faire plus de mal que de bien.
« Voici une bataille qui ne pourra être remportée avec des armes ou des gardes », a-t-il poursuivi. « Elle doit être livrée en nouant des relations plus proactives avec les communautés locales, en les laissant s’exprimer et en leur assurant un certain avenir, plutôt que de perpétuer la pauvreté absolue. »
Image de la bannière : un éléphant en Afrique du Sud Photo de Rhett A. Butler/Mongabay.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/06/did-efforts-to-protect-drcs-elephants-and-bonobos-leave-a-trail-of-abuses/