- Une nouvelle étude révèle que les stratégies de conservation axées sur l'habitat ne sont pas suffisantes pour compenser la diminution des aires de répartitions de la faune et de la flore causée par le changement climatique.
- Une équipe de chercheurs basés en Autriche a étudié les impacts du changement climatique sur 51 espèces de sauterelles, papillons et plantes vasculaires d'Europe centrale.
- Les méthodes de conservation basées sur l'habitat peuvent représenter un sursis, mais d'après les chercheurs, elles ne seront pas suffisantes pour empêcher certaines espèces de disparaître à l'échelle régionale.
Les bouleversements provoqués par le changement climatique sur Terre contraignent certaines plantes et animaux à quitter leurs aires de répartition naturelles. Afin d’endiguer ce phénomène, des stratégies de conservation visent à aider ces espèces en protégeant et restaurant les secteurs vers lesquels elles sont le plus susceptibles de migrer. Toutefois, une nouvelle étude publiée en octobre dernier dans la revue Nature Climate Change avance que ces méthodes pourraient se révéler insuffisantes et, en fin de compte, impuissantes face à l’extinction de certaines espèces.
« Les mesures de conservation qui agissent sur l’habitat permettent de maintenir les populations à un niveau viable sur une plus longue période, mais elles n’éliminent pas les effets du changement climatique », explique l’écologiste Johannes Wessely, de l’Université de Vienne, par e-mail. « Ces mesures de conservation ne créent pas assez d’habitats de qualité. »
Wessely et ses collègues ont commencé par observer trois groupes de plantes et d’animaux vivant en Europe centrale (des papillons, des sauterelles et des plantes vasculaires, parmi lesquelles des conifères et des plantes à fleurs) en posant l’hypothèse d’un changement climatique sur ces 75 prochaines années.
« La première réaction des espèces [face au changement climatique] est la migration, dans le but de trouver un habitat plus adapté », explique Wessely.
S’appuyant sur les observations de terrain de 51 espèces parmi les trois groupes sélectionnés, l’équipe a ensuite développé un modèle pour simuler les changements susceptibles d’avoir lieu au sein de leurs habitats et mesurer comment les stratégies de conservation via la création de nouveaux habitats pourraient les aider.
« [Une stratégie de conservation basée sur l’habitat] pourrait permettre d’améliorer la migration et le flux génétique, et ainsi augmenter la capacité d’adaptation des populations », note Wessely.
Le chercheur ajoute que l’équipe a observé une « réaction étonnamment uniforme » à ces approches de conservation : « Elles ont été efficaces (pour augmenter les aires de répartition), mais pas très efficaces. »
Ces découvertes ont mené Wessely et ses collègues à conclure que, bien qu’il soit urgent d’aider les espèces à faire face aux effets du changement climatique, arrêter ce changement climatique l’est encore plus.
L’étude montre que les sauterelles s’en sortent mieux que les papillons et les plantes vasculaires, sans doute parce qu’elles peuvent se déplacer sur de grandes distances assez rapidement, explique Wessely, ou peut-être parce que leurs larves sont moins exigeantes en matière de nourriture.
Les chercheurs ont également découvert que certaines stratégies prises en compte dans leur modèle se révèlent plus efficaces que d’autres. La gestion des zones protégées (comme les parcs ou les réserves) et la création de corridors pour relier les habitats entre eux se sont révélés plus aptes à procurer un milieu adéquat aux espèces qu’une restauration parcellaire des habitats fragmentés, qualifiée d’« amélioration de la matrice » dans l’étude.
« Cependant, aucune des stratégies de conservation évaluées lors de l’étude n’a pu compenser totalement l’impact négatif du changement climatique sur les plantes vasculaires, les papillons ou les sauterelles dans Europe centrale », concluent les auteurs.
Les espèces alpines, qui vivent en milieu montagneux, auraient moins de chance de survie face au changement climatique, d’après l’étude. Cela s’explique en partie car peu d’entre elles sont capables de survivre en milieu très arboré, affirment les auteurs. Afin de leur procurer un habitat viable, il nous faudrait alors prendre la décision tout à fait contre-intuitive (et polluante) de détruire des forêts pour la plupart naturelles.
La préservation de l’habitat n’a pas empêché certaines espèces alpines ou des plaines de disparaitre complétement dans ces régions.
« Dans le cas des espèces éteintes, on a observé un léger retard de leur extinction (dû à une augmentation de leur aire de répartition, comparé aux scénarios habituels), mais pas d’inversion de la tendance mortifère », affirme Wessely. « Ce constat souligne l’importance d’identifier les espèces les plus menacées afin de développer des stratégies de préservation adaptées. »
RÉFÉRENCES
Wessely, J., Hulber, K., Gattringer, A., Kuttner, M., Moser, D., Rabitsch, W., … Essl, F. (2017). Habitat-based conservation strategies cannot compensate for climate-change-induced range loss. Nature Clim. Change, advance online publication. Retrieved from http://dx.doi.org/10.1038/nclimate3414
Image de bannière (papillon) par John C. Cannon..