- L’espèce Marabout argala (Leptoptilos dubius) comptait autrefois des centaines de milliers d’individus, d’Inde jusqu’en Asie de l’Est. Méprisé et traité comme un nuisible, cet oiseau géant et disgracieux est menacé par la perte de son habitat, avec seuls 1 000 individus restant dans les années 1990.
- Purnima Devi Barman est tombée sous le charme de cette espèce. Mais comment la sauver lorsque la majorité des oiseaux restant vivent dans des propriétés privées ? Sa solution a été de lancer une campagne, seule, pour faire connaître la valeur du L. dubius aux villageois d’Assam, en Inde, en leur montrant la façon dont l’oiseau pouvait améliorer leurs moyens de subsistance.
- Arvind Mishra a transformé le dégoût d’une autre communauté indienne pour l’énorme Marabout argala en une forte volonté d’œuvrer pour sa protection. Avec l’aide d’une communauté de Bihar, il a créé un centre de sauvetage et de rééducation dédié exclusivement aux soins des oisillons Marabouts argalas tombés de leur nid.
- Barman et Mishra sont tous deux des exemples brillants de la façon dont l’engagement sans faille d’une seule personne envers une espèce peut faire pencher la balance entre préservation et extinction ainsi que de la façon dont les communautés locales peuvent faire une différence.
Il est clair qu’un oiseau a une mauvaise image lors qu’un ornithologue le qualifie de « prodige de laideur ».
Ces mots datent du 19e siècle, lorsque le Marabout argala (Leptoptilos dubius), un oiseau imposant avec des pattes d’1 m 50 et des ailes d’une envergure d’environ 2 m 50, pouvait être observé dans la majeure partie d’Asie du Sud et du Sud-Est.
Cette description, bien que peu sympathique, est difficile à réfuter. Tout comme son congénère charognard le vautour, le Marabout argala présente une tête nue, à l’exception de quelques plumes en désordre, lui donnant l’air d’un vieil homme perdant ses cheveux, et une « poche » orange qui pend mollement de son cou. Aucun chant mélodieux ne compense son apparence (ses cris ont été décrits comme étant des croassements gutturaux) et sa démarche au sol est dénuée de mouvements gracieux.
Mais même cet ornithologue du 19e siècle n’aurait certainement pas souhaité à l’oiseau un déclin de sa population tel que celui qu’il a connu au 20e siècle. Plusieurs centaines de milliers de Marabouts argalas se rassemblaient autrefois en larges volées, du Pakistan au Cambodge. À Calcutta, on dénombrait plusieurs individus pour « presque chaque foyer ».
La vaste destruction et dégradation des zones humides où se nourrit ce charognard, ainsi que la perte de ses arbres de nidification ont conduit à un déclin si sévère que le Marabout argala est passé de l’une des cigognes les plus répandues à la plus rare.
Dans les années 90, une estimation a évalué le nombre de Marabouts argalas à seulement quelque mille individus. Aujourd’hui, son statut UICN est « En danger ». En 2014, La Société zoologique de Londres a classé l’oiseau comme étant une espèce « EDGE » (Evolutionarily Distinct and Globally Endangered), ce qui signifie qu’elle est proche de l’extinction.
Tout oiseau « laid » a besoin d’un allié
N’utilisez pas les mots « oiseau laid » devant Purnima Devi Barman. Pour elle, « c’est un très bel oiseau. Il n’est certainement pas laid ! C’est le plus bel oiseau au monde ! ».
Barman a observé des Marabouts argalas pour la première fois durant son enfance dans une région rurale de l’État indien d’Assam. En 2007, elle décide de prendre le L. dubius comme sujet pour son doctorat en biologie de la faune. En travaillant dans les villages du district Kamrup, dans la vallée de Brahmaputra, l’un des rares endroits sur Terre où vit l’oiseau, Barman a trouvé quelques rares nids de Marabout argala. Beaucoup moins rares étaient les personnes ayant une perception de l’oiseau comme étant un répugnant nuisible. À tel point que les propriétaires de terrains coupent les grands arbres dans lesquels les Marabouts argalas font leurs nids.
Mais qui pourrait les blâmer ? D’un part, ces grands oiseaux produisent d’énormes quantités d’excréments (imaginez des oies sous stéroïdes). Les restes qu’ils laissent derrière eux (ces oiseaux se nourrissant de presque tout, mort ou vivant, de poissons en allant aux amphibiens en passant par les reptiles), ne sont guère plus agréables à voir. Et d’autre part, et il s’agit là de la raison majeure affirme Barman, « les gens ne savent pas qu’il s’agit d’un oiseau fortement menacé ».
Sans zones protégées pour les oiseaux et avec des arbres à nidification qui se trouvent exclusivement sur des propriétés privées, la situation était désespérée.
Mais personne ne semblait s’en soucier. Barman affirme qu’en dépit d’une population décroissante, aucun effort n’était fait dans la région pour sauver le Marabout argala. « J’ai découvert que les organismes de conservation ne s’occupaient pas du tout de cet animal. Pour la plupart de ces organismes, les animaux connus et charismatiques tels que les rhinocéros et les tigres sont la préoccupation majeure. »
Elle ne pouvant cependant se défaire de l’idée que le Marabout argala avait besoin d’un allié. « Certaines personnes font un doctorat mais ne se préoccupent pas des habitats, des espèces. Leur travail reste confiné à leur thèse. Mais ce n’est pas le cas de mon travail », affirme-t-elle.
Barman, qui travaille pour Aaranyak, un organisme de conservation de la faune indien, décide de lancer une campagne, seule, pour inspirer un sens de fierté et de « responsabilité » envers les Marabouts argalas à la communauté locale.
Voici comment elle a présenté ses arguments aux villageois locaux : « J’ai deux filles. Si elles mettent ma maison en désordre, est-ce que je devrais ne plus les aimer pour autant ? Qu’est-ce que je ferais ? Je rangerais. Pourquoi ? Parce que ce sont mes filles. Je suis responsable d’elles, je suis leur tutrice. Vous êtes le gardien de cet oiseau, et il vous rend très fier. Votre nom sera connu à travers le monde car si vous protégez cet oiseau, vous serez respecté de tous. »
Les villageois apprennent à apprécier la « laide » cigogne
Tout en utilisant des approches classiques pour changer l’opinion du public sur le Marabout argala, en créant par exemple des diaporamas éducatifs qui soulignent l’importance de l’oiseau et de son écosystème, Barman avait conscience qu’elle devait faire beaucoup plus.
C’est ainsi qu’a débuté une série d’actions mettant en pratique ce qu’elle appelle ses « idées rusées ».
Elle a obtenu l’aide de professeurs d’une école locale où la plupart des propriétaires d’arbres envoient leurs enfants. Lors de la Journée mondiale des zones humides, les enfants sont rentrés chez eux en chantant les louanges de l’hargila, nom utilisé par les locaux pour désigner le Marabout argala, ont incité à la protection les arbres à nidification et ont offert des tasses à café gratuites représentant l’oiseau.
À la surprise de beaucoup, Barman réussit à persuader une actrice indienne populaire de venir faire une visite au village. Elle déclare : « J’ai dit à la star du film qu’elle devrait présenter ses respects à tous les propriétaires d’arbres. Mais juste aujourd’hui, vous n’allez pas faire cela. Vous allez les présenter [aux villageois et au Marabout argala]. Et ça a fonctionné ! »
Pour communiquer avec les femmes des villages indiens traditionnels et conservateurs, Barman a dû inventer des tactiques encore plus rusées. Elle a commencé par assister aux cérémonies hebdomadaires des femmes dans un temple hindou local et a fini par obtenir la permission d’y présenter son diaporama sur le hargila. Elle a ensuite organisé des concours de cuisine pour les femmes qui étaient suivis, comme vous l’avez deviné, d’une présentation de son diaporama.
Elle a également organisé des jeux de la ficelle auxquels mêmes les femmes les plus timides y ont participé. Les villageoises étaient profondément étonnées, mais aussi fières, d’apprendre qu’un oiseau très rare avait choisi les villages de la région comme lieu de reproduction.
Changer la manière dont les gens prient
Barman s’est aperçue que les mentalités avaient changées lorsqu’elle a commencé à recevoir des appels de la part de villageois à chaque fois qu’un Marabout argala tombait de son nid, ce qui arrive à une fréquence alarmante, en particulier lors de la saison des moussons. Par le passé, ces jeunes oiseaux auraient été condamnés. Mais maintenant que Barman est capable de les collecter, ils peuvent être envoyés au zoo de l’État d’Assam pour être soignés et, à terme, relâchés.
Avec le temps, Barman est devenue connue sous le surnom d’« Hargila Baideu » (Sœur cigone) auprès des locaux. Depuis 2010, pas un seul arbre n’a été abattu dans les régions où elle a effectué sa campagne de sensibilisation. L’année dernière, elle a dénombré 150 nids de Marabout argala contre environ 30 en 2007, et elle estime à environ 550 le nombre de Marabouts argalas existant aujourd’hui dans le district de Kamrup.
Le travail de la biologiste a si profondément marqué les communautés locales qu’il a même changé la façon de prier des villageois. Il en faut beaucoup pour modifier les chants religieux célébrés par les ferventes femmes de confession hindoue, car ces chants ont été transmis inaltérés depuis des siècles. « Ils sont très conservateurs pour ce qui est [des chants sacrés]. Ils ne les changent pas. Mais certaines femmes ont écrit des chants pour les cigognes. » À la surprise de Barman, lorsque le village célèbre la naissance du dieu Krishna, les chants incluent désormais des prières pour la sûreté du hargila.
Plus loin, la religion a également joué un rôle dans la conservation des Marabouts argalas de l’État indien de Bihar, où de nombreux habitats en zones humides bien préservés existent encore. En 2006, Arvind Mishra et l’Indian Birds Conservation Network ont découvert que le Marabout argala se reproduisait dans le district de Bhagalpur. Étant donné le faible nombre d’oiseaux restants, il s’agissait d’une découverte majeure.
Afin d’encourager la population à faire preuve de davantage de tolérance pour ces animaux, Mishra a décidé d’associer le Marabout argala à un immense oiseau mythique, connu sous le nom de Garuda, destrier du dieu Vishnou. Comme l’explique Mishra : « Les Marabouts argalas sont les montures de Vishnou et peuvent amener la désolation si des villageois commettent un péché en perturbant ces oiseaux et détruisant les arbres dans lesquels ils se reproduisent. » Il insiste également fortement sur le rôle d’utilité publique que joue cette espèce : elle se nourrit notamment de rats et de serpents.
Cette approche a porté ses fruits : Mishra estime que le nombre de Marabouts argalas à Bihar est passé de 78 en 2007 à environ 500 aujourd’hui.
« Le nombre de nids augmente chaque année », informe Ian Barber, associé principal et responsable de développement pour la Royal Society Protection of Birds (RSPB), qui soutient cette action. Il ajoute : « Mishra a poussé la zone de ses recherches toujours plus loin et trouvé de plus en plus de nids. Nous pensons donc qu’il y a certainement autant de spécimens à Bihar qu’il n’y en a à Assam, voire plus. »
Mishra remarque que les habitants recueillent désormais les œufs de Marabouts argalas tombés de leur nid, non pas pour les consommer mais pour les sauver. « Ils nous les confient en nous demandant d’essayer de les faire éclore dans un incubateur. » Les oiseaux ont même engendré du tourisme religieux. « Des personnes qui viennent lors de visites tentent d’observer les Garudas. Nombre d’entre eux viennent vénérer la monture du dieu Vishnou. »
Avec l’aide du gouvernement de Bihar et d’une ONG locale, le Mandar Nature Club, Mishra a pu établir un centre de sauvetage et de rééducation consacré exclusivement aux soins de jeunes Marabouts argalas tombés de leur nid.
Barber a personnellement observé les efforts de Mishra et de Barman. Il insiste sur le fait que pour que ces oiseaux puissent être sauvés, l’action des communautés locales est vitale. « Le travail que font Arvind et Purnima est absolument crucial et essentiel pour la survie à long terme de cette espèce », affirme-t-il. « Ils ont tous les deux réussi à convaincre des communautés qu’il s’agit là d’un oiseau qui vaut la peine d’être sauvé et qu’ils peuvent être fiers d’avoir ces oiseaux au sein de leur communauté. »
Une population cambodgienne
Il existe une troisième zone de reproduction des Marabouts argalas, mais contrairement à celles en Inde, celle-ci est une zone protégée. Le lac Tonlé Sap, relié au Mékong et situé au Cambodge central, est une réserve de biosphère de l’UNESCO. La réserve de Prek Toal, qui se trouve au cœur de Tonlé Sap, est une zone majeure de reproduction pour de nombreuses espèces de grands oiseaux aquatiques, dont le Marabout argala.
La Wildlife Conservation Society (WCS) poursuit son programme de suivi et de protection à Prek Toal en coopération avec le gouvernement cambodgien. La sécurité y a été renforcée, ce qui a entraîné l’arrêt des collectes d’œufs et de la chasse aux jeunes Marabouts.
Simon Mahood, conseiller technique principal chez WCS, estime qu’il y a maintenant au moins 400 individus à Prek Toal, l’estimation haute étant de 800 individus. « Je ne pense pas qu’il y a une limite à la croissance de la population tant que nous continuons de protéger la colonie qui se trouve dans la zone principale », déclare-t-il.
« Il y a suffisamment de nourriture et d’arbres à nidification. Nous avons prouvé que la population croît tant qu’elle est protégée, donc nous pouvons être optimistes. »
Au sein de la « Hargila Army »
Ian Barber est particulièrement impressionné par le travail de proximité de Purnima Devi Barman chez les femmes des villages. « Elle a travaillé avec elles pour fabriquer ensemble des produits qui puissent les aider à mieux gagner leur vie. Elles fabriquent des nappes et tissent notamment des écharpes en coton qu’elles vendent ensuite. Cela constitue un gagne-pain pour les femmes qui vivent dans les communautés à Assam, ce qui est très positif ».
Barber fait référence ici à la « Hargila Army » de Barman, un groupe d’entraide composé de 70 femmes, pour la plupart recrutées chez des familles propriétaires d’arbres à nidification, qui possèdent toutes un savoir-faire poussé en tissage. Assam est célèbre pour ses serviettes gamocha et autres textiles, tissés à partir de coton ou de soie et décorés avec des motifs traditionnels tels que des fleurs. Ces tissus sont désormais agrémentés de Marabouts argalas.
Barman a utilisé une autre de ses « astuces » pour rendre cela possible : elle a réussi à obtenir du gouvernement un don de métiers à tisser high-tech et de la laine de haute qualité. Elle a ensuite créé un programme d’engagements. « Vous allez devenir la Hargila Army ! Protectrice des arbres ! Protectrice des oiseaux ! Votre devoir est de tisser le motif de la cigogne ! », scande la biologiste à ses nouvelles recrues.
Il est attendu que la vente des gamochas décorés de Marabouts argalas, avec le soutien du gouvernement pour la commercialisation, puisse bénéficier aux femmes des villages, qui sont pour la plupart pauvres. En outre, une vente à grande échelle de ces magnifiques textiles permettrait d’augmenter la sensibilisation du public en Inde et dans d’autres pays et aiderait à changer l’image qu’a cette espèce, vue comme un détestable nuisible.
Barman a recueilli d’autres aides gouvernementales. Grâce à un membre de la commission du district de Kamrup favorable à la cause, tous les arbres à nidification disposent désormais de filets pour récupérer les oisillons tombés de leur nid. Le Département des forêts d’Assam, tout comme la police locale, participent aux sauvetages. Les services de police de Kamrup laissent même à disposition ses véhicules pour qu’ils soient utilisés comme ambulance pour les oisillons lorsqu’un oiseau blessé a besoin d’être transporté jusqu’au zoo.
Barman prévient que ce soutien local reste précaire. À chaque fois que les membres d’un organisme public changent, ce qui arrive à une certaine fréquence, elle doit recommencer sa campagne de sensibilisation sur le Marabout argala depuis le début.
Mais surtout, son travail précurseur de conservation sur le terrain a attiré l’attention à l’étranger et lui a permis de recevoir un soutien de la part du Conservation Leadership Program (CLP) et du Mohamed bin Zayed Species Conservation Fund. Mohamed bin Zayed Species Conservation Fund. Barman « a inspiré de nombreuses personnes à agir pour aider à la conservation de cet oiseau qui n’est pas estimé à sa juste valeur », déclare Stuart Paterson, cadre dirigeant chez CLP. « Elle a travaillé sans relâche pour recueillir un soutien local et national impressionnant venant d’hommes politiques, de communautés locales, de célébrités et d’organismes de conservation en Inde. Ce travail est récompensé par une augmentation du nombre de nids, du taux de reproduction et par une plus grande sensibilisation parmi les communautés et les parties prenantes gouvernementales. »
Barman a reçu cette année un Prix pour la conservation de la biodiversité en Inde, de la part du gouvernement indien en partenariat avec le programme de développement des Nations Unies. Elle a également reçu le Prix Earth Hero de la Royal Bank of Scotland.
Faire du Marabout argala la priorité
Il y a eu une époque où elle n’était pas aussi encouragée. « La société étant dominée par les hommes, j’ai dû surmonter de multiples difficultés », se souvient Barman. « Quand j’ai commencé à travailler sur le Marabout argala, nombreux sont ceux qui m’ont ri au nez ». Parmi ceux-là, se rappelle Barman avec tristesse, figuraient des confrères chercheurs : « Pourquoi travailles-tu sur cette espèce ? Cet oiseau ne t’apportera ni notoriété ni de respect. »
Barman a également dû faire des sacrifices. Elle a mis de côté le doctorat qu’elle avait commencé en 2007 afin de consacrer son temps à du travail associatif. Une vocation qui, comme elle le reconnaît, est plus exigeant encore que de grimper sur une tour en bambou de 20 mètres pour observer le comportement de nidification du Marabout argala. « Je travaille avec plus de 10 000 personnes. Je pense qu’il est très facile de contrôler des animaux, mais gérer des personnes… », ça l’est beaucoup moins.
Elle est néanmoins très satisfaite de voir à quel point le regard porté sur le Marabout argala a changé dans le district de Kamrup. Tout en admettant qu’il y a encore beaucoup à faire.
Elle espère lancer un programme de plantations pour remplacer les arbres à nidification vieillissants et souhaite élargir sa zone de travail à d’autres régions d’Assam où la plupart des arbres à nidification ont été abattus. Elle a également pour ambition d’établir un centre de sauvetage dédié aux Marabouts argalas, à l’instar de celui géré par Mishra à Bihar, mais n’a pour le moment pas les moyens de financer un tel projet.
Un vent d’espoir
Pour l’instant, les oisillons qui sont en difficulté et qui sont sauvés par les villageois et la police sont recueillis au zoo de l’État d’Assam pour être relâchés là où se trouvent de grands attroupements de Marabouts argalas adultes dans l’espoir fou que les jeunes oiseaux survivent.
Mais n’allez pas imaginer ces charognards disgracieux volant dans la nature, dans le style du film Vivre libre. La réalité offre une scène moins héroïque et élégante : « Le plus simple est de les déposer dans une décharge », indique Ian Barber, qui s’est déjà rendu sur l’habituel site de remise en liberté.
Oui, dans une décharge.
Les zones humides s’étant raréfiés à Assam, les oiseaux ont dû s’adapter pour collecter leur nourriture dans une énorme décharge en périphérie de Guwahati, la plus grande ville d’Assam. « Des groupes de 50 à 100 oiseaux errent dans le coin, au milieu de toutes les autres choses qui s’y déroulent, pour tenter de trouver de la nourriture », déclare Barber. Bien sûr, aux yeux d’un Marabout argala, il s’agit là d’un dîner 5 étoiles.
Pour Barman, assister à l’un de ces lâchers est une célébration, comme le serait le départ en voyage d’un membre de la famille. « J’ai l’impression que cet oiseau est mon enfant partant étudier à l’étranger. Je deviens très, très émotive. »
Elle espère qu’un jour la protection du Marabout argala devienne à Assam une préoccupation aussi importante que celle des rhinocéros et des tigres, espèces possédant légèrement plus de charisme et que l’on trouve encore dans la région.
Barber reste prudemment optimiste quant à la possibilité de sauver l’oiseau de l’extinction. « Je pense que le travail qui est fait en Inde devrait l’aider à survivre encore au moins 5 ou 10 ans. D’ici là, nous devons accroître nos efforts pour ce qui est de l’augmentation de la population et de la conservation des zones qui sont disponibles pour la nidification et des zones où l’espèce se nourrit. Il y a suffisamment de Marabouts argalas dans la nature pour pouvoir agir [de manière positive pour l’avenir], mais c’est aujourd’hui que nous devons intervenir. »
Purnima Devi Barman ne montre aucun signe de relâchement pour sa campagne de sensibilisation pour l’espèce. Comme elle l’explique elle-même : « Le Marabout argala représente tout pour moi. C’est devenu toute ma vie, mon âme. »