- Il faut des écoles, dans les zones minières, comme alternatives au travail des enfants.
- Les mines de cobalt reçoivent encore plusieurs milliers d’enfants, en République démocratique du Congo, et la filière artisanale a besoin d’assainissement, selon un rapport.
- Mais des acteurs locaux ne soutiennent pas ce tableau sombre et indiquent que des progrès ont été réalisés en dépit des défis qui restent à relever.
En République démocratique du Congo (RDC), le travail des enfants dans les mines comporte d’importants risques et viole les lois internationales et nationales sur le travail.
Les enfants qui lavent, trient ou, parfois, creusent les minerais dans des tunnels exigus et peu aérés, seraient 35 000 sur près de 255 000 exploitants artisanaux, d’après le rapport intitulé « Global Trace : The Cobalt Supply Chain Mapping Report », financé par le Département du Travail des Etats-Unis, publié en 2025, et consulté par Mongabay.
Auteurs de ce rapport, la plateforme de renseignements sur la chaîne d’approvisionnement EiQ et la société SLR Consulting, un cabinet international de conseil en développement durable, indiquent par ailleurs que dans les provinces congolaises du Haut-Katanga et du Lualaba riches en cuivre et cobalt, entre 67 000 et 80 000 travailleurs sont affectés par le travail forcé, du fait des pratiques telles que les recrutements trompeurs, les heures abusives, ou encore les restrictions des mouvements.
Mais, d’après la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) de la RDC, le nombre de ces enfants serait plutôt 16 845, filles et garçons, pour la période de 2019 à 2022.
Dans son rapport de 2024, que Mongabay a consulté, la CNDH indique en outre que le travail des enfants est « en voie de disparition ».
Cette divergence traduit un déficit de données publiques précises, les seules accessibles n’ayant pas été mises à jour depuis décembre 2024. Ces dernières, fournies par le logiciel SSRTE développé pour le Système de Suivi de Remédiation du Travail des Enfants (SSRTE), un service public qui ambitionne d’éradiquer le travail des enfants dans les mines artisanales, avancent 6121 enfants confirmés et 121 autres dont le statut attend d’être confirmé.
Pour Emmanuel Wahiva, conseiller au ministère provincial des mines du Lualaba, les différents chiffres qu’avancent les ONG ne sont pas tellement fondés. « Nous nous fions beaucoup à cet outil, parceque il n’y a pas cette histoire de manipuler les chiffres. C’est-à-dire, lorsque nous identifions un enfant, nous savons où on l’a identifié. Il y a les coordonnées géographiques qui vont apparaître dans le système. Donc, on ne peut pas enregistrer un enfant qui n’est pas dans les mines », explique à Mongabay, Wahiva, joint au téléphone.
Il souligne également qu’en plus de la scolarisation des enfants identifiés dans les mines, le gouvernement provincial du Lualaba prépare une équipe censée assurer le suivi de la présence des enfants dans les mines, en vue d’une meilleure prise en charge. Et, pour cela, des examens sont en cours en vue de l’inscription des coûts de cette commission au budget provincial 2026.

Des efforts nationaux invisibles ?
Depuis 2017, les autorités congolaises ont entamé des efforts visant à sortir les enfants des carrières artisanales de cuivre et de cobalt. Ils étaient estimés, cette année-là, à 40 000, d’après le rapport d’Amnesty International. Mais des enfants y sont encore visibles, conviennent les acteurs privés et publics, notamment la CNDH.
Mais l’évocation du « travail forcé », que l’Organisation internationale du travail (OIT) définit comme étant réalisé sous la menace ou par des procédés de manipulation, ne rencontre pas, à proprement parler, les réalités contenues dans le phénomène de l’artisanat minier en RDC, fait remarquer Fréderic Malu, Directeur exécutif d’Action for Integral Development (AFID), une organisation non gouvernementale locale basée à Lubumbashi. « Les creuseurs viennent volontairement, y compris les enfants et les femmes. Toutefois, on peut parler de travail forcé dans la mesure où le consentement d’un enfant n’est pas valable au regard de son âge », explique Malu.
« La législation du travail ne s’applique pas dans le secteur minier artisanal », précise, en plus, Malu, à propos de « techniques de recrutement trompeur » évoquées dans le rapport de EiQ et SRL.
Toutefois, le rapport de la CNDH souligne cette considération en parlant de l’existence d’un réseau de trafiquants d’enfants. Il s’agit, d’après ce rapport, des adultes qui conduisent des enfants dans les mines comme nettoyeurs, transporteurs de minerais, voire pour voler des minerais à leur compte et ou encore se prostituer, pour des jeunes filles livrées aux creuseurs artisanaux.
Mais, ces pratiques ont tendance à occulter certaines avancées, s’offusque Chadrack Mukad, porte-parole de la société civile du Lualaba, à l’instar des sorties des enfants des mines. « Pourquoi les chiffres sont toujours les mêmes malgré les différents efforts conjugués par les parties prenantes dans la lutte contre cette problématique ? Nous pensons que cette question est devenue un fonds de commerce pour plusieurs organisations internationales surtout. Je n’ai pas l’intention de nier la présence des enfants dans les sites miniers. Donc, il est vrai qu’à ce jour, la question des enfants dans les sites miniers n’est pas à une proportion inquiétante, comme cela était il y a 5 ans. Nous devons reconnaître et saluer le travail abattu par l’État congolais, les partenaires internationaux et les ONG locales », explique Mukad.

De la mine à l’utilisateur final : assainir la filière
En ce qui concerne la cartographie du cobalt issu de l’artisanat, principal objectif poursuivi par le rapport « Global Trace : The Cobalt Supply Chain Mapping Report », ce dernier décrit des acteurs à cinq niveaux différents de responsabilité. Au sommet, se classent les grandes compagnies minières telles que la chinoise CMOC ou la britannique Glencore, d’une part. D’autre part se trouvent les exploitants artisanaux, dont le nombre varie entre 150 000 et 200 000 personnes dans les mines de cobalt et de cuivre, d’après le rapport. Ils assurent entre autres près de 20 % de la production congolaise de cobalt, voire 30 %, selon le même rapport.
Ce niveau est suivi des unités de traitement locales des minerais du secteur artisanal : parfois clandestines, elles produisent de l’hydroxyde de cobalt, la poudre grise prête pour l’exportation. Les conditions de travail n’y sont pas surveillées ; surtout, il y a un risque de perte de traçabilité, indique le même rapport.
Les trois derniers niveaux correspondent aux transformateurs du cobalt raffiné en matériaux pour les batteries électriques (lithium-ion) en Chine, au Japon ou encore en Corée du Sud, et les fabricants de batterie tels que CATL, LG Chem, Panasonic, Tesla, etc. situés en Asie et aux Etats-Unis, notamment. Viennent enfin les utilisateurs finaux.
Les principes de responsabilité, à l’instar de la diligence raisonnable, qui voudrait que soient anticipés et atténués les effets néfastes pouvant résulter d’une activité industrielle, ne s’appliquent pas à la base de cette filière, sous pression notamment de la société civile, ce qui implique le déficit de traçabilité, d’après le même rapport.
La Chine raffinant 78 % du cobalt mondial et fournissant une part importante de ces matériaux, le contrôle de la chaîne d’approvisionnement ne saurait se faire sans elle.

Organiser la traçabilité du cobalt
Les auteurs du rapport « Global Trace : The Cobalt Supply Chain Mapping Report » suggèrent pour renforcer la traçabilité de la filière du cobalt artisanal l’outil numérique « Global Trace ». Financé par le Département du Travail des États-Unis à hauteur de 4,6 millions USD, Global Trace permet de suivre le cobalt de l’extraction à l’utilisateur final. Pour cela, il suffit de renseigner les données sur l’origine du produit, à chaque étape.
Ce type de procédure peut cependant butter sur des sensibilités d’ordre sécuritaire comme l’a été la règlementation européenne Zéro déforestation. Exigeant de renseigner les coordonnées de géolocalisation de l’origine des produits destinés au marché européen, la Chine l’a rejeté en y voyant des risques pour sa propre sécurité.
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Mais, surtout, il faudra s’attaquer à un phénomène majeur, qui sous-tend les désordres rapportés par les ONG : la pauvreté, expliquent nos interlocuteurs à l’instar de Mukad. « Aujourd’hui, la présence des enfants dans les sites miniers a pour causes l’exploitation artisanale dans les quartiers résidentiels, la proximité de certains sites miniers (mines artisanales, centres de négoces ou dépôts d’achat) avec les habitations. Les conditions socio-économiques précaires dans certains ménages, qui font que certains parents laissent ou encouragent leurs enfants à aller dans les sites miniers pour des raisons suivantes », explique Mukad.

Une pauvreté qui complique la prise en charge
Mais, pour Donat Kambola, défenseur des droits humains et membre de la société civile du Lualaba à Kolwezi, il importe avant tout de déterminer les Zones d’exploitations artisanales prévues par la loi minière avant tout contrôle pérenne. « Les gens sont en train d’envahir les sites industriels. Et, tout ce qui se fait de façon clandestine est difficile à être contrôlé », explique Kambola.
Il faudra, ensuite, éviter les généralisations en matière du travail des enfants dans les mines. Puisque « chaque enfant a son histoire », explique Kambola.
Il ajoute : « Quand vous allez aujourd’hui au village Chabula [dans la périphérie sud-est de Kolwezi, Ndlr], où il n’y a pas une zone d’exploitation artisanale, par exemple, il y a une exploitation artisanale, qui se fait sur les remblais de l’entreprise COMMUS, où tout le monde peut accéder sans aucun contrôle, et où les femmes et les enfants manipulent les substances minérales sans aucune protection. J’ai rencontré des enfants, notamment des jeunes filles, qui y vont pour des besoins de survie, parce qu’il suffit de passer une journée en train de ramasser ces substances minérales, les amener au comptoir d’achat qui sont juste à côté, pour facilement avoir 100 000 francs congolais ou 50 USD la journée. Ainsi, ça permet de faire face à ses besoins, étant donné la pauvreté de ses parents ».
Toutefois, la CNDH dénonce la pauvreté structurelle voir endémique, la faiblesse des infrastructures sociales et parfois des réseaux criminels, qui entretiennent encore le phénomène.
Pour la CNDH, comme l’indique par ailleurs le rapport de « The Impact Facility, Fair Cobalt Alliance et Levin Sources », réalisé de 2021, qui dresse aussi une cartographie de la chaîne d’approvisionnement du cobalt en RDC, la prise en compte du facteur pauvreté permet d’envisager un meilleur encadrement du secteur artisanal du cobalt. Cela permet, d’après ces deux rapports, de construire une filière responsable et bénéfique pour les communautés locales. Tous les trois rapports, enfin, disent que la pauvreté, l’absence d’emplois décents et les abus opérés par des tiers marquent cette activité, résultant de l’échec du secteur minier industriel au plus grand nombre.
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Pour y parvenir, ils insistent, enfin, sur une solution collective, impliquant divers acteurs au lieu des acteurs nationaux seuls : politiques publiques, initiatives privées et pression des marchés. Cela implique le processus de responsabilité souhaité à chaque étape, y compris en luttant contre la corruption.
Avec la collaboration de Prosper Heri.
Image de bannière : Les plus grands défis en matière de développement durable et de droits humains auxquels est confrontée l’extraction artisanale du cobalt, notamment le travail des enfants et l’exploitation sexuelle des femmes, se situent généralement dans les zones de tolérance et les résidus miniers industriels. Image de The International Institute for Environment and Development (IIED) via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
La difficile valorisation de la filière artisanale du cobalt et du cuivre en RDC
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