- Dans la province du Maniema, en République démocratique du Congo, le nombre d’hippopotames semble augmenter à Makola.
- Ces animaux détruisent les champs et attaquent les humains, créant un conflit avec ces derniers.
- À leur refoulement, certains animaux sont abattus et leur viande consommée.
- Les défenseurs de la faune proposent une approche visant à pacifier la relation homme-faune.
Un hippopotame (Hippopotamus amphibius) mort est couché sur son dos, sur une rive du Lualaba, appellation du fleuve Congo dans sa partie comprise entre la source dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC) et la ville de Kisangani, au nord-est. Au moyen d’une chaîne accrochée à ses dents, une dizaine d’hommes, dont un tenant une arme automatique, le tire sur le rivage. L’assistance émet des cris de joie et de victoire. La scène est filmée vraisemblablement avec le téléphone.
L’ambiance est festive, puisque le mammifère servira bientôt de viande. Une voix off, qui se dégage de la vidéo de 5 minutes 13 secondes, explique qu’une délégation du gouvernement provincial du Maniema assiste à la scène au village Makola, la capitale provinciale. Cette délégation est venue refouler les hippopotames dans le groupement Makola traversé par le fleuve, situé à près de 70 km de Kindu au centre-est de la RDC.
« Ces hippopotames ont déjà tué au moins 4 personnes. Ces personnes ont laissé des familles et des orphelins. Le gouvernement provincial, dirigé par le gouverneur Mussa Kabwankubi, a jugé bon d’envoyer des missionnaires pour aller faire la paix dans cette partie du pays ; l’objectif étant le refoulement des bêtes. Ce que vous voyez là, il a quand même résisté », entend-on dans la vidéo.
Mongabay a joint au téléphone le ministre provincial de l’environnement, Francis Lutaka, pour vérifier l’authenticité du récit. Ce dernier a dit n’avoir pas vu la vidéo montrant l’animal abattu. Mais il a confirmé l’envoi d’une équipe à Makola en vue de disperser les animaux qui menacent les habitants.
« Les hippopotames sont des espèces que nous protégeons dans l’environnement. L’objectif n’est pas de les abattre. La loi l’interdit », a dit le ministre. Toutefois, expliquant les prescriptions de la loi n°006 fixant les taux de taxes, taxes et redevances à percevoir sur des espèces fauniques, Lutaka a indiqué que les animaux, qui se montrent agressifs lors des opérations de refoulement, peuvent être abattus : « seulement quand la menace est permanente », a-t-il insisté.
Et d’expliquer encore : « Ce ne sont pas les autorités locales qui doivent prendre une telle décision. Elles doivent informer les autorités provinciales. Il faut dans ce cas vérifier et constater que les animaux représentent réellement une menace permanente. C’est dans ce contexte que, après avoir réuni toutes les informations, on peut procéder à ce qu’on appelle le refoulement. Mais qui dit refoulement ne dit pas qu’il faut abattre l’animal. Il ne s’agit pas d’organiser une chasse pour abattre les animaux. La loi l’interdit ».

Des hippopotames en augmentation, est-ce un prétexte pour consommer la viande ?
« Le refoulement est fait en tirant des coups de feu en l’air », explique encore le ministre. « Mais l’évocation de la menace contre les habitants, surtout les pêcheurs, sert parfois de prétexte pour justifier l’abattage de cette espèce protégée en RDC », dit Jean-Claude Sefu, représentant de la Société civile environnementale et agro-rurale du Congo (SOCEARUCO). Il explique que c’est au moins la 4e fois qu’un hippopotame est tué dans des circonstances similaires, dans cette région, précisément entre Makola, Lomami et Bangengele. « Bien sûr qu’il y a des attaques », reconnaît Sefu. « Il y a des endroits où ces hippopotames se rendent pour se multiplier. Quand la population passe par là, les animaux se montrent très méfiants et les attaquent. C’est là qu’on voit la population faire des déclarations », ajoute-t-il.
« Bien plus, la population de cette espèce augmente dans la région », reconnaît le ministre de l’intérieur du Maniema. Rien qu’autour de Makola, explique le ministre Lutaka, le chef du village et ses services « ont identifié jusqu’à 45, ceux qui étaient visibles et avec possibilité d’arriver à 60 seulement dans ce petit espace. Donc, il y a augmentation. Puisqu’à un moment donné, ils ne se laissaient plus voir, environ une année », a-t-il déclaré à Mongabay au téléphone.
Cette même tendance est observée à Kibongoli et à Kitete, deux localités situées dans la même région, sur le fleuve Congo, selon Sefu.
Pacifier une proximité qui annonce un conflit appelé à durer
Pour Lutaka, les attaques contre les populations interviennent parfois lors des traversées du fleuve pour des activités agricoles, et non pas seulement durant la pêche. « D’ailleurs, d’après mes récentes informations, les hippopotames arrivent dans le petit marché du village Makola. L’animal vient menacer les habitants jusqu’au petit marché, et les gens abandonnent les articles qu’ils vendent, et ça devient une panique totale », rapporte Lutaka.
« Cette proximité suppose un conflit appelé à durer », dit pour sa part Josué Aruna, le responsable de SOCEARUCO. Aruna propose une pacification durable du voisinage entre les localités, souvent proches des cours d’eau autour de la Ruzizi, affluent du fleuve Congo dans le Sud-Kivu voisin, où l’abattage des hippopotames a aussi lieu de temps en temps, ou encore sur le lac Tanganyika.
« Il est question d’abord de sensibiliser la population pour qu’elle comprenne qu’il n’y a jamais eu des hippopotames qui viennent occuper leur maison. Donc, l’hippopotame attaque les champs, parce qu’on est allé cultiver dans son périmètre de récréation. Si l’hippopotame est entré dans la maison, donc on a construit dans son habitat. Et donc, les dispositions nécessitent d’être prises par les autorités », explique Aruna.
Dans le cadre de cette cohabitation pacifique entre faune et humains, Aruna et son association travaillent à aménager des sites touristiques à partir desquels les populations riveraines peuvent observer les animaux et tirer profit du tourisme, à l’avenir.

De la viande d’hippopotame pour le bien des miliciens
Mais la démarche d’Aruna s’inscrit à ce jour dans le moyen ou long terme. Puisqu’il faut d’abord sécuriser la région. Dans le Maniema, en effet, les abattages d’hippopotames ne relèvent pas simplement des menaces qu’elles exercent sur les récoltes ou les humains.
Le principal moteur identifié, depuis 2020, est le braconnage. Il est pratiqué par les miliciens May-May Malaïka actifs dans le territoire de Kasongo, selon Sefu. Ce dernier explique qu’à Kasongo, un territoire de la province du Maniema, 28 hippopotames ont été tués pour leur viande et leurs défenses. Cela contribuerait ainsi à financer la milice.
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Dans le Maniema, par ailleurs, les autorités interdisent la chasse de gibier entre mai et juillet. Cette décision permet aux animaux de se reproduire dans la région. Mais elle constitue un alibi, selon Sefu, pour compenser le déficit de viande de brousse en recourant aux hippopotames. D’après son observation, après l’abattage d’un hippopotame, les populations ne rapportent plus régulièrement les attaques d’animaux.
La région concernée par ce conflit entre les hommes et les animaux située le long du fleuve Congo, dépend de la pêche et de l’agriculture. Parfois très enclavées, certaines contrées comptent une population défavorisée. Et à cause d’une pêche intensive, il arrive par endroit que le poisson se raréfie et que les populations recourent à la chasse, y compris parfois des espèces interdites comme les grands singes et les hippopotames, selon Sefu.
Image de bannière : Des Hippopotames dans l’eau d’un cours d’eau en RDC. Image de Société civile environnementale du Sud-Kivu.
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