- Un nouveau rapport indique que le Cameroun a perdu ces cinq dernières années près de 782 000 hectares, soit 4,2 % de son couvert forestier.
- Cette déforestation est due à l’essor de la production de cacao pour approvisionner le marché européen et menace la biodiversité dans la région du Littoral au sud-ouest du pays.
- Si le Règlement de l'Union européenne sur la déforestation, qui entre vigueur à la fin de l’année 2025, n'est pas bien connu des exploitants camerounais, certains experts y voient des obstacles dans son application.
Déjà menacées par l’huile de palme et l’exploitation forestière, les forêts du Cameroun font aujourd’hui face à un nouveau facteur de déforestation : l’essor de la production de cacao pour approvisionner le marché européen.
Un nouveau rapport du groupe de défense de l’environnement Mighty Earth révèle que la déforestation s’est accélérée au Cameroun, le pays ayant perdu près de 782 000 hectares, soit 4,2 % de son couvert forestier, en seulement cinq ans depuis 2020.
Jusque-là, le Cameroun avait perdu environ 6 % de son couvert forestier entre 2000 et 2020, principalement à cause de l’exploitation forestière et de la production d’huile de palme, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Au moins la moitié des pertes récentes de forêts observées depuis 2020 ont eu lieu dans les régions productrices de cacao, a constaté Mighty Earth.
« Avec la croissance prévue de l’industrie du cacao, cela pourrait vraiment continuer à augmenter », a dit Thea Parson, co-autrice du rapport de Mighty Earth, à Mongabay dans une interview.
En janvier 2025, les partenaires camerounais de Mighty Earth ont évalué les zones productrices de cacao dans la région du Littoral au sud-ouest, à l’aide d’alertes satellites et d’enquêtes sur le terrain et ont observé que la déforestation pour des plantations de cacao se poursuit.
Dans la commune de Nkondjock près du Parc national d’Ebo, qui abrite des gorilles des plaines de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla) et des éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) en danger critique, par exemple, l’équipe a documenté des défrichements récents de forêts et des cacaoyers fraîchement plantés.
L’Europe est le plus gros acheteur de cacao du Cameroun, la forme transformée de la fève de cacao, la déforestation récente pour la culture du cacao met de nombreux exploitants en violation du Règlement de l’Union européenne sur la déforestation (RDUE). Le texte important, qui doit entrer en vigueur à la fin de l’année 2025, exige des importateurs, de vérifier que leurs produits ne proviennent pas de forêts défrichées après le 31 décembre 2020.
Mais peu d’exploitants camerounais ont entendu parler du RDUE.
« Dans l’ensemble, il semble que le soutien que les cultivateurs reçoivent par rapport au RDUE et leur degré de préparation ne sont pas au niveau où ils devraient être pour l’application du règlement à la fin de l’année », a dit Parson, à Mongabay.
Le fait que l’industrie dépend d’intermédiaires non réglementés, ou coxeurs, pose une difficulté pour l’exigence de traçabilité du RDUE. Les cultivateurs préfèrent les coxeurs pour obtenir des paiements rapides, bien que bas, et les négociants apprécient leur capacité à obtenir des fèves de haute qualité à bas prix. Toutefois, étant donné que la marchandise change de mains plusieurs fois par l’intermédiaire de ces coxeurs avant d’atteindre les exportateurs, des fèves provenant de zones récemment défrichées peuvent se retrouver mélangées à celles des exploitations plus anciennes, compromettant la transparence.
Parson explique que l’une des recommandations formulées dans le rapport est de renforcer les relations entre les cultivateurs et les entreprises, et de réglementer ou de mieux formaliser la profession de coxeur (si celle-ci conserve une raison d’être) dans la chaîne d’approvisionnement.
Les enjeux sont importants. En Côte d’Ivoire, la conversion de la forêt tropicale pour la culture du cacao a eu un effet ravageur sur la biodiversité. Mais, selon Luca Luiselli, un professeur d’écologie à l’université de Lomé au Togo, qui n’a pas contribué au rapport, la géographie du Cameroun pourrait participer à empêcher une déforestation à grande échelle.
« Le paysage forestier au Cameroun est beaucoup plus montagneux et l’accès nécessaire à la création de grandes plantations est beaucoup plus difficile », a dit Luiselli, à Mongabay.
Image de bannière : Un terrain défriché sur la commune de Nkondjock avec des cacaoyers récemment plantés. Image fournie par Communauté et Développement Durable (CODED), Cameroun.
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 4 août, 2025.