- Au Sénégal et au Kenya, des petites et moyennes entreprises (PME), exposées à des chocs climatiques, dirigées par des femmes, adoptent des stratégies d'adaptation durables comparativement à celles dirigées uniquement par des hommes.
- Des chercheurs suggèrent qu’en Afrique et ailleurs, les femmes seraient plus susceptibles d'adopter une perspective à long terme, dans leurs préférences d'adaptation, et que le leadership féminin peut soutenir l'innovation.
- Également, l'accès à l'aide à l'adaptation semble avoir une plus grande influence sur la probabilité qu'une entreprise entreprenne des mesures d'adaptation parmi les entreprises dirigées par des femmes que parmi celles dirigées uniquement par des hommes.
Parallèlement aux études qui montrent que les femmes africaines sont souvent particulièrement vulnérables au changement climatique et confrontées à une multitude de risques climatiques par rapport aux hommes, une récente étude publiée dans la revue Elsevier révèle que les femmes africaines entrepreneures pourraient également montrer la voie en matière de résilience climatique en Afrique.
À l’aide de données d’enquêtes au niveau des entreprises provenant de régions semi-arides de Louga, Saint-Louis et Kaolack au Sénégal et du comté de Laikipia au Kenya, il a été étudié comment la représentation des femmes dans la propriété et la gestion des micros et petites entreprises influence l’adoption de stratégies d’adaptation durables et non durables au niveau de l’entreprise, avec une exposition croissante aux événements météorologiques extrêmes.
Les résultats de l’étude conduite par Kate Elizabeth Gannon, Professeur adjoint, chargée de recherche à l’Institut de recherche Grantham sur le changement climatique et l’environnement (Royaume-Uni), montrent que les entreprises dirigées par des femmes et confrontées à un plus grand nombre d’événements extrêmes adoptent des stratégies plus durables et moins non durables que celles dirigées uniquement par des hommes.
« Il est évident que la flexibilité du genre féminin à s’adapter (sa carrure d’adaptation) est beaucoup plus souple que chez l’homme. L’homme est un peu rigide dans ce qu’il croit, et ce qu’il fait. C’est peut-être naturel, mais la femme réfléchit longtemps, mais trouve toujours la faille pour s’y faufiler. C’est ce même comportement qui leur permet cette flexibilité au phénomène climatique », dit Professeur Michel Boko, climatologue à l’université d’Abomey-Calavi (Bénin) à Mongabay.

« Je pense que les femmes sont souvent beaucoup plus perceptibles que les hommes dans beaucoup de domaines », dit Julien Cretat, climatologue au laboratoire bio géosciences à l’université Bourgogne Europe en France. Ses études portent sur les moussons en Afrique de l’ouest, en Inde et Afrique australe, et sur l’impact du climat sur les échanges de carbone entre les écosystèmes comme des forêts ou des vignes et l’atmosphère.
Le genre et l’adaptation au changement climatique
Les auteurs de l’étude relèvent que le genre façonne les choix et les préférences en matière d’adaptation. Ils notent que les femmes entrepreneures sont souvent impliquées dans des activités et des secteurs de subsistance à petite échelle, tels que l’agriculture, la transformation agricole à petite échelle, le commerce informel et l’hôtellerie ; des secteurs qui sont très vulnérables aux perturbations climatiques.
Ces auteurs soulignent également qu’elles sont responsables de tâches au niveau du ménage, telles que la collecte de l’eau, la préparation des repas et la garde des enfants, qui sont susceptibles d’être perturbées par les variations climatiques et les événements météorologiques extrêmes.

« Les femmes sont la plupart du temps plus réceptives que les hommes, parce que ce sont elles qui sont la plupart du temps disponibles à appliquer ce qu’on leur dit et expérimenter pour voir le résultat », dit Dr Angèle Boko-Haya Dimon, enseignante en tourisme, hôtellerie et restauration au lycée technique d’Akassato, une localité de la Commune d’Abomey-Calavi.
Lors des travaux de recherche de sa thèse, elle a interrogé des femmes pêcheurs, mareyeuses, et fabricantes de sel, à Grand Popo au sud-ouest du Bénin, qui ont partagé avec lui beaucoup d’astuces pour contrer les affres du changement climatique. « En ce qui concerne le vent, elles adoptent la plantation de filao, et lorsque le vent arrive, les filaos le repoussent vers la mer ».
« Il y a à Djibouti des femmes entrepreneuses qui sont financées, entre autres, par l’État et qui ramènent des solutions innovantes comme par exemple des cultures qui ne sont pas trop gourmandes en eau. Des solutions sont développées localement et sont soutenues par le gouvernement », dit Dr Moussa Mohamed Waberi, chercheur au Centre d’étude et de recherche de Djibouti (CERD), affilié à l’Observatoire régional de recherche sur l’environnement et le climat (ORREC).
« Quand on vit au village et voit comment les femmes arrivent à s’en sortir, l’on peut comprendre que celui qui a dit que les femmes s’adaptent mieux n’a pas menti. Mais une fois qu’on constate que la femme arrive à se faufiler dans ce brouillard de changement climatique et trouver sa route, il faudrait aller vérifier si c’est fondé sur une base scientifique durable », dit Boko.
« Au Bénin, les femmes font de l’adaptation au changement climatique et nous les voyons à travers les modes de production. Elles développent des méthodes avec l’appui du gouvernement, des ONGs, même dans les terroirs villageois, et contribuent au PIB de façon substantielle, changeant leur mode de vie, méthodes de conservation et modes de culture pour s’adapter à la calamité climatique, conserver l’eau et aussi face à la dégradation des terres », dit Constant Houndénou, Professeur de géographie quantitative liée au climat, à l’université d’Abomey-Calavi.

Des actions à orienter à l’endroit des femmes entrepreneures africaines
L’étude relève le potentiel des femmes en tant qu’actrices stratégiques du renforcement de la résilience et indique que cibler le soutien à l’adaptation du secteur privé sur les entreprises dirigées par des femmes pourrait être un moyen efficace de renforcer l’adaptation durable.
« Elles arrivent à intégrer facilement les enfants aux activités qu’elles réalisent en bonnes éducatrices, et leur inculquer les valeurs et notions qu’il faut pour atteindre un objectif donné », souligne Boko-Haya Dimon.
« Elles sont actrices de l’adaptation au changement climatique ; il faut les aider, les accompagner et les soutenir par tous les moyens possibles. Que les autorités prennent la mesure et agissent pour réduire les impacts du changement climatique », dit à Mongabay, Sandra Rome, Maître de conférences en géographie et climatologie, à l’université Grenoble Alpes en France. « Il faut s’adapter, c’est vrai, mais on peut aussi atténuer les effets du changement climatique. Il y a plein d’actions à faire », ajoute-t-elle.
« Appuyer les femmes, c’est leur donner plus de subvention pour développer les fonctions vertes pour aller vers plus d’activités qui soient résilientes, par rapport au climat. Les femmes pêcheurs, maraîchers etc, il faut les aider à s’adapter », dit Houndénou, invitant à continuer les actions entreprises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union Africaine, les Nations unies et les ONGs qui luttent contre les effets du changement climatique.
Image de bannière : Une boulangerie Mburu au Sénégal, une initiative sociale visant à autonomiser les femmes entrepreneures. Image de UN Women/Yulia Panevina via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Citation :
Gannon, K. E., Eskander, S. M.S.U., Avila-Uribe, A., Castellano, E., Diop, M., Agol, D. (2025). The role of gender in firm-level climate change adaptation behaviour : Insights from small businesses in Senegal and Kenya. Elsevier. https://doi.org/10.1016/j.crm.2025.100699
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