- En avril 2025, 11 militants anti-Eacop ont été arrêtés en voulant déposer une lettre dans une banque. Ils sont depuis incarcérés dans la prison de haute sécurité de Kampala, en attente d’un jugement.
- Face à la longueur inhabituelle de la procédure, l’avocat des militants, Maître Brighton Aryampa, dénonce un «effort délibéré pour dissuader la population de s'opposer à l’oléoduc ».
- Cette année, plus d’une centaine de militants STOP Eacop ont été arrêtés.
- L’EACOP est un oléoduc chauffé prévoyant la traversée d'une quinzaine d’aires protégées, devant occasionner le déplacement de près de 100 000 personnes.
Le 23 avril 2025, 11 militants du mouvement de protestation STOP Eacop sont arrêtés au siège de la Kenya Commercial Bank(KCB), à Kampala, en Ouganda. D’après leur avocat, les militants seraient venus déposer un courrier au représentant de la banque, afin de montrer leur désaccord au sujet de la décision de la banque de soutenir financièrement la construction du pipeline.
« On [un employé de la banque, Ndlr] leur a dit de se rendre dans le sous-sol de la banque, afin de rencontrer un responsable. Mais c’était une embuscade. Une fois? là-bas, ils ont été arrêtés. Ils sont depuis détenus à la prison de haute sécurité de Luzira et ils ont été accusés d’intrusion criminelle », explique Maître Brighton Aryampa, leur avocat.
La coalition Stop Eacop est un groupe d’organisations internationales de la société civile luttant contre l’East African Crude Oil Pipeline Project (EACOP), le plus long projet d’oléoduc chauffé au monde.
L’oléoduc EACOP, actuellement en construction par la multinationale française TotalEnergie, mesurera environ 1 400 km. Son tracé va du Parc national de Murchison Falls en Ouganda, jusqu’au port de Tanga en Tanzanie, et servira à acheminer du pétrole des 400 puits ougandais de Tilenga et Kingfisher, à le vendre sur le marché international.
Selon les estimations, 246 000 barils de pétrole couleront chaque jour dans cet oléoduc, pendant les 25 années d’exploitation prévues.
Toutefois, ce projet fait lever plus d’un sourcil, car il traversera une quinzaine d’aires protégées, et son bilan carbone présumé sera de 34 millions de tonnes de CO² par an, alors que l’Ouganda seul n’en émet que 5 millions de tonnes par an. Toutes ces raisons poussent des scientifiques à qualifier ce projet de « bombe climatique » contraire aux objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat. De plus, l’ONG les Amis de la Terre, estime que près de 100 000 personnes perdront, partiellement ou totalement, l’accès à leur terre, en raison de ce projet.
Aussi, une des façons pour les militants de faire ralentir, voire empêcher la construction de l’oléoduc, est d’écrire aux banques soutenant le projet. Une forme de protestation qui a déjà porté ses fruits, en 2023, lorsque la banque Crédit Agricole avait retiré son soutien au projet à la suite de la mobilisation.

Mais aujourd’hui, en Ouganda, initier ce type d’action peut exposer de lourdes conséquences. « Il y a eu des menaces, des intimidations. Depuis octobre 2024, nous avons enregistré plus de 120 cas d’arrestations de militants de Stop Eacop », déclare Zaki Mamdoo, coordinateur de la campagne StopEACOP. En 2024, la Fédération internationale pour les droits humains avait documenté 81 arrestations d’opposants au projet, rien qu’entre les mois de mai et de septembre. La particularité, cette fois-ci, est qu’au lieu de faire l’objet d’une comparution dans les 30 jours suivant l’arrestation, comme il est normalement d’usage, les 11 militants, maintenant connus sous le nom des KCB11, sont toujours en attente d’une audience devant la Cour des Magistrats (1ère instance de droit commun en Ouganda). « Il y a eu plusieurs reports sous divers prétextes : le 27 mai, le 26 juin, le 2 juillet et maintenant le 11 juillet. Ce n’est pas normal, surtout que la banque ne souhaite pas porter plainte. Selon moi, il s’agit simplement d’efforts délibérés pour dissuader la population de s’opposer à l’oléoduc », explique Maître Aryampa. Alors que leur audience devait avoir lieu le 11 juillet, elle a été une fois de plus reportée, au 17 juillet.
En 2024, l’organisation de Fact checking DeSmog avait publié une enquête révélant les dessous de la campagne de propagande numérique mise en place pour promouvoir le projet à travers des comptes gérés par Total Energies, des médias soutenus par le gouvernement et les services gouvernementaux. Une campagne suivie en parallèle de la multiplication des arrestations dans le camp des opposants.
« Nous demandons la fin de l’instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiques et nous voulons également que la KCB prenne ses responsabilités dans le rôle qu’elle a joué dans l’arrestation de manifestants pacifiques. En sus, nous demandons à la banque de retirer son soutien au projet », dit Mamdoo.
Mongabay a contacté la KCB pour en savoir plus, mais la banque n’a pas répondu à notre demande d’interview.
Image de bannière : Les militants du mouvement de protestation STOP Eacop. Image de STOP Eacop fournie par Elodie Toto.
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