- Dans la Province de Tshopo, dans le nord de la République démocratique du Congo, des étrangers sont impliqués dans l’exploitation artisanale de l’or.
- D’après le Code minier du pays, l’artisanat minier est réservé aux seuls nationaux.
- Une décision des autorités provinciales datée de janvier 2025 a suspendu toute exploitation minière dans la région, en vue d’obliger les sociétés minières à se mettre en ordre.
- Mais cette décision peine à être suivie d’effets, alors que l’impact environnemental de cette activité illégale semble être catastrophique dans la région.
Le pari s’annonce complexe pour la Province de Tshopo qui a promis, au début de l’année, de remettre de l’ordre dans le secteur minier. Depuis plusieurs années, près de 150 sociétés privées exploitent de l’or dans cette région du nord de la République démocratique du Congo (RDC), sans permis d’exploitation, selon les autorités provinciales. En même temps, des étrangers sont aussi signalés dans l’artisanat minier réservé aux nationaux.
« Le Code minier interdit explicitement aux personnes morales de droit étranger de participer à l’exploitation minière artisanale. En pratique, certaines entreprises étrangères ont tenté de contourner cette interdiction en établissant des partenariats avec des coopératives locales », explique Florent Kay, membre de l’ONG Ocean, basée à Kisangani, au nord de la RDC.
Une suspension non effective
Le 27 décembre 2024, le parlement provincial de Tshopo suspend l’exploitation minière dans toute la province. Par cette décision, les parlementaires, qui assurent le contrôle de l’administration provinciale, souhaitent que le gouvernement local lutte contre l’exploitation illégale des ressources minières, principalement l’or, rapporte le média onusien Radio Okapi.
À l’issue d’une mission conduite par des députés provinciaux dans le territoire de Bafwasende, qui relève de Tshopo, les élus ont constaté que des sociétés minières censées être en phase exploratoire, exploitaient déjà l’or. Au total, 142 sociétés sont dans cette situation, parmi lesquelles une seule, Libela SARL, serait en règle, d’après Thomas Mesemo, ministre des mines de Tshopo, rapporte Actualite.cd. Pourtant, selon la même source, les mêmes sociétés se sont déclarées en pleine recherche de gisements.
Le secteur minier fait face à un désordre qui dure depuis la décennie 2010, font remarquer des sources locales contactées par Mongabay. Pour Emmanuel Boselo, membre du Réseau d’information et d’appui aux ONG nationales (RIAO), la responsabilité morale des dirigeants est engagée dans la situation dénoncée par les députés. « Les autorités envoient des militaires qui montent la garde des sociétés », explique Boselo.

Une autre source contactée par Mongabay confirme cette situation. Elle a réussi à photographier une ressortissante chinoise dans la région, bien sécurisée par un policier armé.
« Nous avons des expatriés qui sont dans les sites miniers, alors que c’est totalement interdit par la loi. Nous avons des militaires dans les sites miniers. Il y a des conséquences d’ordre environnemental au-delà de l’évasion fiscale… », a expliqué à Radio Okapi, Mattheus Kanga, président du parlement de Tshopo, en janvier 2025.
Des étrangers dans les mines artisanales d’or
Malgré l’annonce de l’interdiction, l’exploitation de l’or continue dans la province de Tshopo, a appris Mongabay. Le chef de l’administration locale, Akpamba, joint au téléphone, a dit n’avoir pas reçu de notification de décision de suspension de l’exploitation. L’interdiction n’a pas été suivie d’effet, sur le terrain, comme l’a montré dès le 10 janvier, le média congolais Actualite.cd.
Dans cette région, les exploitants d’or sont de deux ordres, d’après les sources locales. « Il y a la présence des étrangers des différentes nationales : des Chinois, des Russes et des Africains. Il y a plusieurs nationalités », explique Akpamba à Mongabay, tout en refusant de dire si cette présence est conforme à la loi ou non.
D’après Crispin Mbindule, le chef du cadastre minier, le service public qui attribue les permis miniers, les dénonciations d’exploitation minière sans titres miniers, ont été confirmées par ses services à Mangi, dans le territoire de Banalia. Le ministère des mines en a été informé, a indiqué la même personne au média congolais Desk Eco.
Pour Boselo, tout « cela devient une « coop » [Ndlr, un arrangement frauduleux, dans le langage populaire de Kinshasa]. Les Chinois coopèrent avec des Congolais, des autorités », explique-t-il.

Des pollutions des cours d’eau
Quant aux nationaux, originaires de la région pour la plupart, leur travail reste manuel, limité aux creusages à la pelle. Quelques-uns sont employés dans les sociétés minières ou des coopératives contrôlées par des étrangers, explique Boselo.
Ce dernier poursuit : « Ceux qui recourent aux dragues, par exemple, n’ont besoin des traducteurs et quelques autres services. Ceux qui exploitent par des robots, le cas des dragues, la machine travaille du matin au soir à part le conducteur. Arrivé le soir, les Chinois récupèrent ce que la machine a récolté ».
Dans les territoires de Bafwasende et de Banalia, ces machines qui recherchent de l’or dans les cours d’eau comme l’Aruwimi, un affluent du fleuve Congo, inquiètent la société civile. Dans son rapport du 27 avril 2025, que Mongabay a consulté, la Société ivile Force vive du territoire de Banalia dénonce « une catastrophe environnementale et sociale », et des populations locales sacrifiées par les activités minières.
« Les méthodes d’extraction sont archaïques et hautement destructrices. L’utilisation d’engins lourds sans planification, ni contrôle entraîne un défrichage anarchique de la forêt, une érosion accélérée des sols et une pollution généralisée des cours d’eau (rivières Télé, Ndinda, Manene L’Uélé, Kano, Lipepe, Mandete et leurs affluents etc…) par les sédiments, les résidus chimiques et les rejets non traités », dit le rapport.
Mongabay n’a pas pu obtenir la réponse du gouvernement de Tshopo, malgré plusieurs tentatives auprès du gouverneur de la province et de la ministre des mines.
Image de bannière : Une vue du site minier de l’or de Nyamurhale en RDC. Image de USAID Land via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
FEEDBACK : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.