- Dans la région Nord du Burkina Faso, les producteurs agricoles perdent une grande partie de leurs productions à cause des fréquentes poches de sécheresse.
- En 2020, Boureima Sawadogo, producteur semencier, a perdu 15 hectares de maïs à cause de la sécheresse.
- Grâce à une méthode innovante appelée Bassins de collecte d’eau de ruissellement (BCER), il ne craint plus les poches de sécheresse, ni la perte de sa production.
- Ces bassins lui permettent désormais de stocker de l’eau, pour l’irrigation d’appoint pendant les poches de sécheresse.
Au Burkina Faso, l’irrégularité des précipitations occasionnent d’importantes pertes de récoltes. Les chiffres du ministère de l’agriculture montrent qu’à cause de la faible pluviométrie, la campagne agricole de 2011-2012 a été marquée par une baisse de production céréalière d’environ 19,61 % par rapport à la saison précédente. Pour pallier aux poches de sécheresse, le gouvernement burkinabè, en collaboration avec ses partenaires locaux et internationaux, a proposé en 2012-2013 la mise en place des Bassins de collecte d’eau de ruissellement (BCER), comme solution permettant aux petits agriculteurs de sauver leurs récoltes pendant les poches de sécheresse.
Après avoir perdu 15 hectares de maïs en 2019, Boureima Sawadogo, un producteur semencier dans le village de Poura, situé au Nord du Burkina Faso, a adopté les BCER en 2020. Ces structures rectangulaires mesurant au moins 13 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur, avec une profondeur de 2 mètres, peuvent stocker jusqu’à 300 mètres cubes, dans le but de garder les eaux de ruissellement à des fins utiles, pour le producteur durant les poches de sécheresse.
Au-delà de leur importance pour l’irrigation, les BCER rendent d’autres services aux populations rurales, comme l’affirme le producteur de maïs, de mil et de sorgho, Boureima Sawadogo, à Mongabay, dans une interview exclusive.

Mongabay : Vous êtes un producteur agricole à Poura, un village de la région Nord du Burkina Faso. À quelles contraintes pluviométriques faites-vous face ?
Boureima Sawadogo : Pourra est un village où l’agriculture reste l’une des activités principales pour la population locale. Cette zone sahélienne fait partie des zones les plus touchées par les crises de l’eau. Les poches de sécheresse sont fréquentes et le manque de pluie menace les récoltes. Il faut choisir des semences à cycles courts, qu’on peut récolter au bout de 80 jours.
Mongabay : La perte de rendement est une préoccupation majeure pour les producteurs. Quelles sont les conséquences du phénomène de sécheresse dans votre activité ?
Boureima Sawadogo : Je suis un producteur semencier. En 2019, j’ai produit cinq hectares de maïs. Mais j’ai tout perdu à cause de la sécheresse. Je devais récolter 15 tonnes de maïs pour vendre la tonne à 500 000 francs CFA (833 USD). La sécheresse a eu de lourdes conséquences sur ma productivité et j’ai enregistré une perte de 7 500 000 francs CFA (12 500 USD).
Mongabay : Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez pensé à tout arrêter et comment avez-vous réussi à rebondir et à faire face, financièrement ?
Boureima Sawadogo : Cette perte m’a beaucoup touché. Perdre 7 500 000 francs CFA (12 500 USD), pour moi, c’est énorme. Le maïs ne supporte pas bien le manque d’eau, c’est pour ça que j’ai tout perdu. Heureusement, j’avais aussi cultivé du mil et du sorgho, qui résistent mieux à la sécheresse. J’ai utilisé l’argent que j’ai gagné avec ces cultures, plus un peu d’économies, pour recommencer l’année suivante. L’agriculture, c’est mon seul travail, je ne pouvais pas abandonner.
Mongabay : Les autres agriculteurs de votre village ont-ils vécu la même situation ?
Boureima Sawadogo : L’agriculture est une incertitude à Poura à cause de la faible pluviométrie. Quand, tu récoltes cette année, tu n’es pas sûr de pouvoir récolter l’année suivante. La période allant du 15 juillet au 15 août, est très difficile pour les producteurs que nous sommes. Souvent, il peut faire plusieurs semaines sans pluie, alors que nous sommes déjà dans la production. C’est le vent qui souffle seulement. D’habitude, nous faisons les techniques de demi-lune et de zaï, mais ça ne suffit pas. À cause de cela, il y a des ménages qui ont même quitté le village pour d’autres localités du pays où la pluviométrie est plus favorable à l’agriculture. Les BCER sont une bonne solution. Ils nous permettent de mieux lutter contre le manque de pluie.
Mongabay : Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement ce que c’est que le BCER, et comment cela fonctionne ?
Boureima Sawadogo : Je peux dire que le BCER est un grand trou qu’on creuse dans le champ pour garder l’eau de pluie. Quand il ne pleut plus, je prends cette eau pour arroser les cultures. Ça m’aide beaucoup pendant les périodes de sécheresse, pour ne pas perdre mes récoltes. Mon BCER fait 13 mètres de longueur et 8 mètres de largeur et a une capacité de 300 mètres cubes. Pour l’arrosage, j’ai installé une motopompe qui permet d’irriguer le champ. Mais souvent, j’utilise aussi les arrosoirs quand il s’agit de la production maraîchère.

Mongabay : D’où vous est venue cette idée d’avoir recours aux BCER pour sauver votre production en cas de poche de sécheresse ?
Boureima Sawadogo : En 2020, j’ai entendu parler des Bassins de collecte d’eau de ruissellement (BCER) et j’ai décidé d’appliquer cette technique sur mes terres agricoles. Il y a un projet qui m’a soutenu au niveau de mon village dans l’adoption des BCER. Depuis, il y a eu un changement : j’arrive à produire sans crainte. Même quand il n’y a pas assez de pluie, l’eau stockée me permet d’arroser mes cultures. J’arrive à atteindre mes prévisions de la campagne. Quand j’ai mis en place le BCER, la première année, j’ai fait trois hectares de maïs pour voir si ça allait marcher. Effectivement, ça m’a beaucoup aidé, quand il ne pleuvait plus. C’était une bonne nouvelle pour moi, car l’année précédente j’avais tout perdu.
Mongabay : À combien s’élève le coût total des investissements dans la mise en œuvre de cette solution ?
Boureima Sawadogo : J’ai investi près de 3 millions de francs CFA (5 000 USD) dans la réalisation du BCER. Mon exploitation agricole est très caillouteuse et c’était difficile de creuser. Ce qui a fait que j’ai beaucoup dépensé. Mais pour les producteurs dont le terrain n’est pas caillouteux, le coût de réalisation n’atteint pas le mien.
Mongabay : Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les petits exploitants agricoles de la région dans l’adoption de cette solution ?
Boureima Sawadogo : Le BCER sauve les petits producteurs que nous sommes. Quand, il y a une poche de sécheresse, de nombreux producteurs courent un grand risque de perdre leurs récoltes, parce que les feuilles des cultures se fanent rapidement à cause de la chaleur. Cette perte ne concerne pas seulement les producteurs du village de Poura, d’où je suis originaire. Les producteurs des localités voisines connaissent aussi les mêmes risques. Si tu n’as pas mis en place une solution pour sauver une partie de la production, ce n’est pas possible de récolter.
Mongabay : Depuis que vous avez adopté cette méthode, quels impacts remarquez-vous sur votre niveau de production ?
Boureima Sawadogo : Avec l’utilisation du BCER, cette année par exemple, je n’ai pas eu une perte de cultures. J’ai eu une bonne récolte. Début août 2024 par exemple, il a fait près de deux semaines sans pluie. C’est avec l’eau stockée que j’ai arrosé mes cultures. Mais, les producteurs qui n’ont pas mis en place cette innovation, ont rencontré des problèmes, car les plants ont été affaiblis à cause de la poche de sécheresse.
Mongabay : À part l’irrigation, à quoi peuvent aussi servir les BCER ?
Boureima Sawadogo : J’ai vu les résultats de cette innovation. Je me suis dit, comme il y a de l’eau, il faut trouver une autre activité à ajouter. C’est ainsi que j’ai aussi commencé à faire de la pisciculture. En 2020, j’ai donc mis 2250 têtes d’alevins. Après, j’ai vendu à plus de 800 000 francs CFA. En 2024, grâce à la pisciculture, j’ai eu 1 250 000 francs CFA (2 083 USD). Avec l’eau stockée, je fais aussi le maraîchage. Je produis le gombo, la tomate, les feuilles d’oseille, les pastèques. Une partie est utilisée pour la consommation de la famille. L’autre est vendue. Ça me rapporte. Cette année, j’ai eu plus de 200 000 francs CFA (333 USD) de bénéfice grâce au maraîchage.
Mongabay : Depuis que vous utilisez cette solution, qu’est-ce qui a changé pour vous ?
Boureima Sawadogo : Le BCER a vraiment changé ma vie. Avant, je perdais une grande partie de ma production quand il ne pleuvait pas. Maintenant, même s’il ne pleut pas pendant plusieurs jours, j’arrose mes cultures avec l’eau que j’ai gardée. J’ai de meilleures récoltes, je peux vendre une partie et gagner de l’argent. J’ai même commencé la pisciculture et je fais du jardinage. Je peux aussi payer la scolarité de mes enfants. En 2022, j’ai fait le pèlerinage à la Mecque grâce aux bénéfices issus de la vente du poisson.
Mongabay : Aujourd’hui, vous recommander le BCER aux autres agriculteurs ?
Boureima Sawadogo : J’ai vu ses avantages. J’encourage aussi les producteurs à utiliser cette innovation. Il y a deux personnes qui ont déjà mis en place leurs BCER. Il y aussi trois autres agriculteurs qui s’apprêtent à le faire.
Image de bannière : Grâce à l’eau du BCER, Boureima Sawadogo, agriculteur céréalier à Poura, dans le Nord du Burkina Faso, fait aussi le maraîchage. Image de Hadepté Da pour Mongabay.
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