- En raison des risques climatiques et de leurs impacts au Bénin, les institutions financières sont réticentes à allouer des crédits agricoles adaptés aux exploitants agricoles.
- Conséquences : baisse des rendements, faible productivité et des revenus, menace sur la sécurité alimentaire. L’une des réponses à cette équation est l’assurance agricole.
- Le gouvernement béninois, à travers le Fonds national de développement agricole (Fnda), a lancé, en mars dernier, le projet pilote d’assurance agricole à indice de rendement, pour faire face aux conséquences du changement climatique.
- La nouvelle forme d’assurance subventionnée, dans sa phase pilote, vient corriger les failles de l’expérience faite, par le passé, par l’Assurance mutuelle agricole du Bénin, dont le choix de l’indice de pluviométrie n’a pas connu de succès.
« Le maintien, sur la durée des performances de notre agriculture est confronté aux risques climatiques croissants, tels que les sécheresses et les inondations qui mettent en péril les rendements et les moyens de subsistance des producteurs. De fait, ceux-ci n’arrivent pas à accéder aisément aux crédits pourtant indispensables à l’investissement ». Ainsi, s’exprimait le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, à la suite d’une réunion du gouvernement, en octobre 2024, pour annoncer, lors d’une rencontre hebdomadaire avec les médias, l’urgence de mettre en place un mécanisme d’assurance agricole au Bénin.
Pendant des années, les données précises étaient inexistantes pour déterminer avec exactitude les risques et définir avec précision l’ampleur du sinistre des exploitations agricoles. Les assureurs n’ont pas fait des offres d’assurance agricole à cause du « caractère potentiellement aléatoire de l’activité agricole », indique Calixte Midjangninou, Directeur de la planification et du suivi évaluation et point focal Projet « Assurance agricole » au Fonds national de développement agricole (Fnda).
Dans le même temps, les banques marquent une réticence à l’égard du financement agricole. Les structures financières au niveau local, bien qu’étant disposées à y intervenir, font preuve d’une grande frilosité.
De ce fait, bien qu’étant l’un des secteurs clé de l’économie béninoise générant plus de 80 % des recettes d’exportation et contribuant pour près de 35 % au Produit intérieur brut, avec près de 70 % des actifs occupés, comme l’indiquent les données statistiques du ministère en charge de l’agriculture, en 2017, l’agriculture, qui est la principale source de nourriture, d’emplois et de revenus de la majorité de la population, subit les chocs du changement climatique. « Au Bénin, les risques affectent les récoltes et rendent la production incertaine. Ce phénomène détermine une incertitude menaçante pour la sécurité des investissements dans le secteur », explique Midjangninou, à Mongabay.

Des risques de baisse de la production et du rendement
Les glissements de saison, faits de pluies tardives ou précoces et de courtes durées, affectent la productivité agricole et la sécurité alimentaire des ménages. Dans une étude commune, réalisée en 2019, des chercheurs de la Faculté d’agronomie de l’université de Parakou et de l’ONG « Initiatives pour un développement intégré durable », basée à Porto-Novo, estiment que « le changement climatique affecte de plus en plus l’environnement rural et l’équilibre agraire, causant aussi la baisse de la productivité et de l’efficacité ».
Ce que confirme la conclusion des chercheurs Jean Bosco Vodounou et Yvette Onibon Doubogan de la même université, qui rapportent, en 2016, que « les effets du changement climatique vont faire baisser la productivité agricole de 9 à 21 % au cours des prochaines décennies ». « Les rendements du maïs et du coton pourraient significativement diminuer respectivement jusqu’à 30 % et 20 % », avertissait le chercheur Pierre Irénikatché Akponikpè et ses collègues de l’université de Parakou, en 2019, dans une étude sur la vulnérabilité aux changements climatiques du secteur agricole.
Depuis la campagne 2021-2022, on constate une variation des taux de production de certains produits agricoles. Lors de la campagne 2023-2024, la production du riz a baissé de 6,2 % par rapport à la campagne précédente. Le coton a baissé de 23,22 % et 21,93 % pour les deux campagnes entre 2022 et 2024, par rapport à 2021-2022. Le maïs est resté stable pendant trois campagnes entre 2020-2021 et 2022-2023, avant d’augmenter sérieusement en 2023-2024.
Si ces baisses interpellent, elles attirent aussi l’attention sur l’importance de l’accès au crédit par les petits exploitants, l’accroissement des rendements et la sécurité alimentaire en dépendent. Dans un document-cadre intitulé « Changement climatique et sécurité alimentaire » en 2007, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), estimait que les pauvres n’ont qu’un faible capacité d’absorption des risques et il est probable qu’ils ne pourront pas s’adapter à ceux imposés par le changement climatique.
Selon les statistiques agricoles de 2021, le revenu moyen annuel des petits exploitants pratiquant exclusivement l’activité agricole, d’un montant d’environ 374 USD, est en dessous du seuil global de pauvreté, qui est de 429 USD. Ces données sont confirmées par l’enquête harmonisée des conditions de vie des ménages au Bénin en 2019.

Une assurance multirisque comme solution adéquate
Ce tableau montre davantage l’ampleur de la vulnérabilité des petits exploitants agricoles. Lors de l’émission « 90 minutes pour convaincre » de Radio Bénin, Barthélémy Bognon, producteur de riz, membre du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin et président de l’Union départementale des riziculteurs de l’Ouémé, au sud-est du pays, souligne qu’ils « sont les premiers à être frappés et le plus fort par les changements climatiques et aussi ceux qui fournissent l’essentiel de l’alimentation ».
Dans un contexte d’incertitude où le lien entre l’assurance agricole, le changement climatique, la productivité agricole et la sécurité alimentaire apparait de plus en plus étroit, il était essentiel de créer l’assurance agricole, parce qu’« une productivité agricole soutenue est nécessaire pour réduire la faim et la pauvreté dans les pays à faible revenu à l’instar du Bénin », indique Midjangninou.
L’État a pris ses responsabilités avec le soutien financier de la coopération suisse et l’appui technique de la compagnie d’assurance Nsia. « L’objectif est de donner l’habitude à souscrire à une assurance agricole. C’est une garantie qui peut rassurer les institutions financières que s’il y a un problème elles peuvent récupérer quelque chose. Cela peut les motiver à oser, dans la mesure où le producteur domicilie, au moment de la demande de prêt, peut relier le compte de dépôt de ses indemnités éventuelles dans cette institution financière, qui lui a alloué le crédit. Ce qui facilite une récupération des indemnités par l’institution financière en cas de sinistre », dit Midjangninou.
Il était, selon lui, nécessaire d’abandonner l’indice de pluviométrie expérimenté par l’Amab sans succès, malgré les soutiens financiers de l’Etat béninois et de la Banque ouest africaine de développement (Boad), qui y avaient injecté respectivement environ 1,4 million USD et 1,9 millions USD.

La problématique du rendement étant la résultante de tous les contours relatifs à la résilience au changement climatique, au financement agricole, à la productivité, à la sécurité alimentaire et aux revenus des ménages, le choix de l’assurance à indice de rendement est apparu comme l’option nécessaire, comme le recommande l’étude de faisabilité réalisée, en 2024. « C’est une protection axée sur les coûts des intrants, qui est la base de l’amélioration du rendement. C’est l’indice de calcul et de détermination des sinistres », dit Midjangninou.
Il explique : « La valeur monétaire des intrants utilisés sur un hectare de riz, par exemple, s’élève à environ 226 USD. En cas de sinistre, une partie de ce montant est versée à l’exploitant sur la base des rendements historiques et actuels pour évaluer les pertes des producteurs agricoles. Chaque zone a un rendement moyen historique, qui représente les rendements typiques de cette zone au cours des années passées. C’est cela la référence. En cas de sinistre, les intrants sont couverts à hauteur, d’au plus 70 % du rendement escompté pour 1,5 hectare au plus pour le riz, 2 hectares au plus pour le coton et deux têtes de bétail au plus pour l’élevage », précise Midjangninou.
L’assurance agricole à indice de rendement, dans sa phase pilote, s’étend jusqu’à la campagne agricole 2025-2026. Elle va toucher 100000 petits producteurs et éleveurs de bétail de tous les départements (12 au total), dans le but d’améliorer la production sur la base d’un modèle innovant et inclusif « basée sur le rendement… permettant donc un remboursement automatique de tous les bénéficiaires impactés, en cas de sinistre, tout en révélant le potentiel de marché pour l’adoption d’un programme d’assurance agricole », dit le porte-parole du gouvernement.
Sont concernés le bétail, le riz et le coton, comme filières animale, vivrière et industrielle. Le gouvernement subventionne les primes d’assurance par sinistre pour accompagner les petits producteurs à se familiariser avec le produit et en apprécier les avantages. « Pour cette phase pilote, pour un hectare et demi de riz, le montant de la prime d’assurance est de 13 650 francs CFA (23,68 USD) et le producteur ne paie que 2 730 francs CFA (4,44 USD). Pour deux hectares de coton, la prime est de 27 540 francs CFA (47,78 USD) et le producteur paye 5 508 francs CFA (9,55 USD). Pour deux têtes de gros bétail, la prime d’assurance est de 23 490 francs CFA (40,75 USD) et l’éleveur paie 4 698 francs CFA (8,15USD) », déclare Gaston Dossouhoui, ministre béninois en charge de l’agriculture, lors du lancement du projet d’assurance agricole.
Pour la campagne 2024-2025, 11 000 producteurs de riz ont déjà été couverts, selon les données fournies par Midjangninou.
Image de bannière : Le programme d’assurance agricole du gouvernement prend en compte les filières animale, vivrière et industrielle telles que le bétail, le riz et le coton. Image fournie par Virgil Houessou.
Citation :
Sodjinou, E. & Hounkponou K. S. (2019). Impact des changements climatiques sur les revenus des ménages agricoles au Bénin : Évidence basée sur l’application du modèle Ricardien, Ann. UP, Série Sci. Nat. Agron. Vol.9 (No.1) : 43-54. https://sna.fa-up.bj/ojs/index.php/sna/article/view/62
Akponikpe, P.B.I., Tovihoudji, P., Lokonon, B., Kpadonou, E. & al. (2019). Etude de Vulnérabilité aux changements climatiques du Secteur Agriculture au Bénin Report produced under the project « Projet d’Appui Scientifique aux processus de Plans Nationaux d’Adaptation dans les pays francophones les moins avancés d’Afrique subsaharienne », Climate Analytics gGmbH, Berlin.
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