- Les membres de la communauté locale peuvent se voir octroyés une licence pour assurer la gestion d’une réserve naturelle.
- Les comités établis et composés par les membres de la population locale qui vivent autour de ces aires protégées, agissent comme liaison entre les autorités du parc et d’autres membres de la communauté.
- Les aires protégées [au Rwanda] ont toujours subi des pressions sur leurs périphéries, du fait de l’expansion des terres agricoles.
- L’engagement des communautés locales, en s’appropriant la gestion reste essentiel, pour une conservation efficace et durable des aires protégées.
Une nouvelle approche communautaire, au Rwanda, accorde désormais le droit aux particuliers, parmi les membres de la population locale, d’assurer la gestion des parcs nationaux et d’autres aires protégées, sans recourir à des structures gouvernementales compétentes.
Le Rwanda compte quatre parcs nationaux, à savoir le Parc national de l’Akagera à l’Est, le Parc national de Nyungwe au Sud-Ouest, le Parc national de Gishwati-Mukura au Nord-Ouest et le Parc national des volcans au Nord, ainsi que plusieurs réserves naturelles, selon les estimations du Conseil de développement du Rwanda (RDB, sigle).
Conformément à la loi entrée en vigueur depuis le mois d’octobre 2024, les membres de la communauté locale peuvent se voir octroyées une licence, pour assurer la gestion d’une réserve naturelle, avec la garantie du permis de modification des limites de cet espace.
Dans la mise en exécution de cette nouvelle mesure, les comités établis et composés par les membres de la population locale qui vivent autour de ces aires protégées, agissent comme liaison entre les autorités du parc et d’autres membres de la communauté, dans le de règlement des litiges et dans des campagnes de sensibilisation, pour la conservation de l’environnement.
« Ces comités ont été créés pour valoriser l’engagement des communautés locales dans la gestion durable des ressources naturelles », a déclaré Jean Luc Rukwaya, spécialiste de la conservation à l’Autorité rwandaise de protection et de gestion de l’environnement (REMA).
Bien que les comités soient nouveaux, Rukwaya affirme que les parcs disposaient déjà d’un cadre de collaboration avec les communautés locales dans des initiatives de conservation, mais cette collaboration était informelle et leurs fonctions n’étaient pas définies, de même que leurs responsabilités. « Cette nouvelle structure communautaire renforce les réseaux de conservation communautaires », dit-il à Mongabay.

Compétences dans la conservation de la nature
Avant la promulgation de la nouvelle loi qui établit la composition des comités communautaires de gestion des parcs nationaux, l’entretien du système des parcs nationaux et l’infrastructure touristique étaient jusque-là gérés par le Conseil de développement du Rwanda, avec l’aide des ministères ayant la conservation de la nature dans leurs attributions et leurs partenaires.
L’objectif de cette nouvelle réforme vise à augmenter la superficie des aires protégées au Rwanda pour la conservation de la biodiversité et améliorer les conditions de vie des populations locales, à travers la création d’emploi dans la gestion des réserves naturelles à titre communautaire.
« C’est une initiative localisée qui veut mettre les communautés locales à l’avant-plan des projets de développement pour préserver la nature », a déclaré Télesphore Ngoga, analyste de la conservation au Conseil de développement du Rwanda.
Pour posséder une réserve naturelle individuelle, le propriétaire doit détenir le titre foncier du terrain et avoir le capital suffisant pour gérer la réserve naturelle proposée pendant au moins cinq ans, comme le prévoit la nouvelle législation en la matière.
Conformément aux nouvelles directives, la gouvernance des aires protégées exige de montrer ses connaissances et de démontrer ses compétences nécessaires pour préserver la réserve naturelle.
Ngoga affirme que bien des reformes ont été entreprises pour le renforcement de la gouvernance des aires protégées. Cette nouvelle approche communautaire propose pour la première fois, des solutions durables, afin de bien intégrer les populations locales.

Prévenir les conflits ouverts avec les populations locales
D’après les données officielles, la création du premier parc national du pays – celui des Volcans en 1925, la gouvernance des aires protégées au Rwanda a été caractérisée à la fois par des pratiques de conservation policières et centralisées héritées de la colonisation, puis par des politiques de conservation dominées par les enjeux mondiaux.
En effet, avec la création du premier parc national du pays celui des Volcans en 1925, la gouvernance des aires protégées au Rwanda a été caractérisée à la fois par des pratiques de conservation policières. Le gouvernement central exerçait alors son pouvoir de manière autoritaire et arbitraire sans impliquer nécessairement les communautés locales dans des initiatives de gestion.
« La conséquence de ce système de gouvernance a été la mise à l’écart des populations locales », déplore pour sa part Dr Jean Damascène Gashumba, activiste environnemental et Directeur Exécutif de Rural Environment and Development Organization (REDO), l’une des principales ONG mobilisées pour la conservation et la protection de l’environnement au Rwanda.
Certains chercheurs en conservation affirment que la transformation des zones forestières en parcs nationaux depuis cette époque a été une sorte de confiscation des ressources des populations, qui vivaient à l’intérieur de ces espaces ou qui y exerçaient certaines activités telles que l’alpage forestier, les activités artisanales de transformation du bois, ainsi que les activités de recherche du miel et de collecte des plantes médicinales.
Le chercheur rwandais Gaspard Rwanyirizi soulignait déjà, en 2009 que les aires protégées [au Rwanda] ont toujours subi des pressions sur leurs périphéries du fait de l’expansion des terres agricoles ou sont en conflits ouverts avec les populations vivant en leur sein ou à proximité.
Rwanyirizi affirme, dans sa thèse de Doctorat que ces conflits sont devenus quotidiens, puisque chaque paysan essaie de grignoter quelques ressources (terres, bois, viande sauvage) de ces espaces, afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, alors que le gouvernement fait tout son possible pour les préserver, suite aux revenus liés au tourisme.

Protection des espèces menacées
Rwanyirizi affirme que cette situation a perduré jusqu’en 2002, au moment où les responsables rwandais concernés ont décidé de changer de cap en faveur de l’intégration des populations locales.
Par exemple, grâce à ses gorilles, le Parc national des Volcans, situé au nord du Rwanda, est devenu, non seulement le plus attractif du point de vue touristique, mais aussi le plus pourvoyeur en devises étrangères.
Pour cette raison, les populations qui l’entourent sont plus conscientes de l’intérêt touristique de ce parc qu’ailleurs. De surcroît, elles bénéficient beaucoup d’avantages socio-économiques issus de l’industrie touristique, en pleine croissance, dans la région.
Les récentes estimations de l’Office rwandais de développement montrent que l’augmentation des visites, dans les parcs nationaux, a contribué de manière significative à la croissance des revenus touristiques au Rwanda.
Ces visites dans les parcs nationaux ont connu une augmentation de 47,7 % passant de 445 millions USD en 2022 à 620 millions USD en 2023.
Selon les estimations officielles, cette croissance a été également bénéfique pour les communautés entourant les parcs nationaux. Le programme de partage des revenus avec les communautés, a permis de décaisser 2 milliards de Frw (1.4 million USD) dans différents projets.
Il s’agit de 54 projets dans le secteur agricole et 43 projets d’infrastructures. À cela, s’ajoutent 8 projets visant à fournir des équipements pour les magasins ruraux, les logements et les artisans, ainsi que 6 projets pour les entreprises communautaires.
Toutefois, certains chercheurs et activistes soutiennent que, malgré autant d’efforts dans la répartition équitable des revenus du tourisme, l’engagement des communautés locales, en s’appropriant la gestion, reste essentiel pour une conservation efficace et durable.
« Des initiatives, comme celles concernant la création des aires protégées sous la gestion privée, sont essentielles pour élargir ces espaces et garantir la protection des espèces menacées », affirme Dr Gashumba, un fervent activiste environnemental basé à Kigali.
Image de bannière : La gouvernance des aires protégées au Rwanda exige aux membres de la communauté locale de prouver leurs connaissances et de démontrer leurs compétences nécessaires pour préserver la réserve naturelle en question. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
Citation :
Rwanyiziri, G. (2009). Géopolitique de l’environnement au Rwanda. Pour une gouvernance participative des espaces protégés. Géographie. Université de Pau et des Pays de l’Adour. HAL Id: tel-00449865
https://theses.hal.science/tel-00449865v1
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