- Les vagues de chaleur marine enregistrées en 2023 et 2024, intensifiées par le changement climatique d’origine humaine et amplifié par les conditions de El Niño, ont gravement affecté les écosystèmes marins, les populations côtières et provoqué des événements climatiques extrêmes, notamment en Afrique, selon une nouvelle étude.
- Face à ces nombreux impacts, des stratégies proactives d’adaptation s’avèrent indispensables, incluant la réduction des émissions, la transition énergétique, le renforcement des systèmes d’alerte précoce et l’accessibilité des informations climatiques, selon les experts.
- Il est aussi recommandé de préparer les communautés, d’adapter les pratiques agricoles et de renforcer les capacités des populations, pour mieux faire face aux effets des futures vagues de chaleur océanique et de changement d’autres paramètres climatiques à l’échelle planétaire.
Une nouvelle étude indique qu’au cours des deux dernières années, 2023 et 2024, de longues vagues de chaleur marine, associées à des températures océaniques record, ont affecté les océans, les espèces marines, les écosystèmes et les communautés côtières, entraînant des conséquences socio-économiques importantes.
L’étude, menée par un groupe de chercheurs et publiée, en février 2025, dans la revue Nature Climate Change, précise que ce réchauffement rapide a été alimenté par le changement climatique d’origine humaine et amplifié par les conditions de El Niño et une couverture nuageuse mondiale exceptionnellement basse.
« Le nombre moyen mondial de jours de vagues de chaleur marine durant les étés 2023-2024 était supérieur de 240 % à celui de toute autre année enregistrée. Ces événements ont touché l’ensemble du globe, avec 8,8 % des océans, atteignant les températures de surface les plus élevées jamais enregistrées, soit presque quatre fois plus que la moyenne annuelle historique », indique l’étude.
Des impacts multiples en Afrique et ailleurs
Les vagues de chaleur marine enregistrées ont eu d’énormes impacts sur l’écosystème marin, les populations et globalement sur les économies des pays touchés.
Parmi ceux-ci, l’étude relève, sur le plan biologique, le blanchiment du corail, la prolifération d’algues nuisibles, la mortalité massive, la modification de l’aire de répartition des espèces animales, la perte d’habitat, ainsi que l’augmentation des échouages de cétacés, et les maladies.
« Il a été observé le blanchissement global des coraux, la perte d’écosystèmes vitaux au large du Japon et du Pérou, ainsi que l’observation inhabituelle d’espèces en dehors de leurs zones habituelles. Des mortalités massives de poissons ont été signalées dans le golfe de Thaïlande et le golfe du Mexique, tandis que des maladies ont affecté les poissons et menacé l’extinction de la grande nacre en mer Méditerranée. Dans l’Atlantique Nord, une diminution de la productivité du phytoplancton a perturbé la chaîne alimentaire, suscitant des inquiétudes quant aux impacts potentiels sur les populations de poissons et d’oiseaux marins, similaires aux réponses observées lors de précédentes vagues de chaleur marines », écrivent les auteurs dans leur étude.
Ainsi, les effets des vagues de chaleurs ressentis compromettent potentiellement les capacités des milliers de personnes d’assurer leur alimentation et de préserver leur emploi, selon le Global Strategic Communications Council (GSCC), un réseau international de professionnels de la communication dans les domaines du climat, de l’énergie et de la nature.
« L’océan joue un rôle essentiel dans la régulation du climat, la vie marine et la fourniture de nourriture et d’emplois à des milliards de personnes. Or, selon les chercheurs, ces fonctions sont menacées par l’aggravation des vagues de chaleur marines dues au changement climatique. Au cours des deux dernières années, les vagues de chaleur marines ont entraîné la fermeture de pêcheries et d’aquacultures, augmenté le nombre de baleines et de dauphins échoués et provoqué le quatrième épisode mondial de blanchiment des coraux », a écrit le Global Strategic Communications Council (GSCC), dans un communiqué partagé avec la rédaction de Mongabay.

Selon l’étude, « les répercussions ne se sont pas arrêtées aux océans ; les vagues de chaleur marine ont entraîné des conditions météorologiques extrêmes, telles que des vagues de chaleur atmosphériques mortelles et des inondations sur terre ».
En effet, les vagues de chaleur ont occasionné des inondations et de lourdes pertes de vies humaines en Afrique du Nord et du Sud en particulier.
« Les vagues de chaleur marine ont alimenté la tempête Daniel qui a engendrée l’inondation la plus meurtrière de l’histoire de l’Afrique. Près de 6 000 personnes ont trouvé la mort en Libye, où les fortes pluies ayant provoqué l’effondrement du barrage de Derna. Le cyclone Freddy, le plus long de tous les temps, a frappé le sud-est de l’Afrique pendant plusieurs semaines. Les vagues de chaleurs marines ont entraîné le blanchiment des coraux dans la mer Rouge en Égypte et dans le golfe Persique, au Kenya, en Tanzanie, à l’île Maurice, aux Seychelles, à Madagascar, à Tromelin, aux Comores, à Zanzibar, à la Réunion et à Mayotte. Aussi, des cyclones d’une force inhabituelle, intensifiés par les vagues de chaleur marine, ont frappé le Mozambique, le Malawi et la Libye », expliquent les experts du GSCC.
De fait, ces vagues de chaleur ont contribué à une perturbation des paramètres, notamment des températures et la pluviométrie.
« Cet article met en évidence des résultats qui corroborent les observations des services météorologiques de ces dernières années en matière de perturbations et d’événements météorologiques extrêmes. Au Togo, par exemple, l’année 2023 a été exceptionnellement chaude et marquée par une pluviométrie particulièrement abondante. Comme le démontrent les conclusions de cet article, il existe une relation intrinsèque entre les températures de surface des océans et la pluviométrie dans certaines régions du monde et d’Afrique », explique à Mongabay, Tchaa Agniga, chef division agrométéorologie à l’Agence nationale de la météorologie du Togo (ANAMET), et membre de l’équipe des prévisionnistes des saisons en Afrique de l’Ouest.
Il explique de même que les vagues de chaleur ont un impact sur la santé des populations et les cultures. « Les vagues de chaleur constituent des périodes très sensibles pour des personnes vivant avec des pathologies et des personnes âgées et les enfants. En agriculture, l’apparition de nouveaux ennemis des cultures, la réduction du cycle des cultures et l’incapacité de certaines variétés à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques sont des défis majeurs. De même, certaines espèces animales et végétales ne peuvent plus survivre dans leurs habitats d’origine, conduisant parfois à leur extinction », a dit Agniga.
En plus de ces impacts relevés, l’expert Agniga indique que les systèmes de productions agricoles, ont été aussi impactés avec de longues poches de sécheresse enregistrées dans le sud des pays du Golfe de Guinée dont le Togo.

De la nécessité de développer des stratégies proactives et appropriées
Les auteurs de l’étude indiquent, dans la conclusion de leur analyse, que « les deux dernières années (2023-2024) ont été les plus chaudes jamais enregistrées, tant sur terre que dans les océans, et l’on s’attend à ce que l’augmentation des eaux moyennes de surface due au réchauffement anthropique se poursuive ». Ils alertent que « des temps difficiles nous attendent et qu’il est important pour la société de mieux se préparer à des extrêmes de chaleur océanique sans précédent ».
Face à cette dynamique des paramètres climatique, il est essentiel de mettre en place des stratégies proactives et adaptées pour anticiper les événements climatiques à venir.
Selon Adessou Kossivi, Responsable Afrique du changement climatique pour le Réseau mondial des Organisations de la société civile pour la réduction des catastrophes (GNDR), il est urgent d’agir pour réduire les émissions mondiales et prévenir d’autres températures extrêmes dans nos océans.
« Il faut refroidir la planète en rééquilibrant la température sol-mer. Cela passe, par exemple, par des campagnes de reboisement qui vont permettre de constituer des puits de carbone. Il est également crucial de modifier nos modes de consommation et nos sources d’énergie, afin d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables, et de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles », a-t-il dit.

De plus, selon cet expert, négociateur pour le Togo, au cours des dernières Conférences des parties sur le climat (COP), il faut que les Etats puissent élaborer des plans de réductions et de gestion des risques et catastrophes liés au changement climatique et mobiliser des fonds nécessaires à leur exécution. Aussi, juge-t-il impérieux de renforcer les capacités d’adaptation des populations.
« Parallèlement, il va falloir développer des initiatives de préparation des communautés à faire face aux impacts du réchauffement global. Pour les enfants et les personnes âgées, il faut veiller à une hydratation adaptée selon la survenue des chaleurs. Il faut aussi penser à redéfinir les modèles de travail en adaptant les activités agricoles aux prévisions des aléas tels prévus par les services de la météorologie », recommande Adessou.
De fait, selon Kathryn Smith et ses pairs, « l’amélioration de la précision des prévisions permettra de prendre des décisions proactives en toute confiance, tandis que des prévisions à plus long terme prolongeront la période de préparation ».
D’après l’expert prévisionniste et en adaptation au changement climatique, Agniga, au-delà de renforcer les mécanismes et systèmes d’alerte précoce, il faudra diffuser les alertes sur des canaux adaptés.
« Lorsque les prévisions sont faites, il faut également la diffusion de ces informations à travers des plateformes adaptées et accessibles pour que l’information climatique parvienne à tout le monde. Parce que l’alerte précoce pour tous voudrait que tous les citoyens d’un pays donné puissent bénéficier de l’information climatique pour prendre de bonnes décisions. Il faut également que les prévisions soient plus précises et dans un langage accessible. Et donc, pour nous, les pays africains doivent faire l’effort de traduire nos informations en langue locale et trouver les voies et moyens pour que ces informations-là arrivent à tous les utilisateurs », dit Agniga.
Image de bannière : La cité lacustre Ganvié, petite Venise d’Afrique ne manque pas de subir selon les habitants les phénomènes météorologiques extrêmes de ces dernières années. Image de Christophe Assogba avec son aimable autorisation.
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