- Une étude montre que les agroforêts à base de cacaoyer contribuent à la préservation de la forêt et de la biodiversité à travers des pratiques sylvicoles diverses, des espèces introduites ou des espèces d’intérêt socioéconomique conservées par les exploitants.
- Les cacaoyères agroforestières créées en savane sont aussi performantes quelques années après, que les cacaoyères créées en zone de forêt. Tant sur la production de cacao, la biodiversité, que sur la fertilité des sols et le stockage du carbone.
- L’Etat camerounais soutient la cacaoculture sous agroforêt en fournissant des appuis multiformes aux producteurs. Il a engagé le plaidoyer pour sa prise en compte par l’Union européenne après la publication du Règlement contre la déforestation de l’Union européenne (Rdue) en 2023.
- La certification Rainforest Alliance à travers les exigences auxquelles elle soumet les producteurs contribue à la préservation de la forêt et de la biodiversité par la conservation des écosystèmes naturels, le respect des zones tampons, la plantation d’arbres et l’interdiction des feux de brousse.
Une étude réalisée à Bipindi, Mintom et Djoum, dans la région du Sud Cameroun indique que les agroforêts à base de cacaoyers contribuent à la préservation de la forêt et de la biodiversité à travers des pratiques sylvicoles diverses, au moyen d’espèces délibérément introduites et d’espèces d’intérêt socioéconomique préservées ou conservées par les exploitants.
L’étude a été menée par Alex Bruno Dong Etchike, enseignant à l’université de Dschang (Cameroun), l’an dernier, dans le cadre du programme Ressac (Recherche appliquée en écologie et sciences sociales des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale), financé par l’Union Européenne (UE). Elle n’a pas encore été publiée mais a déjà fait l’objet d’une restitution à l’université de Dschang, le 17 juillet 2024.
Lors de la restitution des résultats, Etchike souligne que « la composition floristique des systèmes agroforestiers des zones étudiées présente une richesse spécifique élevée (près de 2000 individus en moyenne) répartie en 71 espèces, 62 genres et 27 familles ». « Cette richesse est plus importante dans les systèmes forestiers à base de cacaoyers. Les espèces Terminalia superba, Ceiba pentandra, Musanga cecropioides et Altonia boonei sont celles qui ont des valeurs écologiques les plus importantes dans les systèmes agroforestiers. Ces systèmes conservent entre 64,6 % et 72,3 % d’espèces de forêts voisines contribuant ainsi à la conservation durable des espèces autour des concessions forestières », souligne l’étude.
L’agroforêt encore appelé système agroforestier est une exploitation ou une plantation où les espèces d’arbres, de différentes hauteurs et de grande valeur économique, nutritionnelle, sociale, culturelle et médicinale, sont intégrées dans un même espace en vue de maximiser les bénéfices et diversifier les sources de revenus. Le système forestier à base de cacaoyers est la forme d’agroforêt la plus connue au Cameroun.
Selon l’expert forestier Ghislain Fomou de l’Institut Européen des Forêts (EFI), « le système de production pratiqué en agroforêt maintient un certain nombre d’arbres dans les parcelles cacaoyères, ce qui permet de réguler le micro climat et la biodiversité dans les parcelles. Les parcelles agroforestières sont un peu plus riches en biodiversité que les parcelles cacaoyères en plein soleil. On va constater qu’on a différents types d’espèces animales et mêmes végétales qui sont présentes dans les cacaoyères agroforestières. C’est en cela que ça permet de contribuer à la préservation de la biodiversité ».
« Il faut faire une distinction entre une cacaoyère d’agroforêt qui s’installe dans la forêt, et une cacaoyère d’agroforêt qui s’installe dans un espace dégradé, qui n’est plus forestier. Pour une cacaoyère d’agroforêt qui s’installe dans un espace forestier, elle diminue plutôt la biodiversité et la forêt de cet espace », a-t-il expliqué. « Par contre, l’agroforêt à base de cacaoyers qui s’installe dans un espace dégradé contribue fortement à la restauration de cet espace, parce qu’il y a un apport en termes de diversité d’arbres forestiers à l’exemple des légumineuses pour la fertilisation des sols », a-t-il dit à Mongabay.

Un couvert forestier préservé par rapport à d’autres systèmes agricoles
Jean-Michel Harmand est chercheur sénior au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et au Centre pour la recherche forestière internationale (Cifor-Icraf). Il a longtemps travaillé sur la mise en place des agroforêts à base de cacaoyers dans des espaces dégradés, notamment des savanes de la région du Centre Cameroun.
Il a confié à Mongabay que les cacaoyères agroforestières, créées en savane après quelques années, sont aussi performantes que les cacaoyères créées en zone de forêt. A la fois du point de vue de la production de cacao, la biodiversité, la fertilité des sols et du stockage du carbone. « Elles préservent un couvert forestier contrairement à d’autres systèmes agricoles. Parce qu’au-dessus des cacaoyers, il y a des arbres. Elles hébergent une diversité d’arbres, en particulier ceux qui peuvent être menacés dans la forêt. Aussi, elles stockent une grande quantité de carbone dans la végétation et dans le sol, qui peut atteindre 70 % du stock des forêts dégradées. Ce qui est un aspect important. Dans le cas du cacao, ils permettent une production du cacao à long terme. C’est un système de gestion durable des cacaoyères, qui limite l’expansion de la cacaoculture dans la forêt », a-t-il dit.
La mise en place des agro-forêts à base de cacaoyers débute par un défrichement partiel de la forêt, de la forêt dégradée ou de la jachère ; le cacaoyer est planté à environ 1100 pieds à l’hectare en association avec les cultures vivrières. On y ajoute ensuite des arbres qui vont constituer le système agroforestier. Cela peut être des arbres fruitiers ou des arbres forestiers.
Les arbres forestiers découlent de la transplantation des repousses issues des cacaoyères agroforestières ou encore de forêts voisines. Il y a aussi la régénération naturelle dans les jeunes cacaoyères à partir des graines qui ont été transportées par les oiseaux. On conserve ces jeunes pousses dans le but d’avoir des jeunes arbres, qui accompagnent aussi le cacaoyer.
Harmand a indiqué à Mongabay qu’en zone de forêt, on plante très souvent le bananier-plantain après le défrichage partiel, puis on installe le cacaoyer dans cette bananeraie la même année ou après. On enlève ensuite les arbres qui peuvent gêner le cacaoyer, tout en conservant les arbres qui s’associent bien et sont compatibles. Puis, on introduit des arbres intéressants pour la production des fruits, pour la production des produits forestiers non ligneux. Cela permet un remplacement des espèces par un certain nombre d’autres espèces tout en maintenant un couvert forestier. C’est pour cela que l’on parle d’agroforêt.

Plaidoyer pour la prise en compte de la cacaoculture sous agroforêt par l’UE
Au Cameroun, on distingue trois types d’agroforêts à base de cacaoyers suivant notamment l’importance du couvert forestier. Le type « hautement diversifié » constitué de cacaoyères présentant les plus fortes densités et diversités d’arbres forestiers associés. Le type « intensif » constitué de cacaoyères présentant un âge, un rendement et un degré d’intensification en travail et en intrants plus élevés. Le type « polyvalent » constitué de cacaoyères avec d’importantes fonctions annexes à la cacaoculture.
L’État camerounais encourage et soutient la cacaoculture sous agroforêt, pour laquelle il a engagé un plaidoyer pour sa prise en compte par l’Union européenne (UE), qui a publié en juin 2023 le Règlement contre la Déforestation de l’Union Européenne (RDUE). Celui-ci impose au cacao exporté vers les marchés européens un certain nombre d’exigences de traçabilité, de géolocalisation ou de légalité, afin de minimiser le risque que cette culture a engendré de la déforestation.
Dohicou Hamadou est cheffe d’Unité au Projet d’Appui au développement du cacao (PadCacao) du ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader). Ella a confié à Mongabay : « Le Cameroun livre la majorité de ses fèves à l’UE, environ 65 %. C’est notre plus grand marché et, par conséquent, on a intérêt à garder de bonnes relations avec notre acheteur principal. Le Cameroun a adhéré et signé la feuille de route d’un « Cacao sans déforestation ». Il faut désormais produire un cacao sans abîmer la forêt. L’Etat incite les producteurs à la production d’un cacao d’agroforêt, à travers la conception et publication des manuels techniques, la formation des cacaoculteurs, la mise en place des pépinières modernes irriguées et l’accompagnement dans la création des plantations de cacao durable dans les 8 bassins de production », a-t-elle souligné.

Selon elle, le Cameroun, contrairement à d’autres pays producteurs, a pris l’habitude de produire son cacao dans la forêt et, à ce titre, continue de plaider pour que les mesures drastiques à venir de l’UE ne lui soient pas imposées de manière identique à ceux des pays ayant détruit leur forêt. « La première étape, pour ce plaidoyer, était d’abord qu’on écoute. Ce qui est bien pour le moment, c’est que nous sommes écoutés. Il est maintenant question de faire réviser le RDUE en notre faveur », a-t-elle indiqué.
Pour ce qui est de la certification de Rainforest Alliance (RA), elle comporte des exigences qui concourent également à la préservation de la forêt et de la biodiversité, quand elles sont bien respectées par les cacaoculteurs. Elle veille à ce que les cours d’eau et les écosystèmes fragiles soient protégés par des zones tampons et impose aux producteurs, non seulement de planter des arbres, mais aussi de préserver les sauvageons, afin d’améliorer le couvert végétal des plantations. Cette certification exige aux exploitations implantées à proximité des aires protégées et des parcs, de se situer à au moins 2 km des zones tampons, dans le but de préserver la biodiversité faunique, en évitant des conflits entre les hommes et les animaux.
Image de bannière : > Cacaoyère associé aux fruitiers. Image d’Irénée Modeste Bidima pour Mongabay.
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