- Le continent africain contribue à hauteur de 4,2 % à la production mondiale annuelle de nickel, l'Afrique du Sud et Madagascar étant les principaux producteurs.
- Les émissions de carbone de la biomasse, résultant du défrichage de la végétation pour l'extraction du nickel, sont rarement incluses dans les rapports de développement durable.
- Les impacts environnementaux des particules émises par les activités minières à base de nickel, ainsi que ses produits dérivés, y compris les batteries, ont été sous-estimés jusqu’à présent.
- Un gisement de nickel, situé dans une région à faible densité de biomasse, est susceptible d’avoir un faible impact sur le stockage du carbone.
Une nouvelle étude, publiée le 29 Janvier 2025 dans la revue scientifique Nature, montre que les émissions de carbone de la biomasse provenant de l’extraction du nickel ont des implications importantes pour l’action climatique.
Le rapport indique également que la demande mondiale de nickel devrait doubler d’ici à 2050 pour soutenir les technologies à faibles émissions de carbone et la production d’énergie renouvelable.
« Ce qui est le plus remarquable dans cette recherche, c’est que les émissions de carbone de la biomasse résultant du défrichage de la végétation pour l’extraction du nickel sont rarement incluses dans les rapports de développement durable des entreprises ou d’autres instances de prise de décision en ce qui concerne l’extraction et l’utilisation des ressources géologiques », explique Evelyn Mervine, co-auteure de l’étude.
Mervine est chercheuse en géologie et géochimie à l’université de Queensland en Australie. Ses travaux se focalisent sur les techniques de capture et de séquestration de carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Mervine et ses collègues ont analysé des données collectées sur 481 mines de nickel et gisements non exploités avant de conclure que l’empreinte de l’exploitation minière du nickel pourrait être 4 à 500 fois plus importante que ce qui avait été rapporté antérieurement.
« Les impacts environnementaux des particules émises par les activités minières à base de nickel, ainsi que ses produits dérivés, y compris les batteries, ont été sous-estimés jusqu’à présent », affirme Mervine à Mongabay.
Même si cette exploitation massive de nickel utilisé notamment dans des applications électriques et électroniques reste un enjeu économique majeur pour la plupart des pays en Afrique subsaharienne, l’étude constate que la conversion des matériaux de la biomasse dans l’extraction et la transformation de ce minerai produisent des polluants atmosphériques.
« Ces effets négatifs se manifestent par la destruction de l’habitat, la pollution de l’eau, les émissions atmosphériques », explique Mervine, qui déplore le fait que les émissions de carbone de la biomasse issues des activités minières, ne sont pas prises en compte dans les initiatives de lutte contre le changement climatique.

Selon elle, ces émissions de carbone non comptabilisées restent importantes par rapport aux autres émissions provenant de l’extraction et du traitement du nickel.
Le nickel figure parmi les métaux précieux, essentiels à la fabrication de plusieurs technologies, dites « vertes » de production et de stockage d’énergie renouvelable, qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’Afrique regorge d’énormes ressources de nickel pour soutenir les technologies à faibles émissions de carbone et la production d’énergie renouvelable, mais les experts affirment que les gouvernements ont besoin de se rendre compte des implications néfastes de cette activité minière sur le dérèglement climatique.
Les récentes estimations du Centre africain de développement minier, une structure de l’Union africaine (UA), montrent que le continent africain contribue à hauteur de 4,2 % de la production mondiale annuelle de nickel, l’Afrique du Sud et Madagascar étant les principaux producteurs.
Ce métal est utilisé dans diverses industries, notamment la production d’acier inoxydable, la fabrication de véhicules électriques et les technologies de batteries. Les chiffres montrent que l’Afrique du Sud produit 1,8 % avec 31 800 tonnes, Madagascar 1,4 % du nickel mondial avec 29 400 tonnes et enfin la Côte d’Ivoire qui produit 27 800 tonnes annuellement.
Alors que beaucoup pays africains découvrent des gisements de nickel dans leurs sous-sols, cette étude sonne l’alarme concernant les effets nocifs de ces activités minières sur le changement climatique.

Une économie à faibles émissions de carbone
Dans un récent rapport, le Forum intergouvernemental sur les mines, les minéraux, les métaux et le développement durable (IGF, sigle en anglais), estime que l’un des principaux défis auquel est confronté le secteur des mines en Afrique, est de satisfaire la demande croissante de la production tout en adoptant des stratégies appropriées de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Dans son étude qui tire la leçon des expériences vécues dans l’industrie minière du nickel en Afrique du Sud, IGF, comme structure internationale qui aide les gouvernements à faire progresser la bonne gouvernance minière, déplore que la plupart des pays en Afrique ont du mal à adopter les stratégies et solutions innovantes pour la décarbonisation de leur secteur minier.
Si la transition vers une économie à faibles émissions de carbone fait déjà partie des engagements climatiques nationaux définis dans le cadre de l’Accord de Paris signés par les Etats en 2015, IGF déplore dans son étude que la demande croissante, pour certains minéraux notamment le nickel en Afrique, risque de compromettre les efforts consentis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Cette affirmation d’IGF est corroborée par la recherche menée par une équipe de chercheurs de l’université de Queensland en Australie, qui affirme que les changements d’affectation des terres et les pertes de biomasse associées à l’établissement de nouvelles mines de nickel, dépendront fortement de l’endroit et de la manière, dont les gisements seront mis en production.
Le document note que plus de la moitié (60 à 70 %) des ressources terrestres se trouvent dans des gisements de latérite de nickel, qui sont des concentrations de nickel qui se forment dans la roche meuble et le sol, à la suite d’une altération intense dans les climats tropicaux.

Incidence accrue d’effets néfastes sur le climat
Les chercheurs estiment qu’il est important de prendre en compte les densités de biomasse de la végétation située dans les zones minières d’exploitation du nickel.
« Un gisement de nickel situé dans une région à faible densité de biomasse est susceptible d’avoir un faible impact sur le stockage du carbone», affirme Dr Laura Sonter, co-auteur de cette étude et chercheuse principale au Centre pour la biodiversité et les sciences de la conservation de l’université du Queensland à Brisbane en Australie.
Toutefois, certains acteurs de l’industrie en Afrique centrale, préconisent que l’exploitation des minéraux et des métaux, dont le nickel, devrait se poursuivre et même s’intensifier dans un avenir prévisible au niveau des pays. Même si cela entraîne le risque d’une incidence accrue d’effets néfastes sur le climat et l’environnement.
Au Rwanda par exemple, une stratégie élaborée depuis 2024 par le gouvernement recommande l’accès aux technologies et aux processus permettant de maximiser la productivité et la récupération des minéraux et de minimiser l’utilisation de ressources telles que l’électricité et l’eau, ainsi que les impacts environnementaux associés.
Le directeur exécutif de l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz (RMB), Francis Kamanzi affirme, qu’il existe à ce jour plus de 990 puits miniers créés par les activités minières dans tout le pays, y compris ceux qui existent depuis les années 1930.
« Nous avons mis en place des systèmes de gestion des risques destinés à prévenir les effets nocifs découlant de ces installations minières sur l’environnement », dit Kamanzi à Mongabay.
Selon lui, les considérations relatives au changement climatique à long terme ont été intégrées dans les systèmes d’exploitation des mines.
Image de bannière : Mine de nickel abandonnée de Kaula-Kotselvaara près de la localité urbaine de Nikel, oblast de Mourmansk, en Russie. Image de Alexander Novikov via Wikimedia (CC BY-SA 4.0)
CITATION :
Mervine, E.M., Valenta, R.K., Paterson, J.S. et al. (2025). Biomass carbon emissions from nickel mining have significant implications for climate action. Nat Commun 16, 1151. https://doi.org/10.1038/s41467-025-56465-x
Feedback: Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.