- Les chercheurs Paolo Omar Cerutti et Silvia Ferrari ont étudié l’apport des parcs à bois dans la lutte contre l’exploitation illicite du bois à la frontière orientale de la République démocratique du Congo.
- Les bois des forêts de la RDC, riches en biodiversité, avec plus de 600 espèces d’arbres et 10 000 espèces animales, sont très convoités pour leur valeur commerciale.
- Depuis 2018, le pays a établi une série de parcs à bois pour surveiller les exportations de bois et la collecte des recettes aux postes de frontières.
Selon une étude publiée en 2023, dans la revue Conversation, les parcs à bois constituent une panacée pour lutter contre l’exploitation illicite du bois à la frontière orientale de la République démocratique du Congo (RDC).
Les parcs à bois sont des espaces destinés à recueillir provisoirement le bois prélevé avant son évacuation vers les points dédiés.
Paolo Omar Cerutti et Silvia Ferrari, chercheurs au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), explorent la valeur ajoutée des parcs à bois dans la lutte contre l’exploitation illicite du bois et la protection de la biodiversité dans les forêts de la RDC.
Ce pays abrite une partie des forêts du bassin du Congo encore appelée « poumon de l’Afrique » partagées entre 6 pays (République démocratique du Congo, Cameroun, Gabon, République du Congo, Centrafrique et Guinée équatoriale).
Les forêts de la RDC jouent un rôle très important dans la lutte contre le changement climatique à travers l’absorption d’une grande quantité de dioxyde de carbone et en réduisant le gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elles contribuent également à prévenir l’érosion des sols et la désertification et assurent la résilience des écosystèmes. Sur le plan socio-économique, elles sont, pour les populations, une source de produits forestiers tels que les fruits, les chenilles et les champignons comestibles.
Les chercheurs ont travaillé avec les autorités congolaises et les responsables des parcs à bois à la frontière orientale du pays, dans le territoire du Nord Kivu, près de l’Ouganda. Ils ont constaté que le bois parvenait à la frontière, sans la documentation appropriée et une seule une partie du volume total, est correctement déclaré. Omar Pablo Cerutti, co-auteur de l’étude, pense que ce fonctionnement crée un véritable manque à gagner aux communautés locales et au gouvernement.
« Il est important d’avoir des endroits clairs, où faire les monitorings des exportations. Parce qu’on pourrait avoir des politiques magnifiques de gestion de la forêt, mais ne pas savoir et dire ce qui est exporté, quand, comment et surtout combien de taxes et d’argent entrent dans les caisses de l’État par rapport à cette filière », explique Cerutti à Mongabay. « Si les exploitants illégaux se voient en train de devoir rendre compte à la frontière, alors il pourrait y avoir une espèce d’effet à retardement sur l’exploitation abusive de la forêt. Alors, si on réduit l’exploitation illégale, il y a de forte chance qu’on réduise aussi les impacts négatifs liés à cette exploitation dans la forêt », ajoute-t-il.
Dans le même ordre d’idée, Dr Zéphirin Oumarou Haman, enseignant assistant au département de phytologie de l’université de Bamenda (Cameroun), explique que « multiplier les parcs à bois et les gardes forêts autour et dans les forêts du bassin du Congo, serait une solution envisageable pour lutter contre l’exploitation illicite du bois ».
Selon lui, « tous bois coupé devrait en principe porter une étiquette, preuve d’une exploitation légale. Ce qui permettrait de savoir exactement quel volume de bois est prélevé et comment reboiser efficacement pour ne pas endommager la biodiversité ».
En RDC, l’exploitation du bois d’œuvre et la dégradation des forêts font des ravages. Joint au téléphone, Augustin Mpoyi, conseiller technique principal au Conseil pour la défense environnementale par la légalité et la traçabilité (CODELT), une Organisation non gouvernementale congolaise, dont les actions portent sur la gouvernance des ressources naturelles et la protection des droits des communautés, explique qu’il « faut remonter jusqu’aux espaces où se font les coupes de bois pour voir si les règles et les normes prévues en la matière sont respectées. Il faut également veiller à la traçabilité du bois. Parce que quand le concessionnaire coupe le bois, il est contraint de marquer la souche qui reste de manière à relier chaque bois coupé à sa souche. Ainsi, on pourra vraiment contrôler les choses et sauver la forêt ».
Cerutti et sa collègue recommandent au gouvernement congolais d’étendre le système à tous les principaux points de passage des frontières, afin de priver les exportateurs du choix de passer par des frontières dépourvues de parcs à bois. Les deux chercheurs pensent que ce mécanisme doit impérativement être soutenu par les autorités centrales, provinciales et locales, afin de contribuer à l’amélioration des politiques environnementales.
Image de bannière : Le Mukula est un bois dur rare et à croissance lente, propre à l’Afrique australe et centrale. Le Mukula a été illégalement exploité et commercialisé de la Zambie et de la RDC vers la Chine au cours de la dernière décennie, alimentant la demande croissante de « bois de rose » sur le marché chinois. Image de Lu Guang / Greenpeace.
Citation :
Cerutti, O. P. & Ferrari. S. (2023). Protection des forêts du Congo : de nouveaux parcs à bois peuvent contribuer à lutter contre l’exploitation illégale des forêts, The Conversation.