- L’activisme des groupes armés à l’Est de la République démocratique du Congo fait que le pays est victime, depuis des décennies, de l’érosion de sa biodiversité.
- L'écocide, s'il est adopté, constituera le 5e crime de la compétence de la Cour pénale internationale.
- La législation sur les écocides vise à prévenir les dommages pour faire tenir pénalement responsables certaines personnalités au pouvoir de leurs abus décisionnels en matière d’environnement.
- L’écocide fournit un cadre qui va orienter la prise de décision plus facilement sur les objectifs de ce traité international juridiquement contraignant.
La République démocratique du Congo (RDC) est devenue le premier pays africain à déclarer son soutien à l’établissement de l’écocide comme crime dans le statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale (CPI). Cet engagement a pour but de condamner tout acte de destruction massive de l’environnement.
La législation sur les écocides, selon plusieurs associations et ONG engagées pour la biodiversité, vise à prévenir les dommages conduisant à une destruction environnementale massive du fait des décisions de certaines personnalités au pouvoir, du secteur public ou privé et qui peuvent être tenues pénalement responsables. Le terme “écocide” désigne, selon les experts, des actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.
Dans une intervention lors de la 16ème conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP16), qui s’est tenue à Cali (Colombie) du 21 octobre au 1er novembre 2024, la ministre congolaise de l’Environnement et Développement durable, Eve Bazaiba, a fait remarquer que « l’activisme des groupes armées nationaux et internationaux, surtout dans sa partie Est, fait que le pays est victime, depuis des décennies, de l’érosion de sa biodiversité ».
« Au nom du gouvernement congolais, nous avons remis le tableau qui représente la biodiversité (en RD Congo), dont notamment le parc de Virunga devenu le sanctuaire des groupes armés incontrôlés », a déclaré Bazaiba.
Présent lors de l’allocution de Bazaiba à Cali, le défenseur de l’environnement, Josué Aruna au sein de la Société environnementale et Agro rurale du Congo (SOCEARUCO), basée dans l’est de la RDC, est enthousiaste avec l’annonce de Bazaiba. Il pense que le fait pour le Congo de se positionner en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide, « va réduire, arrêter l’érosion de la biodiversité et maintenir l’équilibre l’écosystème du bassin du Congo ». Aruna pense que son pays va pouvoir honorer ses engagements mondiaux pour la biodiversité.
Selon Bazaiba, cette reconnaissance de l’écocide comme un crime international, est une initiative louable en ce qui concerne la préservation de l’environnement.
« Je souhaite vivement qu’en République démocratique du Congo, lorsqu’il y a violation des lois sur la protection des écosystèmes, les auteurs soient punis et tenus responsables de leurs actes, conformément à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI», a dit Bazaiba.
Cette dernière a également souligné l’importance de lier ce cadre juridique à des objectifs plus larges de protection de la biodiversité, insistant sur le fait que la reconnaissance de ce crime renforcerait les engagements mondiaux pris dans le cadre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Les responsables du Parc national des Virunga, l’un des parcs africains à la biodiversité la plus importante, à l’Est de la RDC, affirment que le nombre des membres des groupes armés est estimé actuellement entre 1 500 et 3 000 individus au milieu et autour du parc.
Ces groupes armés, cités dans un récent rapport officiel, selon Emmanuel de Merode, directeur du Parc national des Virunga, se livrent à des activités criminelles, notamment le trafic de charbon de bois, la pêche illégale, le braconnage et le commerce illégal de la viande de brousse et de l’ivoire, ainsi qu’à des enlèvements et des extorsions (barrières et taxes).
Ecocide et cadre mondial de la biodiversité de Kunming
Jojo Mehta, co-fondatrice et Directrice exécutive de « Stop Ecocide International », une organisation basée au Royaume-Uni, plaide pour l’adoption des lois sur l’écocide au niveau des parlements nationaux et régionaux du monde entier. Elle a estimé que la répression d’un crime international exige que chaque pays concerné ratifie d’abord le Statut de Rome.
« Nous pensons que la reconnaissance internationale du crime d’écocide dans le Statut de Rome va soutenir et renforcer les dispositions légales en vigueur au niveau des pays portant sur la protection de la biodiversité », a-t-elle dit à Mongabay.
Du point de vue des experts de « Stop Ecocide International » ou encore de la SOCEARUCO, la reconnaissance de l’écocide par la RDC pourrait également servir de plusieurs façons : limiter les entreprises étrangères prédatrices qui investissent dans certains projets controversées conduisant parfois à la pollution et à la destruction de l’environnement.
C’est ce que pense notamment Jojo Mehta. Mais, il faut considérer déjà les critiques notamment en provenance de l’Afrique sur la justice internationale, sur sa difficulté à poursuivre des dirigeants de certains pays, en Europe notamment. Le sentiment d’injustice ou de justice sélective, par exemple, a conduit le Burundi à quitter le Statut de Rome en reprochant à la CPI de cibler les pays africains.
C’est pour cette raison que Mehta propose de revoir certains rapports entre Etats, au niveau international.
« Un rééquilibrage du pouvoir de la juridiction internationale s’avère nécessaire pour que les décideurs des pays en développement soient également poursuivis par la loi pour des actes posés dans la destruction de l’environnement », a dit Mehta.
Mehta affirme par ailleurs que la loi sur l’écocide sera très utile dans le contexte du cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
« Pour les pays comme la RD Congo, cette loi sur l’écocide fournira un cadre qui va orienter la prise de décision pour qu’elle s’aligne plus facilement sur les objectifs de ce traité international qui est juridiquement contraignant », a-t-elle expliqué.
Quant à Aruna, il espère que la peur d’être jugé à la CPI va réduire en RDC la pression excessive des entreprises, des dirigeants politiques et des « réseaux mafieux qui s’infiltrent dans le pays pour exploiter les ressources naturelles et détruire les aires protégées ».
Aruna pense que, malgré l’aveu de faiblesse de la justice nationale qu’implique le fait de compter sur la CPI pour sanctionner les crimes nationaux, la CPI permet d’équilibrer les pouvoirs. « Ceux qui se croient influents, qui ont la capacité de corrompre les juridictions nationales qu’on suppose malades à l’instar des états généraux de la justice en cours à Kinshasa, pourront répondre chacun de leurs actes ».
Les responsables de « Stop Ecocide International », quant à eux, affirment qu’à ce jour, la définition de l’écocide proposée à la CPI fournit notamment un cadre permettant aux décideurs politiques à s’informer correctement sur des risques résultant de leur prise de positions.
« Les pays n’ont rien à perdre, mais tout à gagner, de la reconnaissance de l’écocide dans la législation internationale et nationale », dit Mehta.
Image de bannière : Eve Bazaiba, ministre de l’Environnement de la RDC, et Ralph Regenvanu, envoyé spécial de la République de Vanuatu pour le changement climatique et l’environnement à la COP16, à Cali, en Colombie.
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