- De nombreux défenseurs de l’environnement à Goma disent remarquer une mauvaise gestion des déchets plastiques dans la capitale du Nord-Kivu, appelant à plus d’actions pour les éviter et rendre la ville plus écologique.
- Les autorités nationales ont déjà interdit la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques dans cette région, mais les activistes fustigent le non-respect de la mesure.
- Les défenseurs de l’environnement appellent la jeunesse à s’engager pour la lutte contre la pollution de la nature et la destruction du Parc national des Virunga.
L’édition 2024 de la foire « Exposition verte » s’est tenue le 21 septembre à Goma, l’une des principales villes de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Le thème de cette année est : « Déchets plastiques, défis et opportunités, comment préserver l’environnement pendant la période guerre ».
La foire a été l’occasion pour les militants de la protection de l’environnement, les entrepreneurs verts, les autorités étatiques, les organisations non-gouvernementales et autres défenseurs de la nature, d’échanger autour des enjeux liés à la pollution plastique et au Parc national des Virunga, connu comme l’aire protégée la plus riche en biodiversité d’Afrique.
Selon Bienvenue Bwende, Chargé de communication de l’Institut congolais pour la Conservation de la nature (ICCN), au sein de cette réserve, le Parc national des Virunga continue de perdre de nombreux hectares de ses forêts en raison de la guerre dans cette région de la RDC.
D’après Global Forest Watch, depuis juin 2023, le Parc national des Virunga a perdu près de 1000 hectares de forêts, l’équivalent de plus de 1400 terrains de football. Une situation qui suscite des craintes dans le rang de nombreux activistes écologiques à Goma, qui demandent au monde entier de porter une attention particulière sur ce qui se passe dans l’Est congolais.
Justin Mutabesha est un défenseur de l’environnement basé à Goma. Lors de la foire, il a dirigé un panel pour démontrer comment la guerre a contribué à la destruction du Parc national des Virunga. Selon lui, c’est le monde entier qui paiera le lourd tribut à l’avenir si rien n’est fait pour juguler ce fléau, qui affecte la faune et la flore.
Il pense que la jeunesse constitue une force incontournable dans la lutte contre la destruction du Parc national des Virunga, dont « la biodiversité pâtit depuis la guerre opposant les M23 aux FARDC». « J’encourage les jeunes et tout participant à cette foire à planter les arbres, à hausser le ton pour dire non à l’exploitation du Parc national des Virunga qui est une aire protégée. Pour nous, le parc constitue un enjeu majeur », a-t-il affirmé lors d’une interview accordée à Mongabay.
Dans son exposé, il a indiqué que la fin de la guerre réduirait l’envahissement du parc, qui, selon lui, court le risque d’une destruction totale. « La persistance des déplacés, dans la ville de Goma et ses environs, accentue la pression sur le Parc national des Virunga. La population de Goma utilise le bois comme principale source énergétique pour la cuisson. Les déplacés coupent du bois pour installer les tentes, qui leur servent d’abri », dit-il, appelant à une solidarité africaine pour mettre un terme au conflit armé dans l’Est de la RDC.
Selon Glody Tambwe, Responsable de Goma Expo vert, une association œuvrant pour la préservation de l’environnement et basée à Goma, « la cible pour cette foire était principalement la jeunesse. Nous voulions surtout faire prendre conscience à la communauté des jeunes de la nécessité d’émerger dans le domaine de l’environnement et de la lutte contre les déchets plastiques. Ceux-ci sont un problème réel, et nous devons trouver des solutions à cela ».
Manque d’informations adéquates des communautés
En mars 2022, à Nairobi au Kenya, l’Assemblée générale de l’ONU sur l’environnement avait adopté une résolution visant à mettre fin à la pollution plastique et à élaborer un accord international juridiquement contraignant d’ici à fin 2024.
Faustin Nyebone est Directeur national exécutif de l’organisation Appui aux Initiatives Communautaires de conservation de l’Environnement et de Développement durable (AICED). Il mène, depuis 2 ans à Goma, une campagne de sensibilisation de lutte contre la nuisance des produits plastiques et la lutte contre la destruction de la biodiversité du Parc national des Virunga. Lors du panel sur la nuisance des produits toxiques dans le plastique sur la santé et les cerveaux des enfants, il a fustigé un manque d’informations adéquates des communautés sur la pollution plastique, ce qui est, selon lui, à la base d’une prolifération des déchets plastiques. « Les gens pensent que le plastique est une question de saleté. Il intoxique notre santé et pollue l’environnement tout au long de son cycle de vie. Dans les plastiques, il y a des addictifs toxiques et des microparticules comme les retardateurs des flammes, des bisphénols, des phtalates. Ils nuisent, même au cerveau des enfants », dit-il, demandant à d’autres organisations de s’impliquer pour sensibiliser contre la pollution plastique dans la région.
Selon les Nations Unies, les émissions de gaz à effet de serre dues aux plastiques s’élevaient en 2015 à 1,7 gigatonne d’équivalent CO2 et devraient atteindre environ de 6,5 gigatonne d’équivalent CO2 d’ici à 2050, soit 15 % du budget carbone mondial. « Si rien n’est fait par les communautés, il est possible que des inondations surviennent dans la ville de Goma, à la suite du déversement des déchets plastiques, qui bouchent les caniveaux et rendent difficile l’évacuation des eaux qui stagnent », explique-t-il.
Dans le cadre de la lutte contre la pollution par les déchets plastiques, en juin 2024, le gouverneur du Nord-Kivu a publié un communiqué interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques dans sa juridiction. Peter Chirimwami Nkuba avait estimé, que les emballages non biodégradables portent atteinte à la santé humaine et animale, mais également à l’environnement en « polluant les écosystèmes ».
Foire à solutions contre les déchets plastiques
La foire a été une occasion, pour de nombreux entrepreneurs verts, d’exposer leurs produits, à l’exemple des réchauds écologiques, des huiles extraites des arbres ou encore des pavés issus du recyclage des déchets plastiques.
Benjamin Koko Barhabula est responsable de Waste Transformation, une start-up de la ville de Goma. Ce jeune entrepreneur fabrique les pavés écologiques à partir des déchets plastiques, qu’il récupère sur place. Dans un entretien accordé à Mongabay, il affirme contribuer à la lutte contre la pollution plastique, malgré les faibles soutiens des autorités. «Chaque mètre carré de pavés écologiques équivaut à 80 Kg des déchets plastiques recyclés : c’est un grand travail dans la préservation de l’environnement », dit-il.
Il encourage les jeunes à investir dans l’économie circulaire, non seulement pour créer des emplois décents, mais aussi et surtout pour rendre la planète vivable pour les générations actuelles et futures. « Nous rappelons, à la population de Goma, qu’il n’y a aucun étranger, qui viendra assainir notre ville, en la débarrassant des déchets plastiques. Il n’y a que nous qui pouvons le faire. Nous devons cesser de jeter les déchets dans les caniveaux ou sur la route », a exhorté Grégoire Mutachi, Responsable de l’assainissement à la mairie de Goma.
A l’issue de la foire, les activistes ont formulé nombreuses recommandations à l’endroit des décideurs. Ils demandent des sanctions sévères contre ceux qui sont impliqués dans la destruction de la biodiversité du Parc national des Virunga, la fin des conflits armés, la mise en place des mesures d’accompagnement pour lutter contre la présence des déchets plastiques (notamment l’industrie des emballages biodégradables) et les sensibilisations qui promeuvent l’éco-citoyenneté.
Image de bannière : Les déchets en plastique dans un caniveau à Goma en République démocratique du Congo (RDC). Image de Prosper Heri Ngorora pour Mongabay.
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