- En Afrique centrale, l’amélioration du rendement et de la compétitivité des filières animales favorise la mise en place d’un environnement capable d’améliorer le développement des systèmes d’élevage.
- Le Tchad reste le premier pays producteur de viande et des produits dérivés avec 145 millions de têtes de bétail, mais la viande reste très chère sur les marchés.
- La chaine de valeur viande de bœuf dans la plupart des pays se caractérise par la forte diversité des acteurs, notamment au niveau de la production, de la commercialisation, de la transformation et de la distribution.
- Entre 2030 et 2050, la demande de viande sera de deux à huit fois plus importante en raison surtout de l’augmentation de la population.
Les experts sont presque tous unanimes sur le fait que le marché de la viande et des produits laitiers reste sous-estimé en Afrique centrale et de l’Ouest.
Lors d’une session animée en marge du sommet de l’élevage 2024, qui s’est tenu à Clermont-Ferrand Cournon (France), du 1er au 4 octobre, les experts issus de plusieurs structures intervenant dans le secteur de l’élevage et des systèmes agropastoraux ont soutenu que cette vaste région est au cœur d’une transition nutritionnelle marquée par l’urbanisation rapide, entraînant une hausse significative de la consommation de produits laitiers et carnés.
Toutefois, leurs avis sont partagés sur l’exploitation actuelle des ressources animales qui ne couvrent pas, jusqu’ici, les besoins des populations, en dépit d’une demande en produits d’élevage en pleine augmentation dans cette partie du continent.
Catherine Araujo Bonjean, explique cette situation par les défis liés à la transformation des produits de l’élevage.
Bonjean est chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France et Conseillère scientifique de la Chaire Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) “Politiques de modernisation agricole en Afrique”. « Il y a un besoin de renforcer les chaînes de valeur de l’élevage dans cette région pour qu’elles fournissent des emplois productifs et décents aux jeunes », dit-elle.
Selon Charles Assamba Ongodo, Vice-président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), l’amélioration du rendement et de la compétitivité des filières animales favorise un environnement meilleur pour le développement des systèmes d’élevage.
« Jusqu’à ce jour, le marché de la viande et du lait africain est mal connu du public du fait notamment de la production irrégulière des statistiques et de la non attractivité de ce secteur par les acteurs concernés », a-t-il dit.
En Afrique centrale, les statistiques officielles de la CEMAC montrent que le Tchad reste le premier pays producteur de viande et des produits dérivés avec environ 145 millions de têtes de bétail. Mais, la viande reste très chère sur les marchés et la plupart des populations n’en consomment pas autant qu’ils le souhaiteraient.
Les estimations du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) montrent que la consommation de viande dans cette région, est l’une des plus faibles au monde : 15 kilogrammes par habitant, contre 35 kg au niveau mondial.
Valoriser les produits dérivés du bétail
Les résultats de la récente enquête Harmonisée sur les Conditions de vie des Ménages (EHCVM), qui a été réalisée dans les 8 pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ont montré que des ménages impliqués dans la transformation des produits dérivés de l’élevage sont plus élevés dans la région du Sahel caractérisée essentiellement par une population jeune.
Contrairement en Afrique de l’Ouest, les acteurs en Afrique centrale disposent des structures pour l’amélioration de la production des produits dérivés du bétail, grâce à la Commission Economique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques (CEBEVIRHA).
Cette structure de la CEMAC soutient l’emploi et l’entreprenariat des jeunes dans les systèmes alimentaires, notamment dans les filières de l’élevage et la pêche.
Car, les tendances de la demande du bétail et des productions animales indiquent, qu’entre 2030 et 2050, la demande sera de deux à huit fois plus importante en raison de divers facteurs comme la forte l’augmentation de la population.
Les estimations montrent que les régions d’Afrique centrale et de l’Ouest sont dotées de grands espaces fonciers et d’importantes ressources en eau et en pâturage, qui sont pour la plupart sous utilisés et sous-développés.
« Augmenter la compétitivité commerciale de la chaîne de valeurs des produits dérivés du bétail en Afrique centrale et au Sahel peut contribuer à une augmentation des possibilités d’emploi de meilleure qualité pour les jeunes et les femmes », a souligné Serena Ferrari, économiste des chaînes de valeur et du pastoralisme au CIRAD.
Nourrir une population en augmentation
En Afrique de l’Ouest, les habitudes alimentaires des populations sont en pleine mutation, surtout en zone urbaine. Par exemple, au Sénégal, le marché de la viande est en pleine explosion ; on assiste depuis quelques années à un changement dans les modes de consommation des produits d’origine animale.
Maïmouna Malé Diori, Directrice générale de La Laitière du Sahel, une usine de transformation des produits laitiers, établie au Niger depuis 18 ans, affirme que les préférences et les exigences des consommateurs varient selon le milieu.
« Cette chaine de valeurs nous permet de transformer certains produits très prisés comme le lait en poudre ou le fromage et satisfaire les besoins de différentes catégories de consommateurs », a-t-elle dit.
Au Niger, les communautés locales font recours notamment à la technique traditionnelle de la pasteurisation pour conserver du lait collectée localement, mais Diori affirme que ce procédé exige le respect des mesures d’hygiène.
« Les populations préfèrent du lait pasteurisé, en raison notamment du climat chaud et de l’absence des systèmes de réfrigération », a-t-elle expliqué.
En vue d’appuyer cette initiative en cours visant le développement des chaînes de valeurs intégrées de l’élevage, certains groupes agroalimentaires étrangers s’approvisionnent désormais auprès de 20 000 éleveurs en Afrique centrale et de l’Ouest, notamment au Tchad, en vue de les transformer en produits de bonne qualité pour l’alimentation.
La chaine de valeurs « viande de bœuf », dans la plupart des pays de cet espace, se caractérise actuellement par une grande diversité. « Notre objectif est d’améliorer la performance de ces chaines de valeurs », a souligné Emmanuel Marchant, Vice-président Durabilité lait Afrique et Directeur général de l’Association Danone Écosystème.
Selon lui, il est nécessaire d’accélérer ce mouvement pour mieux lutter contre la malnutrition et réduire la vulnérabilité de la région aux impacts du climat.
Epée de Damoclès
Christian Corniaux, Zootechnicien et Directeur adjoint de l’unité de recherche Selmet au CIRAD, laisse entendre que le manque d’accès aux services vétérinaires et les moyens pour nourrir le bétail constituent l’un des obstacles majeurs pour relever ces défis.
Selon lui, la récente fermeture des frontières constitue une autre épée de Damoclès, qui plane sur le secteur de l’élevage au Sahel, car cela perturbe l’approvisionnement sur le marché régional.
Au niveau du bassin du Congo, les experts déplorent que, malgré d’immenses ressources en poissons, ces derniers ne sont ni consommés ni redistribués vers les pays qui en ont besoin.
« Il y en a plusieurs régions favorables à la pratique de l’élevage en Afrique Centrale (…) il y a aussi des espaces qui peuvent nous aider à mieux pérenniser ces efforts visant le développement des chaînes de valeur », a dit Ongodo, qui est le Vice-président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).
Image de bannière : Les bovins s’abreuvent dans un réservoir, souvent le dernier point d’eau pendant les mois les plus chauds et les plus secs de l’année, dans le village de Zorro, au Burkina Faso. Image d’Ollivier Girard/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
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