- La Libye est un pays de l’Afrique du Nord (Maghreb) qui continue de connaître une insécurité grandissante, mais qui ambitionne de faire des affaires avec le monde. Malgré les disputes meurtrières se poursuivent certaines sociétés extractives continuent d’y opérer.
- Depuis la chute en 2011 de Muhamar Kadhafi, ancien guide de ce pays de 6, 6 millions d’habitants, des conflits armés se sont succédé coûtant la vie à des milliers de gens. Des factions se disputant le pouvoir dans ce territoire riche en gaz et pétrole se sont multipliées, créant ainsi le chaos dans un pays qui était l’un des plus prospères du continent africain.
- La Libye possède un potentiel important de gaz et de pétrole. Selon certaines sources, elle se rangerait à la 41eme place sur la liste des grands producteurs de gaz. Ce qui fait d’elle une destination de choix pour les pays d’Europe à la recherche d’autres sources d’approvisionnement alors que la guerre entre la Russie et l’Ukraine crée des pénuries. D’autres pays du Maghreb, dont l’Algérie et l’Égypte sont aussi visés. L’Égypte est perçue comme la prochaine destination des Italiens après les co
- L’Italie noue en ce moment des relations politico économiques avec les pays du Maghreb, surtout la Libye, pour l’exploitation du gaz. Cependant, certains des officiels libyens considèrent que ces accords sont illégaux. Ces allégations ne perturbent pas la quiétude dans les rangs du gouvernement qui demande aux détracteurs de contester la décision devant la justice.
L’accord pour l’exploitation du gaz libyen est d’un montant global de U$ 8 milliards. Ce qui en fait un des plus grands investissements en Libye depuis plusieurs années, voire même, des décennies.
Les sociétés NOC, de la Libye, et ENI, d’Italie, ont signé cet accord en présence de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui avait fait un déplacement vers Tripoli à cette occasion, et le représentant du gouvernement libyen Abdulhamid Dbeibeh il y a quelques jours.
Le 8 février, des officiels italiens, dont le ministre italien des Affaires Étrangères, Antonio Tajani et celui de l’Intérieur Matteo Piantedosi avaient aussi accompagné la Première ministre dans cette tournée. Après plusieurs tentatives de visites reportées pour des raisons de sécurité, la délégation avait été placée sous haute protection.
Renforcer la position italienne en développant la Libye
Selon des informations relayées par des médias, le renforcement de la position italienne dans le Maghreb doit se faire dans le cadre d’accords qui permettront aux pays africains de se développer avec la vente du gaz aux pays européens, dont l’Italie.
Selon la Première ministre, l’Italie ne sera ni un « prédateur » ni un « exploiteur » sur le continent africain. Elle se présente davantage comme un partenaire qui se veut aider les pays africains à s’enrichir.
Depuis le début de la crise entre la Russie et l’Ukraine, le prix du gaz a augmenté en Europe et ailleurs dans le monde. De ce fait, le continent africain est devenu l’une des principales options pour les pays d’Europe qui veulent remplacer le gaz russe devenu rare et cher suite aux sanctions européennes contre la Russie et son gouvernement.
Deux gisements concernés par l’accord
La Libye possède des gisements de gaz éparpillés à travers son territoire de 1 759 540 km occupés par une population estimée à 6, 6 millions habitants.
L’accord signé dans la capitale Tripoli entre le PDG de la société italienne ENI Claudio Descalzi et directeur de la compagnie de pétrole Farhat Bengdara porte sur l’exploitation de deux gisements de gaz. Ces deux sites sont en offshore et se trouvent au nord de ce pays déchiré par des guerres. L’investissement de U$ 8 milliards se fera sur une période de 25 ans. Le contrat entrera en vigueur à partir de 2026, selon une annonce du gouvernement libyen reprise par RFI.
Il est estimé que la production quotidienne sera de 750 millions de pieds de cube. Ce gaz sera exporté vers l’Italie, selon un communiqué d’Eni.
Ainsi, le gouvernement italien trouve que « la Libye est un partenaire économique stratégique » dans un contexte où le prix du gaz a connu une flambée exponentielle depuis le début du conflit russo-ukrainien.
Le gouvernement libyen se fissure à cause du contrat gazier
Le ministre libyen du Pétrole et du Gaz, Mohamed Aoun, a, pour sa part, critiqué cet accord entre les deux sociétés sur une chaîne de télévision locale, et le considère comme étant « illégal ».
Aoun a déclaré que la compagnie nationale libyenne de pétrole NOC – qui dépend immédiatement de son ministère – n’avait pas consulté cette instance au sujet de cet accord. C’est ce qui rendrait le contrat illégal à ses yeux. Cependant, le ministre Aoun ne précise pas ce qu’il compte faire pour s’y opposer.
Farhat Bengdara, patron du NOC et signataire du contrat n’a pas commenté les critiques de son supérieur. Dans une conférence de presse organisée aussitôt après publication des critiques de Mohamed Aoun, Bangdara a demandé à ceux qui contestent l’accord avec l’Italie de lancer une contestation devant la justice.
En 2022 la Libye a exporté au moins 2,63 milliards de mètres cubes de gaz via le gazoduc Greenstream qui relie l’Italie à la Libye, selon des chiffres du gouvernement libyen.
Cependant, avant la crise de 2011, qui a abouti au renversement du guide Libyen Mohamar Kadafi, au moins 8 milliards de mètres cubes étaient exportés vers l’Italie par le NOC chaque année.
Quand l’Afrique se positionne
Depuis que la guerre russo-ukrainienne perturbe l’approvisionnement en énergie dans plusieurs pays européens, les pays africains se positionnent pour combler le vide, selon des informations disponibles sur Mongabay.
La World Energy Review (WER) explique que « la part de l’Afrique dans les exportations mondiales de gaz naturel liquéfié (GNL) était de 11,3 % en 2021, mais les projets déjà en cours pourraient augmenter cette part jusqu’à 15% dans quelques années. »
Dans sa publication de décembre 2023, WER estime que « l’Afrique peut augmenter sa capacité de production de gaz naturel liquéfié (GNL) de près de 80 % dans les prochaines années ».
Global Energy Monitor (GEM), cité par WER, ajoute qu’au moins 31 terminaux, ayant une capacité de 75,8 millions de tonnes par an, ont été dénombrés sur le continent africain.
Sept autres terminaux ayant une capacité de 14 millions de tonnes de GNL par an sont en construction sur le continent africain. Ce, en plus des 20 autres terminaux de 45,8 millions de tonnes de GNL par an qui sont en phase de préinvestissement.
À cette allure, estime toujours le Global Energy Monitor, la production gazière en Amérique du Nord de 73,9 millions de tonnes sera dépassée par celle de l’Afrique projetée à 135,6 millions de tonnes de GNL par an d’ici quelques années.
GEM précise que « l’Algérie possède à elle seule plus de la moitié des lignes de production de GNL, avec 15 lignes de traitement de 29,3 millions de tonnes par an ».
Ce pays est aussi ciblé par le gouvernement italien qui y a envoyé des émissaires il y a quelques jours.
L’Italie en Afrique : Quelle signification ?
L’Algérie a déjà signé des accords similaires avec l’Italie, selon le chercheur Kader Abderrahim cité par Radio France Internationale.
Ce spécialiste de la Libye est d’avis que : « Je crois qu’il y a une volonté de l’Italie d’investir un champ nouveau qui fait émerger peut-être aussi une nouvelle géopolitique de l’énergie dans le cadre de cette guerre en Ukraine qui rebat les cartes ».
Par ailleurs, sur RFI, Kader Abderrahim est d’avis que l’Italie veut « éviter d’être dépendante d’un seul partenaire et en même temps cela lui donne une certaine légitimité pour réinvestir un espace géopolitique qu’elle avait un peu négligé ces dernières décennies ».
Le spécialiste de la Libye prédit également que l’Italie projette une visite en Égypte en février 2023. Cet autre pays du Maghreb abrite « d’importantes nappes gazières en Méditerranée ».
Contacté par Mongabay pour plus de détails sur les contrats gaziers entre l’Europe et les pays du Maghreb, le spécialiste de la Libye n’a pas encore réagi. Cependant, l’Italie n’est pas le seul pays de l’Europe qui vise à exploiter le gaz en Afrique.