- La République Démocratique du Congo (RDC) abrite un potentiel minéral important. Il est difficile pour le moment d’en faire une estimation exacte selon pas mal d’experts étrangers ou nationaux.
- En 2010, certains médias estimaient que la valeur du cuivre à lui seul s’évaluait à $ 24 milliards, ce qui n’a pas convaincu certains chercheurs, car ce montant serait supérieur au PIB des pays de l’Amérique du Nord ou de l’Union Européenne.
- Le prix du cuivre sur le marché n’a cessé d’augmenter ces dernières décennies. Alors qu’il était autour de $3.000 la tonne en 2009, en août 2022 la tonne s’achetait entre $7.500 à $7.800, soit une augmentation de plus de 100% sur le marché international en seulement 12 ans.
- Cette augmentation semble motiver les sociétés congolaises ou étrangères à chercher davantage le minerai convoité dont le prix sur marché mondial ne cesse d’augmenter. Mais cette augmentation ne semble pas rassurer les familles ou les activistes de la société civile en République Démocratique du Congo. Ils trouvent que les opérateurs miniers ne convoitent que l’argent en mettant de côté les intérêts des communautés locales.
Quand Margueritte (dont le prénom a été modifié pour protéger sa sécurité) s’est mariée en 1975, Kolwezi était un petit village. Cependant, il s’est agrandi ces dernières décennies et, selon des chiffres officiels, cette nouvelle ville abrite plus d’un demi-million de personnes.
Située dans la Province de Lualaba, la ville Kolwezi avait été créée en 1937, par des exploitants belges. C’était précisément durant la colonisation belge en République Démocratique du Congo. Au fil des années de nouvelles maisons ont intégré le paysage de cette agglomération située à l’intérieur même de la ceinture de cuivre.
Kolwezi est une ville qui semble être érigée sur des minerais, comme l’explique Margueritte, âgée de plus de 75 ans. Mais aujourd’hui, le constat est que cette dernière et ses voisins sont contraints, malgré eux, de céder leurs parcelles de terre aux exploitants contre une indemnisation qu’ils qualifient de « petite » en considérant le coût élevé de la vie et les prix des maisons en hausse.
C’est pourquoi Margueritte est persuadée que rien ne pourra la convaincre d’abandonner sa maison un jour.
« Où puis-je aller encore ? Ma maison est sur le point de s’effondrer, et elle n’est pas la première qui subira un tel sort », raconte-t-elle d’un air triste.
Mais pour elle et les autres résidents encore sur le terrain, ceux qui sont en mesure de négocier avec les Chinois – qui possèdent cette mine des environs -peuvent gagner plus d’indemnités qui leur permettraient d’avoir une maison dans un endroit plus ou moins reculé.
« C’est une affaire qui appartient aux Chinois. Ces derniers ont beaucoup d’intérêts dans les minerais de notre pays », ajoute Jérôme Bahati, un jeune de 26 ans qui vient de finir ses études de géologie, mais qui peine à trouver du travail.
Il trouve injuste qu’un diplômé en géologie avec des connaissances dans les minerais ne puisse trouver du travail au sein d’une société qui, de surcroît, démolira bientôt sa maison familiale.
A kolwezi, des jeunes ont intégré des écoles où ils peuvent trouver des enseignements sur les minerais, espérant un jour décrocher un emploi dans une société non loin de leurs villages.
Mais Jérôme Bahati et certains de ses amis n’arrivent pas à trouver un petit travail dans ces sociétés chinoises actives dans leurs villages.
« Seuls les moins diplômés ont l’avantage car ils n’exigent pas un bon paiement de la part des sociétés actives à Kolwezi » ajoute Bahati.
« Des richesses énormes sous nos maisons »
Margueritte comme Jérôme Bahati ne savent pas où aller après démolition de leurs maisons, bien qu’ils espèrent arriver à un bon accord avec les Chinois propriétaires d’une société extractive dans leur ville.
Pour le moment, il est difficile d’évaluer avec exactitude quels minerais se trouvent sous les maisons à Kolwezi. Mais, des informations relayées par plusieurs médias et des travailleurs des mines sous couvert d’anonymat, font état de la présence de cuivre, de cobalt ou même de l’or en plus des autres minerais qui sont associés aux trois premiers.
Selon des données de la Cellule Technique de Coordination et Planification minière, qui est un service du ministère des Mines, en RDC, au premier semestre de l’année 2022, la production du cuivre en République Démocratique du Congo est passée de 873.938,13 tonnes au premier semestre de 2021 à 1.144.965,75 tonnes au premier semestre de 2022. Ce qui représente une augmentation de 31,01%.
Notons également que l’essentiel de la production du cuivre vient notamment de deux provinces, c’est-à-dire du Haut Katanga et de Lualaba. C’est dans cette dernière que se trouve Kolwezi, village menacé par une mine des environs qui ne cesse de s’accroître.
Alors que les habitants du village de Kolwezi disent être au courant que cette mine donne aussi de l’or, les chiffres de la cellule technique de coordination et planification minière montrent plutôt que les grandes provinces productrices de l’or sont plutôt le Bas Uélé, le Sud Kivu, l’Ituri, Haut Uélé et Maniema et non Lualaba.
Des travaux à l’intérieur même du village
Kolwezi semble être érigée sur d’énormes richesses et les sociétés ne cessent d’y faire leur entrée à la recherche des minerais. Les conséquences sont les départs des uns et des mouvements de résistance des autres.
Charles Mbundia dit descendre d’une famille venue de Kinshasa pour s’installer dans cette région les années 50 bien avant l’indépendance du Congo de la Belgique.
Il raconte comment sa maison et celle de son voisin ont été démolies. Ils avaient reçu $7500 en guise de compensation.
« On nous a demandé de prendre l’argent et de partir. Cette somme est trop infime. Elle ne me permet pas d’acheter une parcelle où je peux construire une maison loin d’ici. Comment pourrais-je trouver de l’argent pour me construire une autre maison ? »
Par ailleurs, il explique que sa maison valait plus de $20.000. Mais il est contraint de s’en aller avec une compensation de seulement $7.500.
L’autre défis est que Kolwezi avait l’eau potable et l’électricité, mais que désormais ceux qui partent sont contraint de vivre sans, ni eau, ni électricité.
Le montant de $7500 pour une maison équipée d’électricité et de l’eau
Selon un travailleur de l’administration de Kolwezi qui a demandé l’anonymat, les sociétés chinoises qui exploitent le cobalt ou le cuivre et les minerais associés « ne donnent que $7500 comme indemnisation par maison à démolir ».
Selon Jean Marc Kananga Muleba, un des résidents, il est difficile d’abandonner sa maison et de partir avec une modeste somme.
Pour lui, trouver une maison avec du courant électrique et de l’eau potable est inimaginable avec une modeste somme de $7.500. Lui et quelques résidents ont décidé de chercher des minerais sous leurs maisons avant de céder les parcelles
« En tout cas, je partirai après tout le monde. J’ai travaillé pour des sociétés minières ici et ailleurs et j’ai de l’expertise. J’ai décidé de chercher des minerais sous ma maison moi-même avant de partir. J’en ai déjà trouvés et je continuerai. Si la maison doit tomber je m’en irai avec les $7500 et ce que j’aurais vendu après les recherches que j’ai entamées sous ma maison », dit Kananga Muleba.
D’un côté, certains des habitants de Kolwezi, à l’instar de Jean Marc Kananga Muleba accusent des « sociétés étrangères de ne pas respecter les droits des communautés » mais de l’autre, ils accusent aussi le Gouvernement parce que les plans cadastraux des mines dans Kolwezi englobent une grande partie de cette ville.
« Les permis miniers couvrent la majeure partie de la superficie de Kolwezi, selon le cadastre minier de la République Démocratique du Congo », raconte Kananga Muleba.
Par ailleurs, les sociétés extractives suivent ces plans cadastraux et se disent en train de respecter la loi, regrette Kananga Muleba qui ajoute que ces sociétés n’honorent pas souvent leurs engagements sociaux, notamment la construction des écoles ou centres de santé ou dans le recrutement d’un personnel parmi les habitants concernés par leurs projets extractifs.
Des départs
Un administratif de la Mairie de Kolwezi témoignant sous le couvert d’anonymat dit que plus de 35 000 personnes vivent encore dans cette ville. Initialement la population était de à 38 000.
Les autres ont pris la route de « l’exil » pour s’installer ailleurs depuis le début de 2022, selon une source de la mairie de Kolwezi.
Le mot exile est aussi utilisé par Margueritte. Cette septuagénaire regrette que ses parentés ont aussi pris fuite pour aller vivre ailleurs.
« Ma nièce et cousins ont pris fuite. Ils ont été forcés de quitter. On dirait que nous sommes des réfugiés sur nos propres terres », raconte-t-elle.
Contactés par la rédaction de Mongabay français, le nouveau maire de la ville de Kolwezi, Jacques Masengo Kindele, et le député Gaston Mushid Mutund n’ont pas répondu aux questions envoyées.