Vue aérienne de la mine d’or de Río Huaypetue au Pérou. La mine, qui faisait partie de la forêt tropicale amazonienne, est rendue responsable de dégâts environnementaux de grande ampleur, ainsi que de problèmes sociaux, notamment des allégations concernant le travail d’enfants. Photo de: Rhett A. Butler.
Dans un effort pour relancer les investissements en baisse dans l’industrie minière et les combustibles fossiles, le Pérou a passé une nouvelle loi controversée qui revient sur nombre de ses protections environnementales et réduit le pouvoir de son ministère de l’Environnement. Cette nouvelle loi inquiète les défenseurs de l’environnement, non seulement par son impact, dont 60 pour cent concerne la forêt amazonienne, mais aussi par les mesures qui ébranleront les progrès au sommet sur le climat de l’ONU qui aura lieu en décembre au Pérou.
La nouvelle loi, signée par le Président Ollanta Humala ce mois-ci, est détaillée dans son application. Elle réduit de manière significative la plupart des contraventions pour dégâts environnementaux, force les études ayant un impact sur l’environnement à être réalisée en seulement 45 jours, et autorise l’extraction minière et de combustibles fossiles dans toutes les aires nouvellement protégées.
« Nous considérons ces mesures comme étant un sérieux recul pour le Pérou dans le domaine environnemental. Nous exhortons le gouvernement péruvien à reconsidérer cette initiative et à la retirer, » ont écrit plus de 100 groupes locaux et internationaux pour la protection de l’environnement dans une lettre s’opposant à la nouvelle loi.
La loi mine également les capacités du ministère de l’Environnement, qui a été mis en place en 2008 seulement, en retirant l’autorisation de définir des normes pour la qualité de l’air, des sols et de l’eau. Évidemment, la tête du ministère, Manuel Pulgar-Vidal, a voté contre les projets de loi.
Pour finir, la nouvelle loi promulgue des avantages fiscaux pour les sociétés minières étrangères opérant dans le pays.
Toutefois, le Pérou est toujours remué par des conflits entre communautés locales et sociétés d’exploitation minière et pétrolière. Les peuples indigènes de l’Amazonie s’opposent à l’exploration et l’exploitation pétrolière sur leurs territoires traditionnels depuis des dizaines d’années, tandis que les communautés des Andes ont lancé une campagne pour arrêter l’expansion continuelle des mines.
Blocs de pétrole et de gaz dans l’Amazonie occidentale. Le jaune solide indique les blocs déjà loués à des sociétés. Le jaune haché indique les blocs proposés ou ceux en cours de négociation. Les aires protégées sont celles considérées comme strictement protégées par l’UICN (catégories I à III). Image modifiée à partir de Finer at al (2008). |
Les conflits en sont même venus à la violence. En 2009, une manifestation contre une nouvelle loi ouvrant de grandes zones de l’Amazonie à l’exploitation forestière, minière et pétrolière s’est terminée avec la mort de 23 policiers et au moins 10 protestants indigènes. La loi à l’origine des incidents a finalement été renversée et le président qui la soutenait, Alan Garcia, démis de ses fonctions. Son remplaçant, Humala, a été élu avec l’espoir, et la promesse, qu’il pourrait calmer le conflit entre les entreprises multinationales et les communautés locales.
En effet, les écologistes ont été encouragés par certains faits nouveaux au Pérou depuis l’élection d’Humala. Par exemple, l’année dernière, le Pérou a déclaré un état d’urgence en raison des décennies de pollution pétrolière de la rivière Pastaza. Cet état d’urgence, qui obligeait le géant pétrolier Pluspetrol à nettoyer la région, a seulement été mise en place par les toutes nouvelles normes sur les sols et l’eau du ministère de l’Environnement, que la nouvelle loi supprime.
Selon L’Associated Press, le Pérou a promulgué cette loi en réponse au ralentissement de sa croissance économique, qui est passé de 6,3 pour cent en 2012 à 5 pour cent l’année dernière. Le pays d’Amérique latine dépend lourdement de l’exploitation minière et des combustibles fossiles. À l’heure actuelle, l’exploitation minière compte environ 60 pour cent des exportations dont l’or représente un tiers. Pendant ce temps, 70 pour cent de l’Amazonie péruvienne a été cédée aux enchères aux sociétés pétrolières pour mener son exploration.
Les opposants à la loi craignent que ses ramifications s’étendent au-delà des frontières péruviennes.
« Dans un contexte de crise climatique mondiale, où des actions concrètes et urgentes sont nécessaires, ce nouveau projet de loi envoie un signal très négatif, qui est aggravé par le rôle du Pérou en tant que président de la CdP 20 (20e Conférence des Parties), » écrivent les groupes de défenseurs de l’environnement. « Ce projet de loi sur l’investissement récompense les parties qui ne se conforment pas aux règles environnementales actuelles du Pérou. »
L’une des responsabilités d’être à la présdience de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui change de pays chaque année, est d’accueillir le sommet annuel sur les changements climatiques de décembre, cette année. Certains placent beaucoup d’espoirs dans cette conférence qui ouvre la voie à un nouvel accord à Paris en 2015. Mais en tant que pays d’accueil, le Pérou pourrait considérablement influencer le résultat de la conférence de cette année. Les pays d’accueil récents, la Pologne et le Qatar, ont tous deux été critiqués pour ne pas avoir fait suffisamment pour pousser l’ambition des sommets des deux dernières années.
« Nous sommes à un moment crucial où on attend du Pérou de faire un pas en avant et de montrer un leadership cohérent afin de créer des politiques environnementales qui permettront de relever le défi des changements climatiques, » déclarent les groupes écologiques.
Quelques jours après le vote de la nouvelle loi, Pulgar-Vidal, le ministre de l’Environnement, a annoncé que le pays préparait un sommet audacieux.
« Nous avons reçu des signes positifs et un soutien politique important, » a-t-il affirmé aux délégués au sommet à Saint-Pétersbourg. « Notre objectif principal est de montrer notre détermination et d’obtenir un projet d’accord, c’est le seul moyen d’aller vers un CdP significatif à Paris. »