- Un rapport de l’organisation Fauna and Flora montre que les communautés africaines ne subissent pas passivement le changement climatique. Elles s’organisent, innovent et réinventent leurs pratiques, pour faire face à des conditions environnementales de plus en plus difficiles.
- Que ce soit la restauration des pâturages au Kenya, la replantation des mangroves en Tanzanie ou la gestion participative des zones marines protégées au Cap-Vert, le rapport décrit des initiatives locales, conçues et mises en œuvre par les habitants eux-mêmes, souvent grâce à leurs savoirs traditionnels et à leur compréhension de leurs écosystèmes.
- Le rapport souligne que sans soutien institutionnel et financier, les efforts locaux, aussi ingénieux soient-ils, restent fragiles et difficiles à maintenir à long terme.
Un rapport révèle que les communautés locales africaines en première ligne face aux effets du changement climatique, possèdent les connaissances, les pratiques et la capacité d’adaptation nécessaires pour renforcer leur résilience et suggère de leur donner maintenant les moyens d’agir.
Publié en septembre 2025, par Fauna and Flora, une organisation caritative visant à protéger la diversité de la vie sur terre, pour la survie de la planète et de ses habitants, le rapport analyse les effets du changement climatique sur trois contextes africains : les savanes du Kenya, les communautés côtières de Tanzanie et celles des îles du Cap-Vert.
Les communautés des savanes du Kenya font face aux sécheresses prolongées, ainsi qu’à la diminution des pluies et au tarissement des rivières. De ce fait, la recherche d’eau, une tâche dévolue aux femmes et aux filles, devient une activité plus pénible et dangereuse. « Certaines d’entre elles marchent plus de cinq heures par jour pour trouver de l’eau. Elles sont également exposées à des risques tels que la violence et les conflits entre les humains et la faune sauvage à proximité des points d’eau », dit le rapport.
Car, lorsque la rivière s’assèche, la faune sauvage et le bétail remontent le cours d’eau à la recherche d’eau, ce qui les rapproche des agriculteurs et entraîne une augmentation des conflits. Les périodes de sécheresse entraînent aussi la déscolarisation des enfants qui aident leurs familles à subvenir aux besoins du foyer.
Grâce à la réhabilitation de zones de pâturage par l’élimination d’espèces envahissantes et au ressemis d’herbes locales, la végétation naturelle s’est régénérée, offrant davantage de nourriture au bétail et réduisant la pression sur les ressources. « Les efforts de restauration des forêts et des pâturages ont utilisé des espèces d’arbres et d’herbes indigènes, en s’appuyant sur les connaissances locales, pour s’assurer qu’elles sont adaptées aux conditions de la région », dit le rapport, qui insiste sur le fait que « les connaissances locales et autochtones jouent un rôle clé dans l’adaptation aux conditions climatiques changeantes ».
Les efforts locaux ont également contribué à diminuer les conflits entre agriculteurs, éleveurs et faune sauvage, tout en améliorant l’accès à l’eau, grâce à la réhabilitation de points d’eau et à la collecte des eaux de pluie.
Parallèlement, la diversification des activités économiques, comme l’artisanat ou le petit commerce, a permis à plusieurs ménages, notamment aux femmes, de sécuriser leurs revenus et de mieux faire face aux périodes de sécheresse.
Les communautés côtières de Tanzanie, notamment sur la côte de Tanga et sur l’île de Pemba à Zanzibar, sont confrontées, selon le rapport, à de fortes pluies, des vents violents, la sécheresse, l’élévation des températures et la montée du niveau de la mer. Ces perturbations entraînent « la destruction des fermes d’algues et du matériel de pêche, la perte des récoltes agricoles, ainsi que la salinisation des sols et des réserves d’eau douce ». Des effets combinés compromettant la sécurité alimentaire et occasionnant la réduction des revenus des ménages.

Le rapport souligne aussi que les femmes sont particulièrement touchées, car elles dépendent fortement de la culture d’algues et de la pêche artisanale, pour subvenir aux besoins de leur famille. Les tempêtes et la dégradation des écosystèmes côtiers entraînent la perte de leurs principales sources de revenus, aggravant la précarité économique et sociale des foyers.
Face à ces difficultés, les habitants ont mis en place divers mécanismes d’adaptation, notamment la restauration des mangroves. Des palétuviers ont aussi été plantés, afin de « protéger les côtes, prévenir les inondations et fournir des lieux de reproduction pour les poissons et les crabes ». Ces actions ont permis de réduire les impacts des tempêtes tout en soutenant la pêche artisanale et la collecte d’algues.
Les populations ont construit des tranchées et des systèmes de drainage améliorés pour rediriger les eaux de crue. Elles ont aussi réparé les routes et les ponts endommagés par les inondations.
Face à la sécheresse, des villages comme Mwandusi ont creusé des puits, planté des cultures résistantes à la sécheresse et constitué des réserves alimentaires.
D’autres villages cultivent des plantes tolérantes à la sécheresse et pratiquent l’agriculture intercalaire pour améliorer la sécurité alimentaire.
Alex Sinandja, ingénieur agrométéorologue, pense que les populations africaines, surtout celles rurales, possèdent une grande capacité à développer des solutions locales face aux changements climatiques. « La notion de changement climatique a pris tout son sens sur le continent à partir des grandes sécheresses des années 1970, notamment dans le Sahel, qui ont fortement affecté la sécurité alimentaire. Ces événements ont poussé les populations à concevoir des techniques d’adaptation et de résilience face à la sécheresse. Ce sont des techniques respectueuses des ressources naturelles qui sont classées dans la catégorie de l’agriculture de conservation », indique à Mongabay cette source qui est en service au Haut conseil pour la mer, une institution participant à la définition des orientations de la politique maritime du Togo.
Aussi l’ingénieur précise-t-il que ces savoir-faire varient d’une région à l’autre selon les ressources disponibles et les cycles saisonniers. « Les techniques utilisées au Cap-Vert ne sont pas les mêmes qu’au Kenya ou au Mali. Chaque population a développé ses propres méthodes pour s’adapter aux changements climatiques, notamment dans le domaine agricole. Ces pratiques traditionnelles ont déjà fait leurs preuves et permettent d’obtenir des résultats satisfaisants en matière de production agricole, car elles sont adaptées au contexte local ».
Le rapport précise que « le manque de financements, la faible connaissance technique, des pratiques d’adaptation et l’insuffisance de l’appui institutionnel freinent la mise en œuvre et l’extension de ces initiatives ».
Certaines communautés bénéficient du soutien d’ONG ou de programmes gouvernementaux. Mais d’autres signalent « l’absence de ce type d’aide ». Sans soutien structurel et la coordination accrue, les efforts locaux, aussi ingénieux soient-ils, restent fragiles et difficiles à maintenir à long terme, dit le rapport.

Soutenir les initiatives locales pour pérenniser les progrès
Au Cap-Vert, les communautés côtières sont confrontées à des tempêtes de plus en plus violentes et nombreuses qui « endommagent les maisons et les infrastructures, détruisent les récoltes et causent même des pertes humaines ».
Il y a également une montée du niveau de la mer, des sécheresses prolongées et la salinisation des sols qui compromettent la production agricole et accentuent la dépendance des ménages aux ressources marines. Ces perturbations ont un impact direct sur les pêcheurs artisanaux et les agriculteurs, qui constituent une part importante de la population active des îles de ce pays.
Pour faire face à ces défis, les communautés capverdiennes s’investissent dans la gestion et la restauration des zones marines protégées, ce qui permet de maintenir les stocks de poissons et de promouvoir une pêche durable, tout en renforçant les capacités locales.
À cela, s’ajoutent des initiatives complémentaires comme le développement de l’écotourisme et de l’artisanat local, qui contribuent à diversifier les sources de revenus. Certaines communautés collectent les eaux de pluie et améliorent leurs infrastructures hydriques, ce qui permet de sécuriser l’accès à l’eau, pour les usages domestiques et agricoles, et de réduire la vulnérabilité des populations rurales.
Ursula Doriane Dountia Saha, spécialiste en changement climatique et biodiversité et présidente de l’association Paulownia basée au Cameroun, qui milite pour les causes environnementales, insiste sur la nécessité de rompre le cycle des dégradations. « Ces initiatives sont bonnes, mais, il ne faut pas oublier que le changement climatique est global. On peut mettre en oeuvre de bonnes initiatives au plan local, si au plan international les autres États ou localités ne s’y mettent pas, l’impact restera faible, surtout pour les Africains qui sont les plus vulnérables. Sans prise de conscience collective, on peut, par exemple, se retrouver dans un cycle où on reboise d’un côté et on coupe de manière non durable de l’autre côté », confie-elle.
Le rapport note que le manque de ressources financières et techniques, la capacité institutionnelle limitée et la taille réduite des communautés freinent ces efforts d’adaptation. De plus, les sécheresses prolongées et les tempêtes plus intenses risquent d’annuler les progrès réalisés si les infrastructures ne sont pas consolidées durablement.
Pour renforcer la résilience des communautés face au changement climatique, le rapport insiste sur la nécessité d’un soutien institutionnel accru et d’une meilleure coordination entre les gouvernements, les ONG et les communautés locales, car « sans accompagnement durable, les initiatives locales restent fragiles et difficiles à maintenir dans le temps ».
Il recommande également d’accroître les financements accessibles directement aux communautés, afin de leur permettre de développer des activités économiques résilientes, de restaurer les infrastructures et de renforcer la sécurité alimentaire et hydrique. Le manque de ressources financières et techniques est présenté comme la principale barrière à l’adaptation.

Dountio Saha pense qu’on doit aussi mettre l’accent sur la justice climatique : « Il faut accroitre les financements accessibles aux communautés. Il faut aussi obliger, avec des textes contraignants, les pays émetteurs à payer pour leurs actions ».
Sinandja insiste sur la nécessité de repenser les modalités d’appui, car, selon lui, le financement climatique est essentiel, mais son accès est complexe, ce qui empêche l’Afrique de bénéficier pleinement des ressources nécessaires à son adaptation. « Les pays africains ont reçu le moins de financements, car les organismes internationaux qui soutiennent les projets d’adaptation ont des procédures longues et compliquées. Prenons le cas du Fonds vert pour l’environnement. Lorsqu’une ONG veut mener une activité de lutte contre le changement climatique, elle doit d’abord rédiger une note conceptuelle, la faire valider par l’autorité nationale désignée, puis passer par de nombreuses autres étapes avant même que le projet ne soit soumis », dit-il. « Et, rien ne garantit qu’une fois la note envoyée, le financement sera accordé. Ce processus, tellement long, fait que souvent les fonds n’arrivent pas jusqu’aux bénéficiaires et ne permettent pas de les soutenir efficacement sur le terrain », précise-t-il.
Le rapport souligne en outre l’importance de valoriser les savoirs locaux et autochtones, qui jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de solutions adaptées aux réalités du terroir. Il préconise aussi de promouvoir des solutions fondées sur la nature, comme la restauration des pâturages, des mangroves et des zones marines protégées, qui contribuent à la fois à la protection des écosystèmes et à la diversification des moyens de subsistance.
Enfin, il appelle à renforcer les capacités techniques et l’inclusion des femmes dans les processus décisionnels, en soulignant que leur participation active est essentielle pour construire des stratégies d’adaptation durables et équitables.
Pour rédiger ce rapport, Fauna et Flora un ensemble d’outils pour recueillir les informations permettant de mieux comprendre la vulnérabilité des communautés et les défis auxquels elles font face.
L’organisation indique avoir renforcé la dimension écologique de cette méthodologie pour mieux appréhender les impacts du changement climatique sur les écosystèmes et la manière dont leur état influe sur la résilience des populations.
Elle a également essayé de saisir comment les femmes et les hommes sont différemment affectés par les effets du changement climatique.
Ses observations sur le terrain entre 2023 et 2024, ont permis de comprendre comment ces communautés perçoivent les impacts climatiques et mettent en œuvre des solutions adaptées à leurs réalités.
Image de bannière : Des chèvres s’abreuvent à un forage financé par Oxfam dans le village de Dilmanyale. De nombreux habitants s’y installent pour profiter de cette source d’eau. Deux points d’eau sont prévus : un pour les humains et un pour les animaux. Cela permet d’éviter la propagation des maladies et de préserver la propreté de l’eau. Cependant, une fois que les animaux ont fini de boire, ils doivent parcourir plus de 10 km pour atteindre le pâturage. Image de Oxfam East Africa via Wikimédia Commons (CC BY 2.0).
Citation :
Fauna and Flora. (2025, septembre). From the ground up : Lessons from African communities on climate risk and building resilience with nature. https://www.fauna-flora.org/wp-content/uploads/2025/09/fauna-flora-From-the-ground-up-adaptation-report.pdf
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