- Le Niger est le premier producteur africain et le deuxième mondial d’uranium avec une expertise de plus de 70 ans dans l’exploitation de ce minerai.
- Pour le Rwanda et le Niger, le nucléaire reste une option énergétique viable et durable dans le contexte de la transition énergétique.
- Les données de l’AIEA montrent que l’électronucléaire présente une meilleure solution environnementale supérieure aux énergies fossiles.
- Une équipe mixte d'experts dans le domaine du nucléaire en provenance du Niger et du Rwanda est à pied d’œuvre pour examiner les modalités d’un partenariat stratégique.
En vue de pérenniser les efforts de mise en œuvre des applications pacifiques des sciences et techniques nucléaires, le Rwanda et le Niger se trouvent dans la phase d’établir un nouveau partenariat stratégique qui mise sur l’intégration du nucléaire pour combler le déficit énergétique.
Les deux pays veulent notamment combiner les atouts du nucléaire, qui offre une production d’énergie constante, avec ceux des énergies renouvelables, pour créer un système énergétique plus résilient, selon les officiels.
Le Niger, étant le premier producteur africain et le deuxième mondial d’uranium depuis plus de 70 ans, mise sur le partage de son expertise dans ce domaine, avec d’autres pays africains dont le Rwanda, pour répondre aux défis énergétiques et poser les bases d’une stratégie panafricaine.
« Les discussions en cours [entre les deux parties] doivent se poursuivre pour savoir exactement en quoi ça consiste, signer des accords et aller dans les détails », explique Dr Zeinabou Mindaoudou, Présidente de la Haute autorité nigérienne à l’énergie atomique (HANEA).
Pour les deux pays qui sont en quête d’indépendance énergétique, le nucléaire reste une option énergétique viable et durable dans le contexte de la transition énergétique, pour répondre aux défis urgents de développement socio-économique.
Jusqu’à ce jour, la HANEA a élaboré un programme nucléaire qui tient compte des traités, des conventions et d’autres accords internationaux signés et ratifiés par le Niger dans les domaines nucléaires et connexes, dans la perspective de rendre plus tangibles les impacts positifs des applications nucléaires et en assurant leur promotion. « Nous sommes ouverts à tous les types de partenariats mutuellement bénéfiques [avec le Rwanda] dans l’électronucléaire et dans le respect réciproque », dit Dr Mindaoudou, dans une interview exclusive accordée à Mongabay.
Les données de la Commission africaine de l’énergie (CAE), une agence spécialisée de l’Union africaine (UA), montrent que trois pays africains se distinguent jusqu’ici comme principaux producteurs de ce minéral.
Les réserves d’uranium du Niger sont estimées à 450 000 tonnes, soit 5 % des ressources sur le plan global. Les données de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) montrent que cette ressource présente une meilleure solution environnementale supérieure aux énergies fossiles.
À en croire les experts, remplacer 20 % de la production électrique à base de charbon par 250 gigawatts d’énergie nucléaire réduirait les émissions de 2 gigatonnes de CO₂, soit 15 % des émissions annuelles du secteur électrique.

Projets de nucléaire civil en cours
Au Rwanda, le gouvernement a d’ores et déjà signé plusieurs contrats pour la construction de réacteurs nucléaires, notamment avec l’entreprise américaine Nano Nuclear Energy et la start-up germano-canadienne Dual Fluid Energy, en 2023.
En 2019, un autre accord a été conclu avec le Russe Rosatom, pour la création d’un premier Centre de Science et de Technologie Nucléaires (CNST, sigle en anglais) dont la mission principale est de promouvoir les utilisations pacifiques de la science et des technologies nucléaires au développement socio-économique. « Ces contrats visent à diversifier différentes sources d’énergie du pays, en vue de réduire sa dépendance aux énergies fossiles », explique, à Mongabay, Dr Fidele Ndahayo, Directeur exécutif de l’Office rwandais de l’énergie atomique (RAEB, sigle en anglais).
Selon lui, l’adoption du nucléaire n’est pas un simple choix, mais plutôt une priorité absolue pour le Rwanda, qui envisage d’établir des partenariats efficaces avec les pays comme le Niger, dans la mise en œuvre de son programme électronucléaire dans divers domaines comme la santé, la nutrition, l’énergie, les mines et l’industrie de transformation etc.
Si le choix du Rwanda de se tourner vers le nucléaire civil reste, aux yeux des officiels à Kigali, une décision stratégique majeure, Dr Mindaoudaou, souligne que la production de l’électricité nucléaire exige le combustible fabriqué à partir de l’uranium.
Le Niger est riche en uranium, avec des réserves évaluées à plus de 445 000 tonnes, représentant environ 5 % des ressources mondiales identifiées, faisant de ce pays d’Afrique de l’Ouest, un fournisseur stratégique pour de nombreuses centrales nucléaires à travers le monde. « Nous avons une large quantité de cette matière première essentielle pour le nucléaire civil », dit Dr Mindaoudou, à Mongabay.
Combler des lacunes en technologie nucléaire
Alors que la filière nucléaire est perçue comme un secteur créateur d’emplois tout en contribuant à l’indépendance énergétique pour les deux pays, les avis restent unanimes du côté des officiels et des chercheurs sur les lacunes à combler en termes de renforcement des capacités scientifiques et institutionnelles pour adapter cette innovation au Rwanda.
Au Rwanda, par exemple, malgré les efforts consentis dans le domaine de la formation avec le lancement en cours d’un programme académique de baccalauréat en sciences et technologies nucléaires à l’Université du Rwanda (publique), le nombre du personnel formé dans ce domaine reste encore à un niveau plus bas.
Professeur Ignace Gatare, principal du Collège des Sciences et Technologies de l’université de Rwanda, affirme que le programme de formation académique qui doit démarrer très bientôt, avec une cohorte de 25 individus pour chaque promotion, pour combler ce déficit, permettra notamment aux étudiants d’acquérir, non seulement de solides bases en sciences générales, mais aussi des connaissances spécialisées en technologie nucléaire. « Les diplômés comprendront mieux le fonctionnement de la technologie nucléaire, notamment son application à la production d’électricité, ainsi que la manière d’utiliser cette énergie en toute sécurité », dit-il à Mongabay.

Des petits réacteurs modulaires
Dr Jimmy Gasore, ministre rwandais des Infrastructure, affirme que des réacteurs nucléaires, tels que les petits réacteurs modulaires (SMR) en cours d’installation au Rwanda, pourront éventuellement être utilisés dans la production de l’électricité, de l’hydrogène et des carburants de synthèse à des coûts inférieurs à ceux des combustibles fossiles.
Même si ces projets soulèvent des préoccupations concernant la gestion des déchets radioactifs et le risque de prolifération nucléaire dans un contexte régional instable, Dr Gasore dit à Mongabay, que cette innovation dans le domaine de l’énergie nucléaire va contribuer à l’industrialisation et à la création d’emplois dans la construction, l’exploitation et la maintenance des centrales.
En effet, les petits réacteurs modulaires (SMR) présentés comme plus sûrs et moins coûteux que les grandes centrales nucléaires traditionnelles semblent séduire le Rwanda, qui mise désormais sur un partenariat stratégique avec le Niger dans le nucléaire civil.

Partenariat gagnant-gagnant
À part le Rwanda, les hauts responsables du Niger, par la voix du Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, ont exprimé la volonté de ce pays d’Afrique de l’Ouest, de devenir un acteur majeur de l’énergie nucléaire civile en Afrique.
S’exprimant en marge du Sommet sur l’énergie nucléaire et l’innovation en Afrique (NEISA), tenue début juillet à Kigali, le chef du gouvernement nigérien a rappelé que son pays a pu développer un programme électronucléaire national, doté d’un cadre réglementaire et d’une stratégie nationale. « Nous avons entamé la phase de mobilisation des financements et de recherche de partenaires pour concrétiser ce projet », a-t-il fait remarquer.
Dr Mindaoudou estime que si le Rwanda, avec son programme électronucléaire, et le Niger, qui dispose de l’uranium en grande quantité et un programme électronucléaire bien élaboré, coopèrent dans ce sens, tous les espoirs sont permis pour faire avancer les deux programmes. « Aussitôt que ce partenariat est concrétisé aux plus hauts niveaux, cela signifie qu’on aura au plus vite des centrales nucléaires qui seront bénéfiques pour nos populations », affirme-t-elle.
Les estimations de la Banque mondiale montre que le taux d’accès à l’électricité au Niger était de 20 %, contre 14,7 % en 2020. Ce pays d’Afrique de l’Ouest ambitionne d’augmenter ce taux pour atteindre au moins 80 % d’ici à 2035.
Au Rwanda, le taux d’accès à l’électricité par la population est actuellement estimé à 83,2 %.
Pour combler le gap, le Niger et le Rwanda travaillent déjà à mettre en place une équipe d’experts dans le domaine du nucléaire, pour examiner les modalités de ce partenariat stratégique, qui doit statuer sur l’achat de l’uranium ou de combustible fabriqué avec l’uranium du Niger. « Il y a des possibilités de collaboration pour faire avancer les deux programmes à travers ce nouveau partenariat », dit Dr Mindaoudou.
Image de bannière : Mines d’uranium dans la ville d’Arlit, au Niger, près du massif de l’Aïr, dans le désert du Sahara. Image CBERS4 MUX Mines d’uranium d’Arlit, Niger via Flickr (CC BY-SA 2.0).
Feedback : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.