- À la veille de la COP30, prévue à Belém, au Brésil du 10 au 21 novembre 2025, les évêques catholiques d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes ont, dans une déclaration commune, lancé un appel pressant à une conversion écologique. Ils y dénoncent le manque d’actions concrètes, les fausses solutions telles que le capitalisme vert, et appellent à des politiques climatiques fondées sur les droits humains et la justice sociale.
- Cette déclaration, émise conjointement par les conférences épiscopales du Sud, insiste sur l’urgence d’une application ambitieuse de l’Accord de Paris et la mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national (CDN), qui soient à la hauteur de l’urgence climatique.
- Les experts et négociateurs climatiques soulignent le manque de soutien explicite des évêques du Nord, qui pourrait limiter l’impact potentiel de la déclaration des prélats de l’église catholique du Sud sur les négociations internationales.
- La création d’un Observatoire ecclésial sur la justice climatique est annoncée, avec l’ambition de surveiller les engagements des COP dans les pays du Sud.
Pour une première, les conférences épiscopales catholiques d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes ont publié une déclaration commune sur l’urgence de l’action climatique en amont de la COP 30 qui se tiendra à Belém, au Brésil du 10 au 21 novembre 2025.
Dans leur déclaration, rendue publique début juillet dernier, les prélats de l’église catholique appellent à une « application ambitieuse de l’Accord de Paris ». En plus, ils rejettent « les fausses solutions telles que « le capitalisme vert, la technocratie, la marchandisation de la nature et l’extractivisme », qui, selon eux, perpétuent « l’exploitation et l’injustice ».
« Nous exhortons les décideurs à respecter l’Accord de Paris et à mettre en œuvre les Contributions déterminées au niveau national (CDN) à la hauteur de l’urgence de la crise climatique. Nous les appelons à placer le bien commun au-dessus du profit, à transformer le système économique en un modèle réparateur, qui donne la priorité au bien-être des personnes et assure les conditions d’une vie durable sur la planète. Enfin, nous les invitons à promouvoir des politiques climatiques et environnementales ancrées dans les droits de l’homme », ont indiqué les évêques dans le préambule de leur déclaration.
Ils appellent, dans leur déclaration publiée à l’occasion du dixième anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat et de Laudato Si’, l’encyclique décisive du pape François sur le climat et l’écologie, à une profonde conversion écologique.
« L’Église des pays du Sud lance son cri pour la justice climatique et la sauvegarde de notre maison commune. Avec courage, elle offre son témoignage prophétique dans un document publié par les commissions épiscopales et les conseils d’Amérique latine, des Caraïbes, d’Afrique et d’Asie. Ce texte rassemble la doctrine socio-environnementale et les expériences pratiques en dialogue avec la science », a dit, dans une note publiée par le Mouvement Laudato Si’, un réseau mondial de catholiques pour la justice climatique et écologique, Vincente de Paula Ferreira, évêque du diocèse de Livramento de Nossa Senhora, et président de la Commission spéciale pour l’écologie intégrale et l’extraction minière de la Conférence nationale des évêques du Brésil.
Selon cet évêque, la déclaration reste également un message d’espoir montrant que la durabilité de la vie sur Terre dépend de la protection des forêts, des sources, de l’agroécologie, des peuples autochtones, des femmes et d’autres communautés vulnérables.

Une voix prophétique du Sud global : entre espoir et limites
Représentant, ensemble, près de 821 millions de catholiques dans toute l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes, d’après le bureau central des statistiques ecclésiastiques du Vatican, l’initiative de ce bloc épiscopal est salutaire, selon David N. Munene, responsable des programmes au sein du Réseau catholique des jeunes pour la durabilité environnementale en Afrique (CYNESA), un réseau régional qui offre une plateforme aux jeunes croyants africains, afin qu’ils puissent relever le double défi de la dégradation de l’environnement et du changement climatique dans une perspective religieuse.
« C’est un signal fort que les évêques du Sud global se soient rassemblés pour publier une déclaration aussi puissante. Elle appelle à une conversion écologique, tout en dénonçant fermement les fausses solutions qui sont largement promues comme réponses à la crise climatique », a dit Munene.
Selon ce dernier, Président du conseil d’administration de l’Institut de l’environnement des communautés religieuses d’Afrique australe (SAFCEI), c’est un message fort qui arrive à point nommé, alors que s’annonce la COP30 à Belém au Brésil, un moment crucial pour le Sud global.
« J’espère que cette déclaration encouragera également une prise de position civique et politique », a ajouté Munene.
Pour Kwami Kpondzo, directeur du Centre pour la Justice environnementale (CJE) au Togo et coordinateur Afrique pour la Global Forest Coalition (GFC), la déclaration commune des prélats de l’église catholique du sud témoigne clairement de leur engagement solide, ainsi que de leurs responsabilités. Cette initiative pourrait, selon lui, influencé les négociations à Bélem.
« Le Brésil est un pays majoritairement catholique et beaucoup de gens écoutent les prêtres. L’implication des Églises dans ce combat en menant la lutte pour la justice sociale et en étant en première ligne peut faire une réelle différence. Certains délégués pourraient utiliser les préoccupations soulevées par les Églises comme levier dans les négociations », dit Kpondzo.

Les évêques demandent aux Etats « de prendre, à la COP 30, des mesures transformatrices basées sur la dignité humaine, le bien commun, la solidarité et la justice sociale, en donnant la priorité aux plus vulnérables, y compris notre sœur la Terre ».
Au-delà, la déclaration des évêques offre une perspective pour mieux comprendre les enjeux climatiques, selon Dr Marie Jeanne G. Sambou, climatologue et chercheure associée au Laboratoire de physique de l’atmosphère et de l’océan Siméon Fongang de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), au Sénégal.
« Cette déclaration est à la fois prophétique et pratique, particulièrement pour nous en Afrique. Elle nomme la crise que nous affrontons, non seulement en termes d’émissions ou de politiques, mais de justice, de dignité et du vécu des communautés. En menant une réflexion combinant foi et réalités locales, ce message offre une perspective pour mieux comprendre et répondre à nos défis communs », a-t-elle dit, dans un courriel à Mongabay.
Toutefois, si l’initiative de l’église est à saluer, David Munene, impliqué dans les négociations climatiques au cours des dernières Conférences des parties (COP) pour le climat, souligne que l’absence d’une solidarité claire des évêques du Nord constitue une faiblesse de la déclaration.
Il reste ainsi pessimiste sur la prise en compte des propositions ou de la position des évêques du Sud dans les négociations. « Je ne suis pas très optimiste, quant à son impact direct sur les négociateurs. Le fait que cette déclaration émane du Sud global est à la fois une force et une faiblesse. C’est une force parce qu’elle vient des plus touchés, mais une faiblesse, car elle ne bénéficie pas d’un soutien explicite de la part des évêques du Nord. Cela permet à certains négociateurs de la rejeter plus facilement, en la percevant comme une accusation ou une dénonciation », a dit Munene, à Mongabay.
Il estime du point de vue stratégique qu’un soutien clair des évêques du Nord aurait renforcé le message et permis un dialogue plus équilibré.

L’engagement attendu de l’Église catholique
Si l’Église catholique appelle à accélérer les actions et à orienter les financements adaptés vers le climat, elle devrait elle-même en être un modèle.
« La déclaration aurait pu être plus forte encore sur le plan de l’engagement concret de l’Église. Dans la section sur les responsabilités, les évêques auraient pu dire clairement ce que l’Église elle-même s’engage à faire. Par exemple, allons-nous verdir nos églises, nos infrastructures, nos institutions. Que sommes-nous prêts à abandonner ou transformer ? Il est légitime de demander des comptes à ceux qui ont détruit le climat, mais il est tout aussi puissant de montrer l’exemple », a dit David Munene, à Mongabay.
A Lomé, un prêtre catholique, qui n’a pas souhaité s’exprimer officiellement sans mandat de sa hiérarchie, soutient aussi qu’il est important que l’église puisse montrer la voie par l’action.
« L’Église doit montrer l’exemple. Nous devons aller vers des églises vertes, car même à petite échelle, la construction de nos lieux de culte a un impact sur l’environnement. Nos fidèles doivent aussi être éduqués à l’action climatique », a-t-il commenté.
Pour Marc Levi Marc Adama, fidèle catholique et activiste pour le climat engagé au sein de différentes organisations de jeunes, « l’Eglise catholique est l’une des institutions les plus influentes au monde et qui dispose de ressources avec lesquelles, elle peut réellement inspirer l’action publique et mobiliser les communautés en faveur du climat ».
Dans cette perspective et pour un plus grand impact de cette déclaration, David Munene propose d’organiser une rencontre de tous les négociateurs catholiques présents aux différentes COP.
« Il existe une opportunité que l’Église n’a pas encore saisie, pas même le Saint-Siège : celle d’organiser une rencontre de tous les négociateurs catholiques, dont certains représentent leur pays aux COP, afin de discuter de l’éthique, des valeurs et de la morale dans les négociations climatiques. Rassembler tous ces négociateurs catholiques lors de la COP30, pour une véritable conversation, serait un tournant », recommande ce négociateur kényan.

Un Observatoire ecclésial sur la justice climatique annoncé
Les conférences des évêques annoncent dans leur déclaration la création d’un Observatoire ecclésial sur la justice climatique, grâce à la Conférence ecclésiale de l’Amazonie, pour, projettent-ils, « surveiller les engagements des COP et leur exécution dans le Sud, ainsi que pour dénoncer les engagements non réalisés ».
Le Mouvement Laudato Si’, dirigé par Lorna Gold, indique que les conférences, à travers cet observatoire, réaffirment que l’église catholique « ne cessera pas de lever la voix contre les injustices écologiques et sociales, en se rappelant que la clameur de la Terre est également la clameur des pauvres ».
Toutefois, la création de cet observatoire devrait, selon Dr Sambou, être accompagnée de réelles capacités d’action, pour qu’il puisse jouer pleinement son rôle.
« Pour qu’il soit utile, cet observatoire devra pouvoir surveiller l’expansion des énergies fossiles, suivre l’accès à l’énergie, collecter des données genrées et tenir les gouvernements et les entreprises pour responsables. Ce serait ainsi un garde-fou crédible et indépendant », a-t-elle précisé.
Image de bannière : Sortie de messe à la paroisse Notre-Dame de la Rédemption de Bê-Klikamé 2, à Lomé au Togo. Image de Charles Kolou pour Mongabay.
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