- Le Milo, une rivière longue de 330 km, dont le bassin versant couvre 13500 km², qui traverse la commune urbaine de Kankan, deuxième ville de la Guinée est impactée par les activités humaines, notamment les productions artisanales de briques en terre cuite.
- La production artisanale des briques en terre cuite est une activité génératrice de revenu qui contribue à la dégradation des berges de la rivière.
- Les autorités communales se disent inquiètes, face aux conséquences de cette activité sur cette rivière, qui représente pour la ville de Kankan ce qu’est le Nil pour l’Égypte.
Jean Sakovogui, un père de famille, s’adonne à la production artisanale des briques cuites depuis près de deux ans. Devant son four dans le quartier Briqueterie au Sud-Est de la commune urbaine, il témoigne avoir fait le choix des berges de la rivière Milo pour cette activité. « C’est pour rendre faciles nos projets de construction, l’année dernière, que nous avons choisi de confectionner les briques ici… Le choix du Milo dépend de deux choses : la qualité de la terre et comment trouver l’eau. Car la production doit se faire en saison sèche, pas en saison pluvieuse. Même si ce n’est pas l’eau du Milo qu’on puise, qu’aux abords, en creusant, on en trouve », confie-t-il.
Avec une production moyenne de 110 000 000 briques par an, la production artisanale des briques est une activité génératrice de revenus pour bon nombre de citoyens qui s’y adonnent à Kankan.
Selon Sakovogui, bien que le travail soit difficile, ces produits restent sollicités par les citoyens dans des projets de construction des maisons. « L’année dernière, toutes les briques produites ont été achetées. Malgré nos productions actuelles, si la même clientèle de l’année dernière se présente, les briques seront insuffisantes cette année », dit-il à Mongabay.

Mais, cette activité constitue une menace pour le Milo, la principale rivière qui traverse la ville de Kankan, à l’Est de la Guinée, avec une longueur de 330 km environ. Des voix s’élèvent pour dénoncer cette activité et interpeller ces auteurs.
C’est le cas des citoyens, des acteurs de la société civile, ainsi que les autorités administratives de la ville. De l’avis de l’autorité communale de Kankan, la production de briques le long du Milo constitue une préoccupation majeure.
Interrogé par Mongabay, Arafan Moussa Koulibaly, premier responsable administratif de cette commune urbaine n’a pas caché sa désolation et son inquiétude vis-à -vis de cette activité : « Je voudrais commencer par dire que cette rivière est très importante pour l’environnement, c’est-à-dire que l’eau est la source de vie. Mais les réalités anthropiques sont là. Elle est menacée par l’action des personnes dont la fabrication artisanale des briques cuites qui agressent, non seulement les berges, mais aussi lors de la cuisson des briques, coupent également des arbres qui sont sur ces berges. Donc, l’exploitation de l’argile sur les berges de cette rivière contribue à des actions néfastes pour le fleuve… C’est pourquoi cette rivière est gravement atteinte », dit le Président de la délégation spéciale de Kankan, qui fait office de Maire, depuis le 12 avril 2024, date de la nomination de la nouvelle équipe communale par le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation, suite à la dissolution des Conseils communaux, le 27 mars 2024.
« Ça peut favoriser la sécheresse, la coupe abusive et la dégradation de nos berges…Nous, qui sommes à Kankan, constatons comment le niveau de l’eau baisse », renchérit Mamadi Doumbouya, Directeur préfectoral de l’Environnement et du développement durable de Kankan.

« Ces activités [de production artisanale des briques cuites] ont forcément un impact sur le captage… Nous avons des saisons, à savoir la saison pluvieuse et la saison sèche. L’influence de ces activités, sur l’amont du fleuve, affecte la qualité de l’eau brute. Du coup, le traitement devient très cher. Quand le cours d’eau tarit, la quantité d’eau que nous devons prélever baisse. Quand ça baisse, ça impacte notre production… », dit Mamadi Condé, Chef de service qualité de l’eau à la Direction Régionale de la Société des Eaux de Guinée.
En effet, l’une des unités de pompage de l’eau de cette société étatique en charge de la fourniture de l’eau, est installée juste à proximité du Milo. La station de traitement de l’eau est située à environ 700 mètres de la rivière.
Pour l’autorité communale, la sauvegarde du Milo doit être une préoccupation pour tous les habitants de Kankan « Nous avons commencé par une grande sensibilisation. Outre cela, nous avons essayé de mettre les fabricants artisanaux de briques cuites en groupes. L’ensemble des groupes évoluent au sein d’une coopérative qui a été soutenue par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). Nous sommes dans cette dynamique et c’est pourquoi le PNUD nous a aidés à regrouper ces acteurs qui font des briques en terre stabilisée. La commune de Kankan a bénéficié d’un bâtiment témoin construit uniquement avec des briques stabilisées. Ces groupements sont là, les machines sont avec eux, on les sensibilise. La finalité est de les faire partir des berges pour les ramener sur la terre ferme ; les former pour qu’ils puissent laisser les briques en terre cuite au profit des briques en terre stabilisée », affirme-t-il en précisant que les coopératives sont créées, mais faute de moyens, elles ne travaillent pas.

Des étapes de production qui impactent
Du creusage de la terre pour l’obtention de l’argile au moulage, l’activité laisse les séquelles visibles sur l’environnement de cette rivière, qui, jusqu’à l’indépendance du pays, en 1958, était navigable de Kankan à Bamako et très propice à la pêche.
De l’Énergie à l’Est de la ville précisément à Dalako, en passant par Kankan Koura, tous des quartiers de la commune urbaine de Kankan jusqu’aux localités riveraines, de vastes superficies à perte de vue aux abords du Milo subissent les conséquences de cette pratique.
Les arbres, qui faisaient la beauté de ces bordures, il y a plusieurs années, ont laissé place aux fours de fabrication des briques en terre cuite. Le visiteur est accueilli par les fumées et flammes qui y jaillissent, polluant ainsi l’écosystème. Presque partout où cette activité est exercée, l’environnement est dégradé, laissant entrevoir des trous béants non couverts et non réhabilités.
Au-delà de la sensibilisation et du regroupement des fabricants en association, les autorités communales comptent poursuivre les campagnes de reboisement le long des rives avec l’appui des ONG et institutions.
En attendant que les fabricants de briques cuites ne soient effectivement tous recasés, la rivière Milo, également affluent du Niger, continue de subir les menaces des activités humaines.
Image de bannière : Le site de fabrication des briques en terre cuite le long du cours d’eau Milo dans la région de Kankan en Guinée. Image de Mohamed Slem Camara pour Mongabay.