- L’Union européenne a sanctionné des personnalités impliquées dans le conflit en RDC, notamment des officiers rwandais et congolais en lien avec le groupe armé M23.
- L’UE pointe du doigt la relation entre l’activisme armé et l’exploitation des minerais de la RDC.
- La société civile veut des actions concrètes pendant que le M23 parle de possible radicalisation après les sanctions de l’UE.
L’UE a annoncé, le mardi 18 mars, le gel des avoirs, l’interdiction de voyage et toute transaction financière avec des entités de l’Union contre des personnalités congolaises et rwandaises liées au Mouvement du 23 mars (M23), groupe armé soutenu par le Rwanda et qui occupe Goma et Bukavu, villes des régions de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), depuis janvier 2025.
Ces sanctions touchent d’abord Bertrand Bisimwa, le chef du M23, et 4 autres responsables de ce mouvement, qui a repris les armes en 2022, après avoir été défait par l’armée congolaise en 2013. En plus de lui, un chef des combattants du mouvement, un responsable de recrutement, un financier et le gouverneur du Nord-Kivu, nommé par le mouvement, depuis qu’il occupe Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, ont été également sanctionnés.
La liste mentionne aussi trois officiers de l’armée rwandaise, de même que deux civils : Francis Kamanzi, alias Erasto, directeur général de l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz (RMB). L’UE le tient pour responsable de l’exploitation et du commerce illicites de minerais convoités en RDC. Est aussi sanctionnée, la raffinerie d’or de Gasabo, basée à Kigali, pour importation illégale d’or en provenance des régions contrôlées par le M23.
Soulagement pour les uns et radicalisation pour les autres
« Cela constitue un soulagement pour nous activistes écologiques. Cela doit être mis en application et que ça ne reste pas que des mots. Nous à l’Est, nous souffrons. Il ya des exploitations illicites de nos carrières minières et même dans le parc [aire protégée] », a réagi Crispin Ngakani, activiste écologique congolais et membre du Caucus des jeunes au sein de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique.
Ngakani attend désormais que cesse l’exportation vers le Rwanda des minerais congolais. En même temps, il veut voir libérer sa ville de l’occupation du M23.

Pour sa part, le gouvernement de la RDC, par la voie de son porte-parole Patrick Muyaya, a déclaré, qu’il poursuivra sa collaboration avec la communauté internationale, afin qu’elle instaure « un embargo sur les minerais extraits illégalement en RDC et exportés par le Rwanda, qu’elle suspende la contribution du Rwanda aux forces de maintien de la paix des Nations unies, et qu’elle impose une transparence accrue sur les transferts d’armes vers le Rwanda, afin d’obtenir le retrait immédiat et inconditionnel de ses troupes du territoire congolais ».
Attendues depuis quelques semaines, en raison de la recrudescence des violences dans l’Est de RDC, ces sanctions n’ont pas plu au M23. Son chef, Bertrand Bisimwa, a rapidement réagi sur son compte X. « Ceux-là qui se moquent de nos problèmes pour ne focaliser leur attention que sur leurs intérêts, ont-ils seulement conscience du déséquilibre qu’impactent leurs sanctions sur le processus de paix dans nos pays ? », a déclaré Bisimwa.
Mécontent, Bisimwa se demande si en ciblant une partie au processus de paix, une telle sanction n’apporte pas de soutien à l’autre partie « en le radicalisant ». « Ont-ils conscience que la conséquence principale de leurs actes est le blocage de tout le processus de paix ? », interroge-t-il, avant d’avancer que l’on ne « pas prétendre faire la paix en Afrique avec les lunettes et les stylos européens. La paix en Afrique doit être une affaire des africains et à la manière africaine. Et les États du monde ne devraient assumer que le rôle d’accompagnateur ».

Kigali contre-attaque
L’UE réagit au conflit congolais un mois (34 jours) après la résolution de son parlement qui a critiqué vertement son accord de coopération sur les minerais critiques de 3T (étain, tungstène, tantale) avec le Rwanda, pour déficit de transparence quant au trafic illicite des mêmes ressources à partir de la RDC vers Kigali. Les eurodéputés ont alors demandé à l’UE de suspendre cet accord.
Lire à ce propos | RDC : Des doutes sur l’application de la demande de suspension de l’accord entre l’Union européenne et le Rwanda autour des minerais
À Kigali, en outre, les autorités rwandaises ont décidé de rompre les relations diplomatiques avec Bruxelles par la voie d’Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, à l’annonce de ces sanctions, qui portent à 32 le nombre des personnalités congolaises et rwandaises visées pour leur rôle dans le conflit armé en cours.
La Belgique, ancienne puissance coloniale à la fois de la RDC, du Burundi et du Rwanda était jusqu’ici considéré comme partenaire financier clé, avec une aide annuelle de 45 millions d’euros (environ 49 millions USD), notamment dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé et l’agriculture.
Quant au chef de l’Etat rwandais Paul Kagamé, il a déclaré au cours d’un meeting populaire tenu, le dimanche le 17 mars, à Kigali, que ces sanctions ne vont rien apporter au processus de paix à l’Est de la RDC. Cette prise de parole intervient avant la rencontre-surprise au Qatar avec le président Tshisekedi, le 18 mars, où les deux voisins ont exprimé leur volonté de poursuivre les discussions pour une solution à la crise.
Les sanctions de l’UE axées sur le conflit en RDC et le trafic des minerais ne mentionnent pas l’accord de coopération sur les 3T comme demandé par les députés européens. Quoi qu’il en soit, des analystes congolais avaient estimé qu’il y avait peu de chance que l’UE suspende cet accord bien que critiqué à interne.
Si les principaux gisements de ces minerais très recherchés sont à ce jour localités en RDC, le Rwanda en compte également sur son territoire et figure parmi les producteurs de ces minerais. Une raffinerie d’or existe et de tantale est déjà opérationnelle dans ce pays. Le Rwanda possède également la seule fonderie d’étain active en Afrique.
Image de bannière : Des soldats du M23. Image de Al Jazeera English via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).
Les principaux facteurs alimentant le conflit dans l’Est de la RDC
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